Intervention de éric Dupond-Moretti

Réunion du mercredi 8 décembre 2021 à 18h30
Commission d'enquête sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française

éric Dupond-Moretti, garde des sceaux :

Les effets se font déjà sentir : nous avons embauché 650 magistrats, contre 27 sous le précédent quinquennat. Il reste naturellement beaucoup à faire, et il ne faut pas verser dans l'autosatisfaction. Cela étant, j'ai affecté 2 100 personnes dans les juridictions, dans le cadre du plus grand plan d'embauche depuis vingt-cinq ans. J'en suis plutôt fier, parce que je me suis battu pour aller chercher ce budget. Il faudrait que je sois fou ou totalement inconscient pour dire que je suis le seul à avoir travaillé, mais je fais état de ce que nous avons fait.

À Gradignan, la première tranche des travaux sera livrée en 2023. Cela se traduira par un gain net de l'ordre de 250 places, qui devrait résoudre la question difficile de la surpopulation. Je tiens à votre disposition tous les éléments concernant cet établissement.

Depuis que je suis à la chancellerie, j'entends que la justice est laxiste. Or les prisons sont pleines. Je ne dis rien d'autre, je n'en tire aucune conclusion. Les magistrats sont indépendants, et il convient de sanctionner la délinquance et d'apporter une réponse pénale. Je me contente de dresser ce constat.

Nous avons élaboré un plan d'action pour affecter moins de détenus vieillissants à Bédenac. Nous avons conclu par ailleurs des conventions avec des maisons de retraite pour y placer des détenus libérés. Je demanderai à la DAP de vous fournir tous les éléments et renseignements concernant cet établissement.

De façon plus générale, tous les établissements neufs sont évidemment en conformité avec les dispositions en vigueur. Ainsi, 3 % des cellules sont adaptées aux personnes à mobilité réduite. Un budget de 138 millions est consacré à la maintenance et à l'entretien des établissements, incluant leur mise en conformité et l'accessibilité aux personnes en perte d'autonomie et handicapées.

Je suis en désaccord avec vous, monsieur Gérard, sur la question des réductions de peine. La loi pour la confiance dans l'institution judiciaire prévoit que les réductions de peine seront accordées en fonction de l'effort accompli par le détenu, qui sera apprécié à l'aune de ses capacités. Il va de soi qu'une personne handicapée au point de ne pouvoir travailler ne sera pas sanctionnée. Pour un gamin complètement désocialisé, l'effort pourra être de se lever, de se désintoxiquer, de se soigner, d'apprendre à lire et à écrire, de se former, de travailler.

La DAP participe au plan national de lutte contre les discriminations anti-LGBT+ 2020-2023. Il prévoit un soutien aux associations intervenant en prison, la formation des agents de l'administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse, le renforcement de la prévention des actes anti-LGBT+ en détention par l'amélioration du recueil de la parole et de la prise en charge des personnes vulnérables. Par ailleurs, une convention entre la DAP et SOS homophobie sera signée, me semble-t-il, avant la fin de l'année : elle prévoit l'ouverture anonyme et gratuite d'une ligne d'écoute de l'association, pour ceux qui éprouvent des difficultés liées à leur orientation sexuelle ou à leur identité de genre. Enfin, la DAP a rédigé un référentiel de prise en charge des publics LGBT+, qui comprend un ensemble de préconisations visant un meilleur accueil de ces personnes en milieu pénitentiaire. Il doit être finalisé début 2022 et sera naturellement accessible à qui le souhaite.

Le PPP présente des avantages à court terme : cela va plus vite. Toutefois, cela coûte plus cher. Voilà pourquoi nous n'avons pas choisi cette solution. Le PPP est une dette qui ne dit pas son nom et dont nous payons aujourd'hui le prix, avec 225 millions d'euros chaque année, dont 109 millions liés au paiement différé des investissements. Je tiens à votre disposition l'ensemble des données budgétaires précises, qui sont saisissantes : elles permettent de comprendre que le PPP est assurément une formule beaucoup plus onéreuse.

S'agissant de la santé en prison, le ministère de la santé travaille en étroite collaboration avec celui de la justice afin de tendre vers l'objectif d'une prise en charge équivalente à celle dont bénéficie l'ensemble de la population. Ils ont signé en juillet 2019 une feuille de route commune pour la période 2019-2022, comprenant vingt-huit actions réparties entre six axes. Il s'agit par exemple de mieux connaître l'état de santé des détenus, de déterminer leurs besoins en matière de santé, d'améliorer l'accès aux soins ou encore d'organiser la continuité de la prise en charge après la détention ou la levée de mesures de justice. Un certain nombre d'actions sont d'ores et déjà mises en œuvre, avec notamment le développement de la télémédecine – dont le recours s'est accentué durant la crise sanitaire –, des études engagées sur la santé mentale des personnes détenues et l'élaboration d'un guide pratique qui porte sur des soins obligés en addictologie, véritable problème dans le monde clos de la prison. S'agissant de la prise en charge sanitaire des femmes incarcérées, la feuille de route prévoit expressément l'amélioration de leur accès aux soins, notamment gynécologiques.

La santé mentale est une question difficile et particulièrement douloureuse. Avec Olivier Véran, je soutiens la réalisation d'une étude sur la prévalence des troubles mentaux et l'évaluation du parcours de santé mentale des personnes à leur sortie de prison. La prise en charge psychologique et psychiatrique de la population pénale est absolument essentielle au regard du nombre de détenus qui présentent des troubles mentaux. On manque de données précises et actualisées. Par exemple, comment classe-t-on les psychopathes ? Souffrent-ils de troubles mentaux ou simplement de troubles de la personnalité ? C'est une question ancienne et qui n'est toujours pas réglée. On sait qu'ils constituent une population particulièrement compliquée pour le personnel pénitentiaire. La feuille de route santé-justice prévoit notamment la construction de trois nouvelles unités hospitalières spécialement aménagées – UHSA –, structures de santé sécurisées par l'administration pénitentiaire qui accueillent des détenus atteints de troubles mentaux. Mais demeure la question de la définition des troubles mentaux et de la manière de les appréhender.

Enfin, je souhaite souligner quelques axes prioritaires sur lesquels nous avons travaillé avec Olivier Véran. Nous voulons améliorer l'attractivité de la filière des soins en détention, pour encourager les différents acteurs de la politique de santé mentale à intervenir auprès des détenus. Le programme Alternative à l'incarcération par le logement et le suivi intensif, ou AILSI, conçu par Médecins du monde et l'AP-HM – Assistance publique-Hôpitaux de Marseille –, a pour objectif de proposer à l'autorité judiciaire une alternative à l'incarcération des personnes majeures vivant avec des troubles psychiatriques sévères.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.