Être préfet de police, c'est courir un risque permanent, monsieur Larrivé…
Madame Le Pen, je ne sais pas si Mickaël Harpon a fait l'objet d'un signalement. En tout cas, je n'en trouve pas la trace administrative : seule l'enquête judiciaire pourra établir s'il y a eu, ou non, un signalement. Je n'ai trouvé, ni dans le dossier de l'intéressé, ni dans aucun autre dossier, la trace d'un signalement fait en 2015. Les propos que Mickaël Harpon aurait alors tenus sont sans doute avérés et je n'ai aucune raison de douter de ce qui est rapporté dans la presse, mais je répète que je n'ai pas de trace administrative d'un signalement. Je ne peux pas vous parler de ce qui s'est passé à cette époque, puisque je n'en trouve aucune trace.
Cela m'amène à la question que vous m'avez posée au sujet de l'intervention du ministre de l'Intérieur, peu après l'attaque. Le ministre de l'Intérieur a communiqué, au moment où il l'a fait, sur la base des informations factuelles dont nous disposions, à savoir le dossier de l'individu. Le parquet national anti-terroriste (PNAT) a évoqué le fait que Mickaël Harpon avait eu un blâme. Mais les blâmes sont effacés du dossier administratif au bout de trois ans et je n'ai pas la trace de ce blâme. Vous voyez donc bien que seule l'enquête judiciaire pourra déterminer s'il y a eu un signalement, à qui il a été fait et ce qu'il en est devenu. Je répète que je suis dans une situation de responsabilité administrative : je peux vous dire ce qui figure dans les dossiers et vous exposer les dispositifs existants. Monsieur le président Ciotti, je ne peux vous dire que ce que je sais. Je ne peux pas faire des conjectures sur des informations qui ont été rapportées dans la presse : je me dois, à ce stade, d'être extrêmement prudent.
Je répète qu'il n'y a pas un, mais plusieurs référents radicalisation. Je vous ai dit qu'il existe une cellule à la DSPAP qui s'occupe de la remontée des signaux faibles : elle travaille en externe, mais aussi en interne, en matière de sécurité publique. Il revient à chaque dispositif de faire remonter les signaux. Très franchement, je ne crois pas du tout à un système qui compterait un seul référent radicalisation, surtout dans une organisation comme la nôtre, où il importe que l'ensemble de l'encadrement et des fonctionnaires soit sensibilisé. Le système, tel qu'il existe aujourd'hui, me paraît assez pertinent. Ce qu'il faut, c'est renforcer sa capacité à se saisir de certains sujets et aider les fonctionnaires à faire des signalements. L'anonymisation pourrait effectivement être une piste : elle a d'ailleurs été suggérée par des organisations syndicales. J'ignore ce que le ministre de l'Intérieur décidera, mais il me paraîtrait tout à fait envisageable de créer une plateforme sur laquelle les fonctionnaires pourraient faire des signalements de façon anonyme, à condition de tenir compte des limites d'un tel système et de prendre les précautions déontologiques qui s'imposent.
Monsieur le député Fauvergue, le ministre m'a effectivement demandé, au moment de mon installation, de lui faire des propositions en vue de la restructuration de la préfecture de police. Je lui ai fait des propositions au début du mois de juillet, comme il me l'avait demandé. À ce jour, je n'ai eu de réponses que sur une petite partie de mes propositions, le ministre m'ayant indiqué que les autres seraient versées dans les discussions sur le livre blanc, auxquelles je crois que les parlementaires seront associés, et qui ont fait l'objet de la constitution d'un certain nombre de groupes de travail. Il ne me revient pas d'apporter des réponses à mes propres propositions, mais je peux vous en exposer l'esprit.
Vous me demandez s'il est légitime qu'il existe une direction du renseignement au sein de la préfecture de police. À vrai dire, la question est plus large et dépasse celle du renseignement : c'est celle de la pertinence du maintien de la préfecture de police au sein de la direction générale de la police nationale. Pour ma part, j'observe que les grandes agglomérations du monde, comme Londres ou New York, ont tendance à avoir des services de police intégrés. L'évolution métropolitaine de l'organisation des territoires conduit, dans la plupart des pays occidentaux, et au-delà, à ce type de constat. Faut-il démonter ce dispositif en France, sous prétexte qu'il a été créé en 1800 et que son ancienneté serait le signe de son obsolescence ? Je ne crois pas à ce type de raisonnement. Je crois que la seule question qui vaille est celle de la pertinence d'un système propre à Paris. Pour ma part, je pense que cela a une pertinence, et c'est ce qui a présidé à l'ensemble de mes propositions.
J'ai tout de même une nuance à apporter, et ce sera une façon de répondre à M. Guillaume Larrivé. Je ne crois pas qu'il soit opportun d'étendre les compétences du préfet de police. L'extension de ses compétences à la petite couronne a déjà été difficile d'un point de vue managérial et je ne crois pas à une extension à l'ensemble de la zone. Je n'ai pas d'éléments à vous donner, à ce stade, sur Gonesse. Mais si vous me demandez s'il faut améliorer la coordination entre la DRPP et le SCRT dans la grande couronne, ma réponse est évidemment oui. La DRPP joue un rôle de coordination zonale, mais j'observe que les coordonnateurs zonaux du renseignement, qui existent aussi en province, où ils sont les responsables du renseignement de la DDSP chef-lieu de la région, souffrent également de la faiblesse de cette coordination zonale. J'en ai fait l'expérience en Nouvelle-Aquitaine : il est très clair que le préfet de zone manque d'informations dans l'approche des dispositifs zonaux. Je ne verrais donc que des avantages à ce que l'échange d'informations soit amélioré, mais je ne crois pas qu'il faille toucher aux compétences du préfet de police.
Enfin, pour que le système « préfecture de police » fonctionne efficacement, il faut qu'il soit fondé sur une grande déconcentration. Je ne crois pas du tout à un système qui reposerait sur un commandement opérationnel à un niveau très élevé, dans des administrations centrales, et qui suivrait l'action du terrain de très loin. Je pense que l'action du terrain doit se faire au plus près.