Intervention de Stéphane Gély

Réunion du jeudi 25 novembre 2021 à 10h55
Commission d'enquête sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française

Stéphane Gély, directeur interrégional Sud-Toulouse :

Merci de nous donner l'occasion de nous exprimer devant des membres de la représentation nationale. Je pense que la situation que je connais depuis trois ans à la tête de ma direction interrégionale illustre tout à fait le titre de votre commission. Je m'efforcerai d'avancer des éléments d'explication pour cette situation.

J'illustrerai mon propos sur trois indicateurs : 6 076 personnes sont actuellement détenues sur notre périmètre alors que nous ne disposons que de 4 808 places opérationnelles dans nos seize établissements, et nous totalisons 519 matelas au sol, soit le nombre le plus élevé parmi les directions interrégionales françaises.

Je suis convaincu que notre offre pénitentiaire ne correspond plus aux besoins judiciaires et à la politique pénale mise en œuvre dans notre pays. En outre, j'estime que l'administration pénitentiaire n'a pas été en mesure de s'adapter à l'évolution démographique de nos territoires. Enfin, pour avoir travaillé dans d'autres circonscriptions, je constate une certaine hétérogénéité de l'offre. Je développe ce dernier point en comparant ma direction actuelle et la précédente : la direction Grand-Est compte 5 860 places pour 5,5 millions d'habitants, alors qu'en Occitanie, nous avons 4 808 places pour 5,9 millions d'habitants : Nous avons donc un millier de places en moins pour 350 000 habitants de plus. Fort heureusement, le plan 13 000 places de la fin du siècle dernier a abouti à l'ouverture de nouveaux établissements dans les années 2010, mais il nous faudra encore supporter la situation de surpopulation actuelle pendant encore quatre ans, jusqu'à ce que quelque 1 600 places supplémentaires deviennent disponibles.

Vous connaissez certainement le concept de séparation des pouvoirs tel qu'exposé par Montesquieu : nous sommes une administration d'exécution, c'est-à-dire que notre rôle est d'exécuter les décisions prises par l'autorité judiciaire. La problématique de la surpopulation pénale ne relève pas de la compétence exclusive de l'administration pénitentiaire mais implique l'ensemble de l'institution judiciaire. Nous devons donc travailler de concert avec les autorités judiciaires, et je dois d'ailleurs saluer une nette amélioration dans ce domaine ces vingt dernières années : tous les sujets peuvent aujourd'hui être débattus sans réserve. Nous devons faire en sorte que les peines prévues par les législateurs puissent être appliquées de manière réaliste.

À ce titre, nous venons de signer une convention avec le parquet général et la première présidence de la cour d'appel de Toulouse. L'objectif est de faire en sorte que les alternatives à l'incarcération et les aménagements de peines envisageables au cours de l'exécution de la peine soient parfaitement connus de l'autorité judiciaire. Le ministre de la justice a fait en sorte que les TIG – travaux d'intérêt général – soient parfaitement connus par tous les barreaux de France. À Toulouse, ce sera donc le cas pour tous les aménagements de peine et les solutions alternatives à l'incarcération. Les avocats de la défense seront ainsi plus à même de demander que leurs clients puissent en bénéficier. Je pense que les barreaux français ne se sont pas encore complètement imprégnés de cette question. Nous souhaitons par ailleurs que les chefs d'établissement et les DSPIP – directeurs des services pénitentiaires d'insertion et de probation – puissent jouer un rôle actif de proposition d'aménagements de peine, riches de l'expérience de l'application des ordonnances du 25 mars 2020 dans le contexte de l'épidémie de covid 19. Cette ordonnance a entraîné la libération de près de 1 400 personnes en Occitanie.

Je pense également que nous devons nous interroger sur le cadre d'utilisation des peines privatives de liberté par rapport aux peines restrictives. La prison n'est pas nécessairement la meilleure réponse que la société puisse apporter, et l'incarcération, quelles qu'en soient les conditions, peut entraîner des conséquences individuelles désastreuses. Outre-Rhin, on considère que l'emprisonnement est une parenthèse dans la vie du détenu. Le terme employé, Augenblick, signifie même littéralement « clin d'œil ». J'ai la conviction que l'incarcération devrait être réservée à certaines infractions – notamment les atteintes aux personnes – et que des solutions alternatives doivent être trouvées pour les autres faits de délinquance. Présenter des alternatives ou des aménagements de peine occupe d'ailleurs le plus clair de mon temps.

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