Concernant les actions du PNSE 3, celui-ci ne peut être évalué de manière isolée dans la mesure où nos actions s'inscrivent dans la durée. En effet, nos données sont en général issues d'enquêtes épidémiologiques de longue durée. À titre d'exemple, l'enquête Esteban, dite transversale, permet d'obtenir un panel d'indicateurs sur la santé métabolique des individus (adultes et enfants) mais aussi sur l'exposition à plus d'une centaine de substances chimiques, cette seconde partie étant pilotée par ma direction. Il faut compter environ cinq ans entre le moment où l'enquête démarre et le moment où les résultats sont publiés et peuvent être rendus opérationnels. Cette action, qui permet d'apporter de vraies réponses à certaines questions et d'alimenter la connaissance des expositions, s'inscrit donc dans différents PNSE.
Le programme national de biosurveillance, qui est une action phare de l'agence et qui a été largement soutenu par les différents plans, a permis de collecter, pour la première fois, des données d'exposition représentatives de la population française. Ces données ne sont pas issues d'un petit panel d'individus : elles se basent sur l'ensemble de la population française, à la fois les adultes et les enfants. Elles portent sur un ensemble de substances dont certaines sont cancérigènes et d'autres sont suspectées d'être des perturbateurs endocriniens (le bisphénol A ou F, par exemple, ainsi que les substituts F et S sur lesquels des résultats ont été publiés l'année dernière). Ces résultats sont un véritable succès. Ils constituent des éléments probants qui contribuent à l'évaluation de la politique publique. Nous avons également développé des indicateurs de la santé reproductive, tels que la puberté précoce chez les filles ou les garçons, qui ont été corrélés avec des données d'exposition à des perturbateurs endocriniens. Les actions menées au travers du PNSE nous ont permis d'établir ces indicateurs puis d'en assurer un suivi spatial et temporel. Nous avons aujourd'hui une idée de l'évolution de ces indicateurs sur vingt ans. Nos résultats sont détaillés dans un numéro spécial du Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH), revue publiée par l'agence que je pourrai vous transmettre à l'issue de cette audition pour vous montrer le type d'indicateurs que nous parvenons à produire.
Nous menons également une action en ce qui concerne la qualité de l'air, thématique présente au sein du PNSE et soutenue par d'autres politiques publiques. Nous avons pu collecter des données d'une grande précision sur le lien entre mortalité et exposition à des particules atmosphériques. Nous y travaillons depuis vingt ans avec nos partenaires, à commencer par les associations de mesure de la qualité de l'air. Cet engagement de longue durée nous a permis de produire des données extrêmement intéressantes pour l'ensemble du territoire. Par exemple, nous savons aujourd'hui que la pollution de l'air induit près de 48 000 décès par an. Cette estimation est rendue possible par une collaboration avec les chercheurs produisant les données épidémiologiques sur lesquelles nous nous basons. Elle apporte un nouvel éclairage quant au fardeau que représente la pollution de l'air. Il s'agit de données pertinentes qui nous sont extrêmement précieuses. En effet, nous ne disposons pas d'estimation de la sorte pour l'ensemble des nuisances environnementales. De manière générale, les évaluations quantitatives d'impact sanitaire sont obtenues grâce à des développements méthodologiques rendus possibles par les politiques publiques que nous avons menées à l'agence. Les méthodes d'évaluation sont utiles aux décideurs dans la mesure où elles peuvent être utilisées « à rebours » : en fonction de certains objectifs de qualité à atteindre, il est possible d'estimer le bénéfice sanitaire selon l'abaissement des seuils. Nos travaux sur la qualité de l'air ont été menés à l'échelle nationale et territoriale. Les résultats ont été rendus publics. Une expérimentation pilote avec l'Observatoire régional de la santé (ORS) Île-de-France sur les zones à faibles émissions (ZFE) nous a également montré que le bénéfice sanitaire induit par la création de ZFE à Paris et en petite couronne est variable en fonction de différents scénarios. Ces travaux, également publiés, viennent conforter les mesures de réduction de la pollution atmosphérique et constituent des outils de plaidoyer. En ce sens, ils nécessitent à mon avis d'être maintenus.
