Intervention de Lucile Rolland

Réunion du mercredi 11 décembre 2019 à 14h35
Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements ayant conduit aux attaques commises à la préfecture de police de paris le jeudi 3 octobre

Lucile Rolland, directrice centrale adjointe à la sécurité publique, cheffe du service central du renseignement territorial :

En effet. Si tous ces individus ne sont pas susceptibles de passer à l'acte de façon violente, particulièrement chez les Frères, le but est quand même d'infiltrer la société : ce sont un peu les trotskistes de l'islam.

À supposer que nous utilisions des algorithmes – les services du deuxième cercle n'ont pas droit à cette technique de renseignement – et que cela soit pertinent, il faudrait posséder des outils de traitement d'une capacité monstrueuse pour suivre ces 100 000 personnes : on ne serait plus dans du téraoctet mais dans du pétaoctet, ce qui est énorme ! Il faudrait des outils de traitement pour faire des recoupements de sélecteurs – numéros de téléphone, mails, téléphones utilisés par plusieurs personnes, cartes SIM et boîtiers, qui peuvent être échangés – les algorithmes permettant de traiter différentes données, notamment l'IMSI (international mobile subscriber identity). Je ne suis pas certaine que cela nous aiderait véritablement à déterminer quels sont les individus qui vont passer à l'acte.

Parmi les 2 400 personnes prises en compte par le SCRT, 20 à 25 % sont d'abord et avant tout des cas psychiatriques, pour lesquels le suivi est extrêmement compliqué : je préférerais que l'on s'occupe davantage de ces cas. Le secret médical ne nous permet pas d'être destinataires des informations médicales les concernant. Nous ne sommes par exemple pas informés quand ces individus cessent de prendre leur traitement. Or c'est quand ils sont les plus fragiles et les plus susceptibles de passer à l'acte que nous devons mettre en place une surveillance accrue. Il s'agit d'individus fragiles psychologiquement, voire psychiatriquement, qui expriment leur folie de cette façon : ils crient « Allahou Akbar » comme ils auraient crié « Jésus revient » il y a vingt ou trente ans ; c'est à peu près du même ordre.

Concernant la raison d'être de la SDAO, il faudrait poser la question à la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN). Effectivement, il peut sembler baroque qu'il existe un service central du renseignement territorial comprenant des policiers et des gendarmes et ayant pour ambition d'être le seul service de renseignement de la DGPN et de la DGGN et que, pourtant, la DGGN conserve en son sein une sous-direction de l'anticipation opérationnelle.

La gendarmerie nationale a, par moments, besoin d'un renseignement pour sa seule orientation. Il y a des missions de la gendarmerie nationale pour lesquelles nous ne sommes pas, nous, suffisamment nombreux pour pouvoir leur donner du renseignement. Si nous sommes implantés dans 255 structures, parfois en zones périurbaines, nous ne sommes pas présents aux confins de la ruralité. Or la gendarmerie a besoin d'une remontée d'information sur ces zones, sachant que information et renseignement n'ont pas tout à fait la même signification. La remontée d'information se fait par le biais des officiers et agents de renseignement, ainsi que par la SDAO de la DGGN ; ces informations sont du domaine statistique. De même, nous avons, au sein de la sécurité publique, des informations qui intéressent exclusivement la partie judiciaire ou la partie sécurité publique du quotidien. L'information recoupée, analysée puis relayée par le SCRT doit aider à la décision de l'autorité. Les informations relatives à la sécurité publique intéressant la gendarmerie ne sont pas forcément destinées à aider l'autorité préfectorale ou nationale à prendre des décisions politiques et stratégiques, mais plutôt à aider la gendarmerie à décider, par exemple, où et à quelle heure elle doit faire passer ses patrouilles pour être sûre de tomber sur des individus qui l'intéressent ou qui sont susceptibles de causer un trouble non pas à l'ordre public mais à la loi. Il serait néanmoins préférable que vous posiez directement la question au SDAO ou à la DGGN.

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