Intervention de Claire Pitollat

Réunion du mercredi 9 septembre 2020 à 14h00
Commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClaire Pitollat :

Sans surprise, je vais aborder avec vous deux sujets à propos desquels nous avions échangé à l'occasion de mes précédents travaux : il s'agit, d'une part, de la qualité de l'air intérieur et, d'autre part, de la problématique de la preuve, dans la recherche et dans nos réglementations.

À propos de la qualité de l'air intérieur, vous avez avancé qu'il y a là un fardeau important en termes de santé environnementale et qu'il y a nécessité de pérenniser l'OQAI. Je ne peux qu'approuver ce propos et j'aimerais énormément que, dans cette commission, nous puissions mener l'ensemble des parlementaires à se mobiliser sur ces sujets. Cela a déjà été le cas au moment de la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (loi Elan) : l'Assemblée nationale, soutenue ensuite par le Sénat, a adopté la proposition visant à donner une personnalité juridique à l'OQAI et à clarifier ses missions et son budget. La commission mixte paritaire, a remis ce choix en cause. Il a été décidé de demander un rapport à l'administration pour évaluer la gouvernance de l'air intérieur, comment l'améliorer, comment parvenir à un décloisonnement entre air intérieur et extérieur. Nous passons plus de 80 % de notre temps à l'intérieur. Cette proportion tend à augmenter en période de pandémie et a ainsi dépassé 90 % durant le confinement. L'exposition est particulièrement élevée dans certains lieux tels que la chambre à coucher. Elle est d'autant plus problématique lorsqu'il s'agit de lieux accueillant des personnes fragiles. Certaines études démontrent par exemple que la capacité de concentration de nos enfants est impactée par la qualité de l'air dans les écoles. Dans la plupart des établissements, la concentration peut chuter en l'espace d'un quart d'heure en raison de la saturation de l'air en CO2. Ces études, menées par l'OQAI, sont fondamentales pour l'observation et l'élaboration d'outils d'aide à la décision. Comment appréciez-vous la pérennisation d'un observatoire de la qualité de l'air extérieur ou l'institution d'un organisme qui décloisonne air intérieur et extérieur et permette d'aboutir au même niveau d'observation pour les deux champs ? Qu'envisagez-vous et qu'avez-vous pu lire dans ce rapport de l'administration ? Comment parvenir à des outils d'aide à la décision plus opérationnels ?

La simplification des normes est un problème auquel je me suis personnellement heurtée en travaillant avec le CSTB, à l'occasion de l'adoption de la loi Elan. Alors que nous avons voulu porter l'idée d'une vision plus globale des bâtiments, intégrant, dès leur conception, la préoccupation relative à la santé des occupants, nous avons été confrontés à des réticences. L'idée de concevoir les bâtiments de façon à ce qu'ils soient favorables à la santé humaine a été perçue comme une contrainte supplémentaire qui viendrait s'ajouter aux multiples normes existantes dans le secteur du bâtiment. Nous pourrions pourtant promouvoir une démarche de simplification et de vision plus globale. Autre question, comment obtenir, de la part des politiques et organismes publics, des outils d'aide à la décision qui soient de réels outils de simplification, permettant de mettre l'accent sur les priorités et de faire les pondérations nécessaires ?

Ma seconde question est également en lien avec les outils d'aide à la décision. Comment peut-on simplifier la politique de la preuve ? Dans le domaine des perturbateurs endocriniens, domaine à propos duquel j'ai remis un rapport, le monde scientifique s'accorde sur l'extrême difficulté d'obtenir la preuve d'un rapport entre l'exposition et la pathologie. Le suivi des cohortes est extrêmement long et les perturbateurs endocriniens ont des modes d'action très particuliers. Ce type de situation suppose de revoir toutes les règles de toxicologie ainsi que nos règlements européens afin de simplifier la politique de la preuve. Il me semble nécessaire de renforcer la prévention mais également d'observer une plus grande rigueur en cas de suspicion de substance toxique. Comment peut-on parvenir à cette simplification de notre réglementation, dans une vision One Health et dans un contexte où certaines priorités doivent être traitées en bonne intelligence avec les citoyens et les industriels ? Les plateformes en cours de développement constituent-elles des outils qui nous permettront d'avancer plus vite ? Nous pouvons par exemple citer la Plateforme public-privé sur la prévalidation des méthodes d'essai sur les perturbateurs endocriniens (PEPPER) ou la plateforme « Océan et Climat » qui fédère de nombreux scientifiques et acteurs pour mener un travail de plaidoyer. Doit-on passer par ce type de plateformes mixtes pour parvenir à un consensus et surtout, à une vision globale ? La révision du règlement REACH amènera-t-elle les industriels à agir plus vite ? À votre avis, quel est le chemin le plus court pour parvenir à cette vision globale mais, surtout, à cette simplification ? Celle-ci est indispensable car la preuve scientifique ne sera pas apportée avant très longtemps.

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