Intervention de Hubert Moreau

Réunion du jeudi 25 novembre 2021 à 10h55
Commission d'enquête sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française

Hubert Moreau, directeur interrégional Grand-Est-Strasbourg :

L'administration pénitentiaire est censée influer positivement sur le taux de récidive, ce qui revient à attendre de sa part qu'elle réussisse là où les autres institutions judiciaires auraient échoué dans le parcours de vie des détenus. La loi de novembre 2009 a expressément indiqué que l'administration pénitentiaire ne pouvait pleinement accomplir ses missions qu'avec le concours des services de l'État spécialisés. Certains transferts de compétences bénéfiques ont été opérés. Je pense notamment à la réforme de la santé pénitentiaire de 2014, qui constitue une grande avancée et qui était devenue indispensable, et à la réforme de la formation professionnelle, qui relève à présent des conseils régionaux.

J'ai conscience que ma direction interrégionale opère dans un contexte moins contraint que mes confrères précédents. Tout d'abord, son périmètre correspond exactement à celui de la région Grand-Est, avec l'ajout en 2017 de la Champagne-Ardenne et le transfert concomitant à la direction dijonnaise de la Franche-Comté. Nous devons cependant composer avec cinq cours d'appel différentes. Notre direction interrégionale comporte vingt-trois établissements depuis la fermeture toute récente des maisons d'arrêt de Colmar et de Mulhouse, et l'ouverture de l'établissement de Lutterbach.

Le taux d'occupation des maisons d'arrêt atteint 109 % en moyenne et le taux d'occupation global est de 96 %. J'ai la chance de disposer de six centres de détention dont les taux d'occupation sont de l'ordre de 92 % et de deux maisons centrales, Ensisheim et Clairvaux. Aucun matelas au sol n'est recensé sur mon périmètre.

L'évolution de l'administration pénitentiaire tend à nous rapprocher du droit commun, ce dont nous pouvons nous féliciter, avec la contribution croissante de services extérieurs. Nous avons fait évoluer le droit dans les établissements ainsi que les droits des détenus. Je ne dispose d'aucun établissement pour mineurs mais de six quartiers pour mineurs dans six maisons d'arrêt différentes, avec des modes de fonctionnement assez hétérogènes. À Chaumont, par exemple, une petite maison d'arrêt, le nombre de mineurs incarcérés oscille entre deux et quatre.

J'aimerais revenir sur le phénomène de balancier évoqué par ma collègue de Rennes. Ce système est effectivement perceptible en dépit d'une tendance globale à l'amélioration. La politique pénitentiaire alterne ainsi entre des périodes où les aspects sécuritaires sont mis en avant et d'autres où l'accent est mis sur l'insertion et nous devons nous adapter à ces changements d'orientations.

Comme l'a souligné mon collègue parisien, nos budgets de fonctionnement et d'investissement sont en constante augmentation depuis de nombreuses années. Nous pouvons nous en féliciter.

Après avoir ouvert l'établissement de Lutterbach en novembre 2021, nous mettrons en service, dans le courant de l'été 2023, une nouvelle maison d'arrêt de 472 places à Troyes-Lavau. Nous avons besoin de nouvelles places de prison, notamment si nous voulons tendre vers l'enseignement individuel. Des évaluations des besoins sont en cours dans chaque région administrative. On peut regretter que les décisions politiques ne soient pas toujours en corrélation avec les besoins recensés, notamment en matière de cartographie des établissements. Cela s'explique aussi par les changements de majorité politique.

Je conclurai sur une remarque. Avec le déploiement progressif d'alternatives à l'incarcération dans le cadre de la loi de 2019, nous pouvons noter que sur notre périmètre, 950 bénéficiaires de la DDSE – détention domiciliaire sous surveillance électronique – étaient recensés en janvier 2020, que ce nombre était descendu à 500 avec la crise sanitaire en septembre et qu'il est remonté à 1 700 aujourd'hui. Cependant, le nombre d'incarcérations n'a pas diminué sur la période : nous sommes quasiment revenus à la population carcérale de janvier 2020. Une première explication de ce phénomène peut être recherchée au niveau des violences intrafamiliales, en très forte augmentation. La plupart des juridictions ont prononcé des peines mixtes, combinant incarcération et suivi en milieu ouvert ; toutefois, pour l'heure, de nombreux auteurs de tels faits ont intégré la population carcérale.

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