Je reviens un instant sur l'IGI n° 1300 pour observer qu'elle est assez laconique sur ce que devrait être la profondeur des enquêtes de sécurité préalables à une décision d'habilitation – sachant que l'enquête aboutit à un « avis de sécurité » que l'autorité d'habilitation n'est jamais tenue de suivre : elle en fait un élément de sa décision. L'autorité d'habilitation prend en compte l'avis de sécurité, qui peut être favorable, restrictif ou défavorable, mais aussi certains enjeux propres à la structure qui s'apprête à employer la personne concernée. L'IGI n° 1300 est peu diserte sur les outils qu'il est demandé aux services enquêteurs d'utiliser. C'est la traduction d'un partage des rôles et d'un certain équilibre que, compte tenu de ce qui s'est passé et du volume des personnes habilitées, nous sommes appelés à revoir, mais ce sera fait avec une certaine prudence que reflète le communiqué. Il indique en effet que « la gouvernance et le pilotage du processus d'habilitation ainsi que la conduite des enquêtes feront l'objet d'ici juin 2020 d'un travail de révision sous la conduite du SGDSN. L'objectif est de doter les services de renseignement d'une doctrine commune sur les vulnérabilités (…) ». Il en était déjà ainsi, mais de façon informelle : nous avions évidemment des discussions avec les services enquêteurs, et donc une vision sur les enquêtes qu'ils conduisaient. On nous demande de formaliser cette réflexion commune ; pour autant, il ne s'agit pas pour nous, service administratif, d'entrer dans le détail des modes opératoires des services enquêteurs.
Nous allons donc trouver le bon équilibre entre une réflexion collective permettant de mettre au point une sorte de référentiel, de socle commun, en nous interrogeant sur les vulnérabilités qui doivent être mises en lumière. Nous en avons d'autant plus besoin qu'en annexe de l'IGI figure le formulaire de demande d'habilitation, et donc tout ce qui doit être demandé à une personne qui sollicite une habilitation sur son entourage, ses liens avec l'étranger, ses activités passées, sa visibilité sur les réseaux sociaux… De tous ces critères qui peuvent être des signaux de risque pour le secret, on doit évidemment parler avec les services enquêteurs, et ce qui se faisait de manière informelle devra être formalisé à la demande du Premier ministre. Mais à dire vrai, le chantier de révision de l'IGI n° 1300 a aussi été l'occasion de commencer à travailler de manière plus formalisée à la doctrine commune de profondeur d'enquête et à l'adaptation de l'enquête aux types de profil concernés. D'autres aspects évoqués dans le communiqué du Premier ministre étaient également déjà en cours de réflexion, notamment la nécessaire modernisation de la gestion de cette politique : nous avons déjà commencé à dématérialiser le formulaire de demande d'habilitation pour fluidifier la relation entre les quatre acteurs précédemment mentionnés. Dans un deuxième temps, tous les ministères concernés –les plus importants le sont déjà – seront dotés d'une base de données leur permettant d'avoir une traçabilité exhaustive de l'ensemble de la population qu'ils suivent au titre des habilitations. À terme, une base interministérielle unique sera mise en place. Mais cela ne se fera qu'avec une grande prudence car cette base interministérielle sera d'une sensibilité extrême et devra absolument être sécurisée.