Intervention de Wilfried Fonck

Réunion du mercredi 19 février 2020 à 15h35
Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements ayant conduit aux attaques commises à la préfecture de police de paris le jeudi 3 octobre

Wilfried Fonck, secrétaire national de l'Union fédérale autonome pénitentiaire :

Mesdames, messieurs les députés, je vous remercie pour votre invitation, mais je dois vous avouer que nous avons été surpris de recevoir une convocation de votre commission d'enquête. Nous nous sommes demandé en effet quel était l'intérêt de s'adresser à l'administration pénitentiaire. Mais en lisant votre questionnaire, nous avons bien compris que vos interrogations concernaient la radicalisation chez les personnels pénitentiaires.

Comme l'a dit notre collègue de Force Ouvrière, la radicalisation existe en milieu carcéral. Cela mériterait une enquête parlementaire spécifique sur la radicalisation de la population pénale, de même que sur l'utilisation des crédits du plan de lutte antiterrorisme (PLAT) par l'administration pénitentiaire. Vous auriez quelques surprises quant à l'utilisation des deniers publics…

On peut lire, dans le rapport d'information n° 2082 sur les services publics face à la radicalisation, que le directeur de l'administration pénitentiaire reconnaissait qu'une dizaine de personnels de surveillance étaient radicalisés. Nous n'avons pas de chiffre exact, mais nous estimons entre dix et trente le nombre de personnes radicalisées. Cette radicalisation chez les personnels est toujours antérieure au recrutement, c'est-à-dire qu'elle n'est pas, pour l'instant, liée à des interférences entre des détenus appartenant à la mouvance djihadiste et les personnels. Il n'y a pas eu de cas de retournement de personnels intra-muros, et c'est tant mieux. S'agissant des personnels radicalisés avant leur recrutement, se pose la question de la transmission des enquêtes administratives qui devraient être diligentées par les services idoines.

La question du risque d'ingérence se pose également. En effet, dans un établissement pénitentiaire, il y a beaucoup plus de personnels extérieurs à l'administration pénitentiaire – personnels de santé, de l'éducation nationale, etc. – que de personnels pénitentiaires. Malheureusement, l'administration pénitentiaire n'a pas de service de contre-ingérence. Cela fait plusieurs années que l'UFAP-UNSa justice demande que l'administration pénitentiaire se dote d'un service propre de contre-ingérence, ce qui nous permettrait d'avoir accès, dans un premier temps, aux enquêtes administratives concernant le recrutement des personnels et de ne plus avoir à découvrir que certains sont fichés – quel que soit le fichier – une fois qu'ils sont titulaires de leur poste.

Comme l'a dit Emmanuel Baudin, une fois que la personne est titulaire de son poste, il devient très compliqué de la licencier. Dès lors qu'il n'y a pas de faute professionnelle imputable à l'agent, on ne peut pas le faire passer en conseil de discipline. Un seul cas, celui d'un agent, à Arles, a été présenté en conseil de discipline à la suite de suspicions de radicalisation : il a prononcé son licenciement, mais l'agent a fait appel de cette décision et il a été rétabli dans ses droits et a réintégré un établissement dans le sud de la France – actuellement, il est en congé maladie, mais cela ne résout pas le problème. Une fois que les personnels sont radicalisés et identifiés comme tels, l'administration pénitentiaire, comme toute administration, n'est pas en mesure de se séparer d'eux. Comment faire, en amont, pour éviter d'être confronté à de telles situations ? La seule et unique réponse consiste à créer un service de contre-ingérence. Si on ne le crée pas au sein de l'administration pénitentiaire, au moins pourrait-on le faire au niveau du ministère de la Justice. Ce service serait chargé exclusivement de la sécurité et de la protection du ministère, sur le modèle de ce qu'était précédemment la direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD) au ministère de la Défense.

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