Intervention de Patrick Calvar

Réunion du mardi 28 janvier 2020 à 18h00
Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements ayant conduit aux attaques commises à la préfecture de police de paris le jeudi 3 octobre

Patrick Calvar, ancien directeur général de la sécurité intérieur :

Bien sûr ! De toute façon, les attributions de la préfecture de police en matière de SI correspondent essentiellement à la lutte antiterroriste : il ne s'agit pas de contre-espionnage… Aujourd'hui, tout le monde est un peu obnubilé par le risque terroriste, ce qui peut se comprendre, mais il n'y a pas que ça. Les activités d'espionnage représentent des risques incroyablement lourds pour notre pays, et il ne faut pas baisser la garde de ce côté. De nos jours, il est très important que la France essaie de comprendre ce qui se passe dans la tête des mollahs à Téhéran, même s'il ne s'agit pas nécessairement de lutte antiterroriste. Globalement, nous devons veiller à disposer d'une architecture permettant un bon fonctionnement du système.

L'autre raison pour laquelle je ne suis pas favorable au transfert à la DGSI des attributions de la DRPP en matière de SI, c'est qu'une telle modification va à nouveau traumatiser des personnels qui, depuis 2008, ont déjà vécu plusieurs transformations qui n'ont pas forcément été simples ; je pense notamment à la fusion entre la DST et la DCRG, qui n'avaient pas la même culture et dont les personnels respectifs n'étaient donc pas naturellement disposés à travailler les uns avec les autres. À titre personnel, il me semble qu'imposer à nouveau un tel chamboulement n'aurait de sens que si la préfecture telle qu'elle existe actuellement était supprimée : tant que ce n'est pas le cas, je ne vois pas la nécessité d'ajouter une nouvelle strate de modification au système.

Pour moi, je le répète, ce sont les passerelles qu'il faut privilégier. Ces passerelles peuvent prendre différentes formes, dont la première est celle de la technologie, qui permet également de réaliser des économies budgétaires. Les personnels doivent, eux aussi, pouvoir passer d'un service à un autre : de cette manière, ils apprennent à se connaître et travaillent plus facilement ensemble lorsque l'occasion s'en présente. Lorsque j'étais à la direction de la surveillance du territoire, nous n'avions aucun problème avec les personnels des renseignements généraux de la préfecture de police (RGPP) – qui, pour leur part, avaient des problèmes avec la direction centrale.

Notre pays a accompli d'énormes progrès, et continue sur cette voie. Le vrai défi d'aujourd'hui et de demain en matière de lutte contre le terrorisme et la radicalisation, y compris au sein des services, c'est le cyber ; car si vous affrontez un adversaire capable de maîtriser le chiffrement, vous êtes coincés… Sur ce point, nous ne sommes pas les seuls à rencontrer des difficultés : c'est également le cas de nos camarades américains, par exemple. Récemment, le président Trump a demandé à Apple de fournir aux services de renseignement américains les codes de déchiffrement qui leur permettraient d'avoir accès au téléphone du stagiaire saoudien qui a abattu plusieurs militaires sur une base des États-Unis – et ce n'est pas la première fois qu'une telle demande est formulée : cela avait déjà été le cas en 2015, après la fusillade de San Bernardino.

L'importance du chiffrement est énorme, et ne va cesser de croître au cours des prochaines années, car cela représente un enjeu en termes de puissance étatique, ce qui a conduit les Chinois et les Russes à développer leurs propres systèmes. À un moment donné, nous risquons de nous retrouver entre nous – sous réserve que les géants du Web le permettent.

J'en profite pour dire que j'ai été très étonné de lire dans la presse que les femmes et les hommes politiques – du moins certains d'entre eux – utilisaient l'application Telegram.

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