Concernant les axes prioritaires, nous avons largement abordé la question des substances chimiques. Nous avons obtenu beaucoup de résultats combinant les connaissances en termes d'exposition de la population. Un tel enjeu de santé publique, qui rejoint par ailleurs les préoccupations de la société, rend indispensable de poursuivre les efforts en ces domaines. Nous pouvons encore améliorer l'état des connaissances en ce qui concerne la prise en compte des effets combinés (ou « effets cocktails ») et en ce qui concerne le développement de biomarqueurs d'effet : si nous parvenons bien à caractériser l'exposition de la population, cette mesure n'est toutefois pas prédictive d'effets sanitaires. À titre d'exemple, les résultats de l'enquête Esteban indiquent des concentrations de substances dans le sang mais ne permettent pas de prédire un effet sanitaire. Ainsi, pour la majorité des substances, il n'y a pas de valeur prédictive. Le développement des biomarqueurs d'effet représente une étape supplémentaire dans la finalité de ces enquêtes. Il nous permettrait d'orienter les réductions du risque sur la base de valeurs d'imprégnation interne. Il s'agit d'un point important.
Vous soulevez la question de la prospective des risques émergents, où le changement climatique occupe une place centrale. En réalité, nous avons déjà une idée des risques inéluctables aujourd'hui. La vague de canicule de cet été a été relativement intense. Nous savons que la chaleur a un impact très important sur la mortalité. La poursuite et la consolidation des travaux menés jusqu'à présent apparaissent indispensables. Les impacts du changement climatique sur la santé publique sont en outre peu connus et gagneraient à davantage de visibilité. Mettre en lumière le lien de causalité entre eux contribuerait à une meilleure compréhension de l'importance d'agir, en tout cas en matière d'adaptation ou d'atténuation. Ces éléments peuvent être utilisés pour évaluer les politiques publiques mais également dans l'optique de plaidoyers destinés à favoriser des mesures d'atténuation.
La veille relative aux thématiques sources de préoccupations et d'inquiétudes pour la population doit également être pérennisée. Ce travail suppose des ressources financières, humaines et des moyens d'enquête. Le lien entre un déterminant environnemental et un événement de santé est très rare en matière de santé-environnement. Il est donc important de veiller à ne pas oublier certains risques pour lesquels nous disposerions, aujourd'hui, de peu de données, mais qui pourraient être à l'origine d'événements de santé. Le débat sur les nanoparticules est par exemple très présent. Si le dispositif EpiNano n'apporte pas, à ce jour, d'informations d'une grande fiabilité sur le lien entre l'exposition aux nanomatériaux et des événements de santé, il constitue toutefois un dispositif de veille essentiel. Nous procédons actuellement au recrutement de salariés, travaillant dans des entreprises où ils manipulent des nanomatériaux, de manière à pouvoir constituer une cohorte et suivre leur état de santé, en lien avec le système national des données de santé. Notre capacité à préserver cette veille requiert des ressources et une reconnaissance dans les politiques publiques fixant les actions prioritaires.
La question des sols pollués et des bassins industriels revêt également un caractère prioritaire. Je suis dans l'incapacité d'estimer, aujourd'hui, le fardeau lié à la présence de bassins industriels tels que celui que vous évoquez dans la commune de Salindres. Depuis deux ans, nous avons initié une étude multicentrique de quarante bassins industriels pour tenter d'établir des corrélations entre les événements de santé autour de ces bassins et l'existence des données d'exposition. Nous sommes toutefois confrontés à une difficulté d'accès aux données. Le partage d'informations entre services constitue un axe d'amélioration indiscutable. Nous sommes actuellement en discussion avec le ministère en charge de l'écologie pour pouvoir accéder à ces données et répondre à cet objectif très ambitieux. Nous pourrions ainsi apporter des éléments de réponse à des situations locales auxquelles nous ne savons pas encore répondre. Nous sommes souvent confrontés à une population relativement peu nombreuse. Or, l'épidémiologie relève de la statistique et, si nous n'avons pas suffisamment de population et si les risques sont faibles, comme c'est souvent le cas, nous ne parvenons pas à des conclusions. Cette situation n'est pas satisfaisante. Il me semble donc crucial de faciliter ces travaux et le partage de données.