Le premier compte rendu est généralement oral : aller voir son chef pour lui signaler quelque chose d'inhabituel, c'est la procédure la plus rapide et la moins contraignante. En revanche, nous tenons à formaliser le signalement par écrit dès lors que l'importance des faits rapportés semble le justifier. Ainsi, tout compte rendu nous paraissant suffisamment important pour devoir être signalé à la DRSD fait l'objet d'une procédure écrite, que ce soit par mail ou par une communication écrite. Cela permet de conserver une trace des échanges, ne serait-ce que pour se prémunir d'éventuels contentieux ultérieurs.
Comme chacun le sait, la frontière entre un signal faible et un signal net de radicalisation est parfois un peu floue, et on ne peut jamais exclure qu'un agent décide de faire un recours contre un retrait d'habilitation, auquel cas nous devons être en mesure de justifier des éléments nous ayant conduits à procéder à ce retrait : pour cela, nous nous appuyons sur tous les éléments écrits ayant été produits à l'occasion de la remontée d'information, y compris ceux relatifs aux échanges avec la DRSD, aux compléments d'enquête effectués par celle-ci, ainsi qu'à la révision de certificat de sécurité qu'elle peut nous adresser, ce qui nous conduit le cas échéant à remettre en cause l'habilitation du personnel concerné.
Pour ce qui est de votre seconde question, portant sur les nouvelles recommandations émanant du cabinet du Premier ministre, je commencerai par dire qu'il ne s'agit plus de recommandations, mais de directives, et que celles-ci ne changeront finalement pas grand-chose, car nous étions déjà dotés d'un système assez vertueux. Évidemment, dans ce domaine comme dans d'autres, on peut toujours mieux faire … tout dépend du temps et des moyens financiers et humains que l'on peut y consacrer !
Je le répète, je ne suis pas le service enquêteur, or la plupart des directives portent plutôt sur la manière dont sont faites les enquêtes et les criblages : elles s'adressent donc essentiellement à la DRSD. Nous travaillons par conséquent avec la DRSD afin de déterminer jusqu'où on peut aller – dans la limite des moyens dont dispose la direction pour remplir ses missions –, et en veillant à ne pas gripper le système en allongeant inconsidérément les délais d'habilitation qui, s'ils étaient trop longs, deviendraient rédhibitoires en matière d'embauche.
Comme j'ai déjà eu l'occasion de l'expliquer, j'ai un peu de mal à recruter certains profils très recherchés par le renseignement, mais aussi par le secteur privé. Si je dois procéder à un criblage d'un an avant d'embaucher à la DRM, je ne peux plus embaucher personne ! Il y a, en la matière, un juste milieu à trouver entre l'exigence de sécurité et les impératifs habituels du recrutement, liés aux lois du marché. À la suite du rapport de l'inspection et des directives, nous avons beaucoup discuté de ce point avec la DRSD.
Le principal changement dans les procédures que j'applique va consister en la mise en œuvre d'une mesure à laquelle recourent déjà certains services, notamment la DGSE et la DRSD, à savoir un entretien systématique avec un psychologue avant le recrutement. Jusqu'à présent, je n'avais recours à cette mesure que de façon ponctuelle, dans des domaines particulièrement sensibles. Lorsque la recommandation a été faite, je me suis tout de suite demandé quel serait le flux de personnels concerné par cette mesure. Les militaires restent deux ou trois ans à la DRM avant de réintégrer leur unité d'origine et, si les fonctionnaires civils sont plus stables, nous employons aussi des agents sous contrat, ainsi que des stagiaires, qui représentent un flux important chaque année – je précise que les stagiaires doivent eux aussi être habilités secret défense, donc faire l'objet d'un criblage.