Intervention de Stéphane Scotto

Réunion du jeudi 25 novembre 2021 à 10h55
Commission d'enquête sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française

Stéphane Scotto, directeur interrégional Île-de-France-Paris :

La direction interrégionale que je dirige s'étendait originellement jusque dans l'Indre mais son périmètre a ensuite été redéfini et depuis 2008, il correspond à celui de la région administrative d'Île-de-France. Il est en rapport avec deux cours d'appel, soit moins que dans les autres interrégions où j'ai travaillé. Il comprend dix-sept établissements pénitentiaires – majoritairement des maisons d'arrêt – et huit services pénitentiaires d'insertion et de probation.

Un tiers de notre parc immobilier a été construit au XIXe siècle, un autre à la fin du XXe siècle et le dernier a été construit ou profondément rénové au cours des quinze dernières années. Trois structures d'accompagnement à la sortie verront par ailleurs le jour en 2023 ainsi qu'un quartier pour peines de 400 places à Fleury-Mérogis. Un nouvel établissement de 750 places sera opérationnel en 2025 en Seine-Saint-Denis. Enfin, cinq établissements supplémentaires seront livrés entre 2027 et 2028. L'ouverture de ces nouveaux établissements contribuera à la résorption de la surpopulation carcérale – 126 % de taux d'occupation en moyenne et des taux supérieurs à 170 % dans certains quartiers et certaines maisons d'arrêt. Malgré les différents aménagements réalisés, nous dénombrons encore 60 matelas au sol. Nous gérons actuellement 12 700 personnes détenues et 27 000 personnes en milieu ouvert. 98,5 % des extractions judiciaires réclamées par les autorités judiciaires sont réalisées. Cette mission est sous tension actuellement avec le procès V13 – attentats du vendredi 13 novembre 2015 –, qui nécessite des équipages étoffés et lourdement équipés.

Notre direction interrégionale est caractérisée par la surreprésentation des profils lourds et des détenus liés à des mouvances terroristes ou islamistes, ce qui s'explique par l'existence de juridictions spécialisées. Notre région concentre ainsi 26 % des détenus pour terrorisme islamiste, ou TIS, recensés en France. De même nous comptons 26 % des détenus de droit commun radicalisés mais condamnés pour des faits autres que terroristes. Nous disposons de deux quartiers d'évaluation de la radicalisation et un troisième doit ouvrir prochainement pour les femmes détenues. Nous avons également créé un quartier de prise en charge de la radicalisation.

Nos effectifs se montent à 8 000 personnels pour 7 500 équivalents temps plein. Ces effectifs sont plutôt jeunes compte tenu du turnover important et d'un flux de départs vers les polices municipales assez significatif – ces dernières représentent pour nous une concurrence complexe à gérer.

Le début du millénaire a été marqué par l'apparition d'une surpopulation carcérale endémique qui s'explique notamment par l'accroissement démographique francilien. Diverses réformes pénales ont été mises en œuvre afin de développer les aménagements de peine alternatifs à l'incarcération mais malgré la mobilisation des services pénitentiaires, les effets escomptés n'ont pas été pleinement atteints.

Nous avons assisté à une montée en puissance de la surveillance électronique, à la professionnalisation des agents et à la diversification de leurs activités. Nos services pénitentiaires et de probation fêtent leur vingt-et-unième année. Des équipes régionales d'intervention et de sécurité ont été créées. Je mentionnerai également les équipes cynotechniques et celles en charge des extractions judiciaires et de la surveillance électronique.

Une autre tendance importante est la formalisation des procédures, tant en milieu ouvert qu'en milieu fermé, avec depuis 1995, un recul de la notion d'ordre intérieur, et au renforcement du contradictoire dans les procédures.

Une certaine pluridisciplinarité est apparue dans nos services afin de prendre en charge les différents publics.

Les services pénitentiaires d'insertion et de probation, qui travaillent avec les structures dites de droit commun, bénéficient d'une visibilité accentuée.

Enfin, nous avons assisté à une évolution du profil de nos publics, avec la multiplication des profils spécifiques : TIS, auteurs d'infractions à caractère sexuel, auteurs de violences conjugales, actes de violence par certains détenus, y compris en milieu ouvert, détenus sujets à des problèmes psychiatriques ou à des addictions, etc.

Par ailleurs, la diversification des activités des services pénitentiaires s'est accompagnée d'une professionnalisation des services qui les administrent, en particulier les directions interrégionales, avec la mise en place de missions nouvelles et avec la gestion de marchés de gestion déléguée et de PPP – partenariats public-privé – de plus en plus complexes. Cet élargissement des missions s'est accompagné d'un renforcement des moyens : ma direction interrégionale, qui au début de ma carrière disposait d'un budget annuel de 270 millions de francs, dispose aujourd'hui d'un budget de 183 millions d'euros, plus une enveloppe budgétaire de 25 millions d'euros au titre des investissements immobiliers. La masse salariale atteint 440 millions d'euros.

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