Intervention de le colonel Louis-Mathieu Gaspari

Réunion du jeudi 6 février 2020 à 14h00
Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements ayant conduit aux attaques commises à la préfecture de police de paris le jeudi 3 octobre

le colonel Louis-Mathieu Gaspari, secrétaire général du Conseil de la fonction militaire de la gendarmerie :

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, c'est en ma qualité de secrétaire général du CFMG et de garant du dialogue interne au sein de notre institution que je tiens tout d'abord à vous remercier d'avoir consacré cet après-midi au groupe de liaison du CFMG. Ainsi, vous avez invité à répondre à vos questions les 100 000 militaires de la gendarmerie qui ont élu le conseil.

La présence de représentants du CFMG dans cette salle est pour nous, militaires de la gendarmerie, le signe manifeste de la reconnaissance que vous, élus de la République, portez au modèle de dialogue interne que la gendarmerie a mis en place depuis 1989. Soyez ainsi assuré, monsieur le député, que c'est bien tout le corps social de la gendarmerie qui va, par l'intermédiaire du groupe de liaison du CFMG, répondre à toutes vos questions, dans un souci de clarté, de transparence et de franchise la plus totale.

L'objet de votre commission d'enquête est la détection de la radicalisation interne, notamment dans les rangs de la gendarmerie. Cette question concerne – je vous prie d'excuser ces termes un peu barbares – autant le flux que le stock. Le flux désigne l'ensemble des personnes qui chaque année décident d'intégrer les rangs de la gendarmerie, qui entrent donc dans notre appareil de formation, autrement dit dans nos écoles. Le stock désigne les militaires qui sont déjà dans les rangs de la gendarmerie et qui, eux, servent dans les unités territoriales de la gendarmerie.

Un premier constat d'évidence s'impose : nous sommes, gendarmes, autant concernés que la police nationale par des problèmes de radicalisation, et peut-être encore plus que d'autres administrations au sein de l'appareil étatique. En effet, le flux de personnes entrant dans les rangs de la gendarmerie est très conséquent ; chaque année, la gendarmerie recrute et forme près de 10 000 militaires, dont 5 000 gendarmes adjoints volontaires. Parce qu'elles sont plus jeunes, ces personnes sont beaucoup plus réceptives que d'autres à des idéologies potentiellement radicales. Différentes procédures existent – elles vous seront détaillées au cours de l'entretien – et sont mises en œuvre en amont, dès le processus de recrutement et le début du parcours de formation, pour détecter toutes les formes de radicalisation qui peuvent exister dans les rangs.

Pour ce qui concerne le stock, des procédures internes existent aussi. Le directeur général de la gendarmerie nationale, que vous auditionnerez prochainement, sera plus à même de vous détailler ces procédures classifiées. Toutefois, je souhaite préciser quelques points en préambule de nos échanges.

Tout d'abord, la gendarmerie est une force armée. Son organisation est pyramidale. La loi du 3 août 2009 le rappelle dans son article 1er. En qualité de force armée, la hiérarchie est évidemment très présente à tous les étages de l'organisation ; elle joue pleinement son rôle d'encadrement. Les changements de comportement ou les comportements inhabituels, qui trahissent parfois un début de radicalisation, remontent plus facilement quand la hiérarchie joue pleinement son rôle. Il peut y avoir des exceptions, comme cette adjudante qui servait au Centre national de formation au renseignement opérationnel (CNFRO) de Rosny-sous-Bois et était fortement radicalisée. Nous estimons cependant que le rôle joué par la hiérarchie est essentiel pour détecter des comportements déviants.

Ensuite, la communauté militaire véhicule les valeurs d'appartenance à un groupe et se traduit par l'adhésion à un socle de valeurs républicaines ; elles peuvent être contraires à d'autres valeurs véhiculées par des personnes radicalisés. Le fait de ne pas adhérer totalement à nos valeurs peut aussi être interprété comme un signe de radicalisation.

Enfin, un dernier élément me semble important dans la détection des signaux faibles : les gendarmes travaillent et habitent dans des casernes. Ces logements leur sont concédés par nécessité absolue de service. La détection des comportements déviants est plus facile dans ces conditions. Personne n'est à l'abri d'un phénomène de radicalisation et de conséquences telles que le drame de la préfecture de police, mais cette communauté de vie et de travail nous permet de déceler plus facilement les comportements problématiques. Quelles que soient les procédures de détection, une vigilance de tous les instants, collective ou individuelle, reste le meilleur moyen de les repérer.

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