Vous m'interrogez ensuite sur les axes d'amélioration qui peuvent être apportés à nos partenariats. En la matière, l'ANSES représente l'un de nos partenaires principaux, un accord-cadre régissant la relation entre les deux agences. En complément, nous avons produit, à destination des décideurs et de toute personne désireuse d'y accéder, un premier document – dont je dispose aujourd'hui – détaillant les complémentarités entre les deux agences, notamment dans le champ de la santé-environnement au sein duquel nous travaillons sur des sujets très proches. Dans un souci de bonne communication, nous avons jugé intéressant de clarifier, de manière didactique, le rôle des deux agences. Santé publique France et l'ANSES travaillent ainsi en parfaite collaboration sur de nombreuses études. L'enquête Pesti'Riv est un bon exemple de cette complémentarité. Santé publique France supervise la partie imprégnation et surveillance des expositions internes, qui nécessite la réalisation de prélèvements biologiques tandis que l'ANSES se consacre à l'évaluation des expositions externes, par le biais de prélèvements (air, poussière, etc.) qu'elle-même réalise avec ses partenaires. Il s'agit là d'une collaboration fructueuse qui fait l'objet d'échanges très réguliers.
S'agissant des problématiques relatives à la pollution de l'air, les réseaux des Associations Agréées de Surveillance de la Qualité de l'Air (AASQA) et le Laboratoire Central de Surveillance de la Qualité de l'Air (LCSQA) représentent les principaux partenaires de Santé publique France pour ce qui concerne l'air extérieur. Nous travaillons également avec le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) qui gère l'Observatoire de la qualité de l'air intérieur (OQAI), dont vous savez peut-être que le devenir est en question. Ces partenaires sont fragiles et nécessitent d'être pérennisés. Les AASQA nous fournissent les données de qualité de l'air qui nous permettent de produire nos estimations d'impact. Si ce réseau n'était pas pérennisé, ou venait à pâtir de problèmes de financement, notre action se trouverait de toute évidence affaiblie. La situation est similaire concernant la qualité de l'air intérieur, pour laquelle nous sommes demandeurs de mesures et de données fiables sur lesquelles nous baser. Si le fardeau lié à la pollution atmosphérique a pu être quantifié, comme nous l'évoquions précédemment, celui associé à la qualité de l'air intérieur demeure insuffisamment délimité à ce jour. Nous supposons pourtant que l'impact lié à l'exposition en intérieur n'est pas négligeable, particulièrement dans les périodes de confinement que nous traversons actuellement. Dans ce contexte, il me semble essentiel que la mission de l'OQAI soit pérennisée, ce qui n'empêche pas de lui donner une nouvelle dimension et de nouveaux objectifs. En l'absence de cet observatoire, il sera difficile de progresser en ce qui concerne la thématique de la qualité de l'air intérieur, thématique dont je sais par ailleurs qu'elle figurait parmi les priorités du PNSE 4, tout au moins au démarrage des discussions.
Les actions partenariales s'étendent par ailleurs aux partenaires de la recherche. Il faut soutenir la recherche s'agissant d'enjeux, multiples et variés, pour lesquels nous avons parfois très peu de données. L'ANSES développe des projets de recherche en santé-environnement-travail et l'Agence nationale de la recherche (ANR) promeut des appels à projet de recherche spécifique : il me semble fondamental de maintenir, voire d'amplifier, cet effort. Il s'agit de thématiques importantes pour lesquelles il est parfois difficile d'identifier un acteur dédié. En ce qui concerne le changement climatique, si nous travaillons avec plusieurs équipes, aucun consortium fort ne se dégage. Cette absence peut sans doute expliquer que le lien entre changement climatique et santé publique n'apparaisse que très pauvrement dans l'espace de dialogue public. En effet, si le lien entre changement climatique et énergie est très présent, à juste titre, la question de l'adaptation l'est moins et mériterait d'être consolidée. Cela me semble un point crucial, tant pour l'agence que pour la protection de la santé des populations qui seront inévitablement soumises à ces facteurs de risque.