Intervention de Patrick Calvar

Réunion du mardi 28 janvier 2020 à 18h00
Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements ayant conduit aux attaques commises à la préfecture de police de paris le jeudi 3 octobre

Patrick Calvar, ancien directeur général de la sécurité intérieur :

À mon sens, la dissolution de la DRPP au profit de la DGSI aurait pour conséquence d'affaiblir singulièrement le système et d'occasionner une importante perte d'efficacité. La DRPP tire sa force de son intégration à la préfecture de police, qui lui permet de bénéficier de toutes les remontées d'informations du système. Si on transfère à la DGSI les attributions actuellement confiées à la préfecture de police en matière de renseignement, la DGSI va devoir créer une direction zonale, ce qui va avoir de fortes répercussions sur les personnels concernés – à qui, je le répète, on a déjà imposé de nombreuses transformations, ayant constitué autant de traumatismes.

Aujourd'hui, nous consacrons l'essentiel de nos efforts à la lutte contre le terrorisme, et les informations recueillies par la DRPP auprès des directions de la préfecture de police portent en grande partie sur les individus susceptibles de présenter un risque dans ce domaine. Si, demain, on transfère à la DGSI les compétences de la préfecture de police en matière de renseignement, autant supprimer toute la préfecture de police, car il n'est plus nécessaire de maintenir une direction régionale de police judiciaire : il suffit d'avoir une direction interrégionale de la police judiciaire (DIPJ) relevant exclusivement du directeur central de la police judiciaire (DCPJ).

L'intérêt de la préfecture de police réside essentiellement dans le positionnement particulier de cette structure dans le système administratif français. Les Britanniques ont connu un peu le même système avec Scotland Yard, qui est en fait le quartier général du Metropolitan Police Service de Londres : ce service, qui dépendait autrefois en partie des autorités gouvernementales, est désormais placé sous l'autorité du maire et de la commission de contrôle de la police britannique (IPCC).

Le système français a son histoire et sa cohérence, et je ne pense pas qu'il faille déplacer les pièces qui le composent, car ce serait contre-productif. Si la préfecture de police actuelle devait disparaître pour laisser la place à une préfecture classique, il serait justifié qu'elle abandonne ses attributions en matière de renseignement intérieur, mais tant que ce n'est pas le cas, il faut se contenter de jouer sur le renforcement de la coordination et de la communication. Des progrès extraordinaires ont déjà été accomplis dans ce domaine, notamment sous la forme des protocoles d'accord qui ont été signés. Demain, c'est par l'intégration technologique que nous pourrons continuer à progresser, ainsi que par une politique du personnel commune aux deux services.

Vous ne devez pas douter du fait que les services de renseignement vont devoir miser beaucoup sur la technologie dans les années qui viennent. En France, il y a souvent des discussions sur le nombre d'agents nécessaires pour surveiller un individu à risque ; chacun y va de son estimation, certains estimant qu'il faut vingt personnes, d'autres qu'il en faut vingt-cinq… Dans d'autres pays, notamment aux États-Unis et au Royaume-Uni, on s'est depuis longtemps résolu à recourir à des moyens d'intrusion technologique.

Cela dit, à mon niveau, je n'étais pas favorable à ce que la loi relative au renseignement présente une déclinaison des moyens technologiques mis en œuvre par d'autres pays : il me semblait préférable qu'elle ne contienne que des dispositions relatives aux atteintes aux libertés, car il est vain de chercher à s'aligner sur des dispositifs technologiques qui évoluent sans cesse. Ainsi, alors que la loi de 1991 relative aux interceptions de sécurité visait les téléphones fixes, quatre ans plus tard, tout le monde était équipé d'un portable, ce qui fait qu'il a fallu revoir la loi à plusieurs reprises dans les années qui ont suivi, en prenant à chaque fois le risque d'être à la limite de la légalité.

Aujourd'hui, l'intégration doit se faire par la technologie, par la montée en puissance de nouvelles compétences, possédées par des personnels venus d'ailleurs. C'est pourquoi, à titre personnel, j'ai toujours été partisan d'une sortie définitive de la DGSI d'une empreinte police – et je le reste, même si cela me vaut de nombreuses critiques –, la DGSI ayant vocation à constituer une entité spécifique, constituant le pendant de la DGSE.

Cela prendra peut-être un peu de temps, mais cette évolution va s'accomplir. N'oublions pas qu'aucune administration de l'État n'a subi autant de transformations brutales que les renseignements au cours des dernières années ; qu'on se souvienne de la mise en place du PNOR, de la création du conseil national du renseignement (CNR), de la délégation parlementaire au renseignement, ou encore de l'adoption de la loi relative au renseignement, qui ont tous nécessité des efforts considérables.

Plutôt que de traumatiser sans cesse les structures, ce qui est dangereux, il vaut mieux travailler à leur renforcement progressif par l'intégration de nouvelles compétences. Moi qui ai assisté, au cours de mes dernières années d'activité, à l'arrivée d'analystes et d'ingénieurs, j'ai conscience du fait qu'il faut s'interroger sur les plans de carrière de ces personnels qui, au sein de leur service, côtoient des personnels statutaires. Quelles responsabilités leur confier, comment les intégrer pour qu'ils travaillent en synergie avec les autres personnels, ce sont là de vraies questions.

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