Nous vous remercions de nous avoir invités à nous exprimer sur ce sujet, si important et sensible, qu'est le phénomène de radicalisation dans les services de la police nationale.
Je vous présenterai tout d'abord mes collègues du syndicat Alliance, présents aujourd'hui. M. Loïc Travers, secrétaire national de l'Île-de-France siège également au conseil de discipline ; Yvan Assioma, est le secrétaire régional de Paris ; et Frédéric Boucher est le délégué à la DRPP.
Sachez, ensuite, que nous ne pourrons pas répondre à l'ensemble des questions, car nous sommes tenus par le secret de l'instruction et le secret défense, notamment en ce qui concerne les habilitations.
Je vais néanmoins tenter de balayer la problématique dans son ensemble, m'attachant à en déterminer les causes – pourquoi en est-on arrivé-là – et à proposer des solutions, sachant que le risque zéro n'existe pas.
Tout d'abord, si les filtres posés, en matière de recrutement en général, se sont révélés efficaces, il reste quelques interrogations en ce qui concerne les services de renseignement : sont-ils perfectibles s'agissant de l'affectation d'agents dans ces services dits sensibles ? Nous pensons que le système peut être amélioré, notamment en réduisant la durée des habilitations.
Par ailleurs, l'ensemble des personnels du ministère de l'Intérieur doit, s'agissant du recrutement, être soumis aux mêmes règles. Or, seuls les policiers font l'objet d'une enquête de la part des services spécialisés – contrairement aux personnels administratifs. Ce défaut d'enquête sur le personnel administratif – excepté pour les services du renseignement – pose un problème de sécurité. L'affaire Harpon l'a démontré. Après quelques recherches, nous avons appris que cette enquête avait été supprimée en 2015 ou 2016, pour se conformer à un texte européen relatif aux services publics. Ce défaut d'enquête est une faille dans notre dispositif de sécurité.
Concernant les formations, initiale et continue, mon collègue vient de l'évoquer, aucune d'elle n'évoque le phénomène de radicalisation et les signaux auxquels il conviendrait d'être attentifs. Aucun module n'évoque l'islam radical et les raisons amenant à une radicalisation. De telles formations sont essentielles.
Seule la formation continue sensibilise les policiers au principe de la laïcité, et ce depuis 2007. Or, en Île-de-France – le secrétariat général pour l'administration de la police (SGAP) regroupe les départements du 91, 95, 78 et 77 et les deux plateformes aéroportuaires, soit quelque 10 000 collègues –, seuls 3 200 policiers ont été sensibilisés. Je précise que les agents affectés aux services de renseignement disposent, eux, d'un module complet obligatoire.
Maintenant, est-il simple, pour un policier, de dénoncer un collègue chez qui il aurait perçu quelques changements ? Non, bien évidemment. C'est la raison pour laquelle, nous avons proposé au préfet de police le principe de l'anonymisation partielle. Si le nom du policier qui signale un collègue ne doit pas être connu de ce dernier, il n'est pas question non plus de favoriser les règlements de comptes ; son nom devra donc être connu de son directeur – et non pas de sa hiérarchie directe. Cette anonymisation a un autre avantage : si l'enquête menée démontre que le collègue ciblé n'est pas radicalisé, il devra réintégrer son service. Sans le principe de l'anonymisation, ses rapports avec le policier qui l'a signalé seraient alors compliqués.
Enfin, une totale fluidité est indispensable entre les directions de la police nationale. Nous avons effectivement eu vent de cas de policiers signalés qui avaient changé de département, sans que leur nouvelle hiérarchie soit mise au courant de ce signalement.