Mesdames, messieurs les députés, merci de nous recevoir sur un sujet ô combien important, qui comporte deux aspects différents, d'un côté la radicalisation des personnels et, de l'autre, celle des personnes détenues. Il est bien plus facile pour nous d'aborder le second aspect que le premier.
Il est difficile de parler de la radicalisation des personnels parce que nous n'avons pas beaucoup de chiffres. On estime qu'une trentaine de personnes sont radicalisées ou fichées dans nos rangs. Ce sont des chiffres que nous obtenons par des biais détournés puisque l'administration ne communique pas sur le sujet.
Il n'y a pas de procédure pour repérer les personnels radicalisés. Ce sont essentiellement les collègues qui font des signalements. Il n'y a pas de conseil de discipline. On assiste à la mutation du collègue signalé, on le déplace pour l'éloigner du service dans lequel il travaillait.
À notre avis, la radicalisation des personnels de surveillance n'est pas un phénomène très développé. Il faut être vigilant et faire remonter les informations, mais les données ne sont pas très révélatrices.
Le problème est totalement différent en ce qui concerne les détenus. Malheureusement, le phénomène s'amplifie et la surpopulation pénale ne facilite pas les choses. En effet, il est plus facile de radicaliser son codétenu quand vous êtes dans une cellule où il y a trois ou quatre matelas au sol. Des quartiers dédiés ont été créés mais ils ne changent rien puisqu'ils ne sont pas étanches. Le prosélytisme se fait par la voix, les échanges verbaux. On sait bien que ces quartiers ne sont qu'une réponse politique pour montrer que le Gouvernement a essayé de faire quelque chose. Mais en fait il ne répond pas au problème. Nous réclamons depuis le grand mouvement de 2018 une classification des établissements, c'est-à-dire des établissements entièrement dédiés à ces prisonniers. On ne comprend pas pourquoi une personne qui est soit prévenue, soit condamnée pour acte ou tentative d'acte terroriste n'est pas placée directement dans un établissement spécifique afin d'éviter de contaminer les autres détenus. Malheureusement nous ne sommes pas entendus. Je n'ai toujours pas compris quel est l'intérêt d'évaluer quelqu'un qui est prévenu ou condamné pour acte ou tentative d'acte terroriste, pour savoir s'il est radicalisé. Aujourd'hui, on se rend bien compte que cela ne fonctionne pas. J'ai appris qu'on allait faire « tourner » les gens qui sont dans ces quartiers, car il faut bien les faire bouger. Or, quand on les sort de ces quartiers, c'est pour les remettre en détention normale…
Pour en revenir aux surveillants, les signalements sont faits, mais je ne sais pas comment ils sont traités ensuite. En tout cas, il n'y a jamais eu de conseil de discipline. On sait qu'une personne est radicalisée quand elle est mutée. Cela s'est vu à Toulouse, Paris et Marseille. Il n'y a aucune raison en effet que l'administration pénitentiaire ne soit pas touchée par ce phénomène de radicalisation.
Je le répète, s'agissant des personnes détenues, le phénomène existe et malheureusement rien n'est fait pour le stopper. Ce qui a été instauré n'est qu'une opération de communication complètement stupide : il fallait répondre à l'urgence et à l'attente des Français. À Strasbourg, on a vidé un étage entier de la maison d'arrêt où vivaient quarante détenus pour créer ce quartier où ils ne sont que cinq ou six ; c'est vous dire à quel point c'est absurde…