Intervention de Jean-François Ferlet

Réunion du jeudi 30 janvier 2020 à 11h10
Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements ayant conduit aux attaques commises à la préfecture de police de paris le jeudi 3 octobre

Jean-François Ferlet, directeur du renseignement militaire (DRM) :

Comme je vous l'ai dit, tous nos personnels sont habilités : l'habilitation est donc un préalable.

Il existe deux cas de figure.

Dans le premier, un primo-accédant à l'habilitation répond à un questionnaire – c'est donc déclaratoire – la « 94 alpha », beau formulaire très complet transmis à la DRSD qui, à partir de ce document, criblera l'individu, ce qui signifie qu'avec les moyens dont elle dispose, elle essaiera d'aller un peu plus loin en vérifiant un certain nombre d'informations. Ensuite, elle délivrera un avis de sécurité.

Trois grands types d'avis sont émis.

Première possibilité : un avis sans objection, quand rien ne permet de penser que le sujet présente une vulnérabilité particulière. En général, dans ce cas, je signe dans la foulée. J'ajoute qu'une commission d'habilitation se réunit une fois les certificats de sécurité délivrés et que c'est moi qui suis responsable des habilitations -– par délégation de pouvoir de la ministre, comme je vous l'ai dit tout à l'heure.

Autre possibilité : l'avis est restrictif ou défavorable mais ce n'est pas forcément rédhibitoire : encore une fois, ce n'est qu'un avis. L'habilitation demeure quant à elle de ma responsabilité.

Je reçois pas mal d'avis restrictifs. Je peux vous donner un exemple précis. Quasiment tous mes analystes travaillant sur un pays particulier en parlent la langue et, en général, ces gens-là, dont le profil est plutôt « Sciences Po » et INALCO – Institut national des langues et civilisations orientales – ont été amenés durant leurs études à séjourner un an dans le pays en question. Pour la DRSD, cela constitue un facteur de vulnérabilité : elle considère en effet qu'ils ont pu être approchés ou recrutés par un service de renseignement. Encore une fois, cela ne repose pas sur des faits avérés mais un séjour d'une année, par exemple en Chine, suffit à rendre l'individu non pas suspect – ce serait beaucoup dire – mais susceptible d'être vulnérable. Dans ce cas, l'avis est automatiquement restrictif.

Il convient donc de faire preuve d'un peu de bon sens et de jugement, sinon, la DRM ne recruterait plus personne ! La commission se réunit alors avec la DRSD, laquelle peut nous apporter des éléments complémentaires à cette occasion et, à l'issue de cette réunion, je peux prendre la décision, en mon âme et conscience, d'habiliter l'intéressé soit sans restriction si je considère qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter outre mesure, soit, si j'ai un doute, de lui délivrer une habilitation secret défense pour un an, n'étant pas obligé de la délivrer pour sept ans. Je donne alors des directives à mes officiers de sécurité pour sensibiliser le personnel concerné. Au bout d'un an, je peux donc revenir sur cette habilitation, refaire une enquête et garder un œil sur cette personne considérée comme un peu plus vulnérable que je suivrai ainsi plus spécifiquement.

Encore une fois, c'est in fine moi qui décide, à partir de l'avis motivé de la DRSD, et je peux me montrer plus restrictif dans la délivrance de l'habilitation. Compte tenu des éléments fournis par la DRSD, je peux évidemment la refuser. Dans ce cas, le candidat n'intègre pas la DRM.

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