Intervention de éric Dupond-Moretti

Réunion du mercredi 8 décembre 2021 à 18h30
Commission d'enquête sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française

éric Dupond-Moretti, garde des sceaux :

Je ne sais pas comment expliquer cette fuite des patrons. La crise de 2008 a-t-elle accéléré ce phénomène ? Délocaliser est-il devenu plus avantageux que le travail en prison ? Je ne peux m'en tenir qu'au constat.

Il y a deux idées dans le contrat de travail pour le détenu. Il s'agit d'abord d'une question de dignité. Je préfère qu'un détenu bénéficie d'un certain nombre de droits en sortant de prison – dont le droit aux allocations chômage – plutôt que strictement à rien et qu'il se tourne vers les minima sociaux. Je trouvais l'idée d'un contrat de travail cohérente avec ce que j'ai réalisé en matière de réductions automatiques de peine.

Un détenu salarié est payé environ 45 % du SMIC. Au-delà des considérations humanistes – certains patrons revendiquent le fait de faire travailler des détenus –, il est économiquement intéressant d'employer des détenus. Beaucoup d'employeurs nous contactent. Après l'université d'été du MEDEF, où, invité par M. Roux de Bézieux, j'ai mentionné le site travail-prison.fr, celui-ci n'a pas pu faire face à l'afflux de connexions. C'est dire l'attrait que cela suscite !

Lors d'un récent déplacement, j'ai rencontré, avec Élisabeth Borne, des patrons de très haut niveau qui attestent que le travail en prison, ça marche. Ainsi, une entreprise du secteur aéronautique militaire confie depuis cinquante ans du travail à des détenus, dans des métiers de très haute technicité, supposant une longue formation ; c'est l'assurance pour les détenus concernés de trouver du travail à leur sortie de prison.

Un certain nombre de mesures ont d'ores et déjà été prises pour attirer les employeurs. Je suis allé voir ce qui se fait à l'étranger : les Belges, dont le sens de l'humour ne se dément jamais, ont lancé une campagne nationale dont le slogan, illustré par des individus, costume cravate et attaché-case posant façon fiche anthropométrique est : « Les patrons n'ont plus peur d'aller en prison ».

Je souhaite aussi faire valoir un autre avantage : toutes les démarches administratives, comme l'édition des fiches de salaire, sont prises en charge par l'administration pénitentiaire, et il n'y a pas de risque de contentieux prudhommal puisque le contrat est conclu entre la DAP, l'établissement pénitentiaire et le détenu.

Je rencontre beaucoup de patrons. Des partenariats ont été conclus avec des entreprises comme Vinci, Suez, la SNCF, Microsoft et Bouygues. Nous nous appuyons aussi sur un réseau de 200 chefs de moyennes entreprises. Je tiens la liste exhaustive de ces entreprises à votre disposition. Mais la tâche n'est pas achevée.

Je veux ramener du travail en prison, car cela a beaucoup de sens et permet d'éviter la récidive. Tel est notre but. Un détenu qui sort de prison avec un diplôme, un travail ou la volonté de travailler : voilà ce qu'on attend d'une prison moderne.

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