Intervention de Christophe Rouget

Réunion du mercredi 5 février 2020 à 15h45
Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements ayant conduit aux attaques commises à la préfecture de police de paris le jeudi 3 octobre

Christophe Rouget, secrétaire général adjoint du Syndicat des cadres de la sécurité intérieure :

Nous vous remercions de nous recevoir aujourd'hui. Nous ne pouvons que nous féliciter que nos parlementaires s'intéressent à cette attaque perpétrée à la direction du renseignement de la préfecture de police (DRPP).

Après l'affaire Harpon, il est en effet nécessaire de nous interroger sur notre organisation, en termes de sécurité, car pour la première fois l'attaque est venue de l'intérieur – ce que nous redoutions le plus. Dans notre maison, le collectif et l'entraide sont essentiels, et notre socle commun est la confiance ; elle doit être maintenue.

Des décisions ont été prises, concernant notamment les habilitations, qui vont désormais être délivrées par la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), et l'accès aux informations.

Les standards de sécurité doivent évoluer, d'autant qu'ils concernent tous les services de la police nationale. Une telle attaque aurait pu se dérouler dans un service d'intervention, où des armes sont détenues, et la situation aurait alors été encore plus grave.

Cette commission est importante pour déterminer si des erreurs collectives ou individuelles ont été commises, même s'il est encore difficile d'établir à ce stade les défaillances – une enquête judiciaire est en cours –, la radicalisation de Mickaël Harpon n'étant pas encore avérée. Sachez que ma collègue, Mme Pesteil, a travaillé à la DRPP et connaissait l'auteur de l'attaque.

Quatre problématiques doivent être mises en exergue. D'abord, la procédure d'habilitation. Quel est le niveau d'exigence demandé pour attribuer les habilitations ? Quelle est leur durée de validité ? La DGSI emploie 40 % de contractuels : que feront-ils des informations auxquelles ils ont eu accès, une fois qu'ils auront quitté la direction ?

Par ailleurs, la procédure d'habilitation est chronophage et nous ne devons pas compter plus de policiers enquêtant sur des policiers, que de policiers sur le terrain. Nous devons faire attention à ne pas paralyser la police nationale avec des procédures trop longues.

Ensuite, la procédure de suspension. Tout le monde s'accorde à dire, au sein de la police nationale, que les processus ne sont pas satisfaisants même si des efforts ont été faits pour détecter la radicalisation, notamment au sein de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN). Les mesures de sécurité prises au sein de notre maison ne doivent pas entraîner une réduction des droits des policiers : ils ne doivent pas disposer de moins de droits que les autres citoyens.

Un policier, signalé ou pour lequel des doutes ont été exprimés, qui est désarmé subit un choc psychologique énorme. Il ne faudrait pas que les solutions envisagées soient pires que les procédures actuelles. Imaginez qu'un policier passe à l'acte justement parce qu'il a été signalé et qu'il s'est senti stigmatisé !

Il s'agit d'un vrai problème. Des officiers de police ont déjà été jetés en pâture par la presse, alors que les enquêtes ont établi qu'ils n'étaient pas radicalisés. Comment peuvent-ils ensuite réintégrer leur service et reprendre le travail avec leurs collègues ?

Troisième problématique, la formation ; elle est indispensable. Actuellement, personne ne sait vraiment détecter un collègue qui se serait radicalisé, personne ne connaît les signaux faibles. Nous devons par conséquent intégrer, dans les formations, initiale et continue, des modules sur cette thématique, c'est essentiel.

Enfin, l'organisation. Il me semble, monsieur le président, que vous avez évoqué, dans les médias, l'organisation centralisée. La direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) a été créée en 2008 et remplacée par la DGSI en 2014, et personne, à ces deux dates, n'a remis en cause l'existence de la DRPP. Depuis, le contexte a encore évolué.

Nous pensons, depuis 2014, que l'organisation territoriale de la police nationale est à revoir – y compris à la préfecture de police, et pas seulement à la DRPP. Il est indispensable de prendre en compte toute la police dans son ensemble. Certains disent aujourd'hui que la police nationale compte trop de chefs et de structures, alors qu'ils ont été, à un moment donné, aux manettes et n'ont rien changé. Nous espérons que le Livre blanc contribuera à engager une réforme des structures de la police nationale.

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