La durée de l'habilitation ne nous exonère pas de toute responsabilité. Il est en effet parfaitement possible qu'un agent habilité connaisse un processus de radicalisation : il ne faut donc pas attendre la prochaine enquête, dans cinq ou sept ans. Cela repose sur la détection des signaux faibles et sur la capacité de la communauté de travail à se mobiliser pour éviter des cas de ce type.
La diminution de la durée d'habilitation nous prémunirait-elle de cas de radicalisation ? Je pense que même une durée de trois ans ne nous garantirait de rien. En revanche, des éléments liés à un mariage, à un changement de comportement dans l'environnement proche, à des changements physiques peuvent constituer des signes de radicalisation qui doivent amener à des signalements. Mais là aussi, il faut s'entendre sur ce qu'est le signalement : le rôle du responsable hiérarchique dans un service de renseignement est bien évidemment d'observer et d'apprécier comment se comportent ses fonctionnaires. La sensibilisation est donc un vrai sujet.
Les événements du 3 octobre ont provoqué un séisme suffisamment significatif pour qu'un grand nombre de réticences soient aujourd'hui levées. Je ne dis pas qu'elles le sont toutes, mais ce qui paraissait impossible est maintenant présent dans toutes les têtes. Vous avez donc raison, madame Avia, il faut accompagner cela d'un dispositif de formation. Toutes les formations assurées par la direction des ressources humaines de la préfecture de police intègrent déjà une sensibilisation à ce sujet – je ne vous les relate pas mais je le ferai dans mes réponses écrites. De même, diverses initiatives ont été prises, comme l'application « police de sécurité du quotidien » sur les tablettes NEO dont disposent les fonctionnaires, qui permet d'accéder au module dit de radicalisation. De multiples voies existent aujourd'hui – fiches réflexes, formations, etc. – pour sensibiliser à cette question.
In fine, il reste le comportement de la femme ou de l'homme, le regard qu'il porte sur son environnement. La formation doit permettre d'expliquer aux policiers que signaler n'est pas dénoncer. C'est un problème de culture, que j'essaye de changer avec l'ensemble de mon encadrement et des fonctionnaires. L'idée de la plateforme anonymisée formulée par certaines organisations syndicales m'intéresse, même si nous connaissons les limites de ce type d'exercice : il ne faut pas que cela se transforme en une dénonciation systématique de certains sous prétexte qu'ils appartiennent à telle ou telle religion. Nous n'en sommes pas là pour le moment : il faut simplement s'assurer de la faisabilité de ce dispositif du point de vue de la procédure.