Intervention de Cédric Bourillet

Réunion du mercredi 23 septembre 2020 à 14h00
Commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale

Cédric Bourillet :

Selon la définition de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), datant de 1946, la santé est l'état complet de bien-être physique, mental et social, ce qui ne se limite pas à l'absence de maladie ou d'infirmité.

S'agissant de l'environnement, la conception généralement retenue porte sur l'ensemble des facteurs physiques, chimiques et biologiques extérieurs à l'individu et pouvant avoir un impact sur lui. Eu égard aux missions de notre direction générale et aux grands enjeux de politiques publiques, certains aspects font l'objet d'une approche convergente : l'air intérieur et extérieur que nous respirons, notre alimentation, notre eau, les produits chimiques auxquels nous sommes exposés, la radioactivité naturelle ou artificielle, les ondes électromagnétiques, le bruit et la pollution lumineuse.

Des débats ou des choix d'intégration à nos politiques peuvent surgir, en ce qui concerne l'exposition au travail, au rayonnement solaire, aux changements climatiques comme la canicule, aux catastrophes naturelles, ainsi qu'au comportement des personnes, notamment quant à l'utilisation du téléphone portable, au réglage des chaudières, aux suicides, aux accidents de la route et aux noyades.

Quelle que soit la définition retenue, les enjeux sont considérables. L'organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) estime que 24 % des années de vie en bonne santé perdues à l'échelle de la planète sont liés à des causes environnementales. Le taux concernant l'Europe s'établit à 15 %. Parmi les premières pathologies conduisant à des pertes d'années de vie, l'OCDE retient : les maladies cardiovasculaires, les cancers, les maladies de l'appareil respiratoire, les chutes, notamment au travail, les accidents de la route, les suicides et les troubles neuropsychiatriques. Outre l'aspect sanitaire, en matière de santé-environnement, nos dégradations, contaminations et expositions peuvent engendrer des impacts économiques considérables. L'économie est une préoccupation légitime de la part de tous. En tout état de cause, l'argent public consacré à la réparation des dégâts écologiques liés aux différents facteurs et dégradations vient en déduction des moyens dédiés au bien-être des populations au sens de la définition de l'OMS. Il convient de garder à l'esprit les enjeux sanitaires, mais également économiques en matière de santé-environnement.

Ce sujet est presque aussi ancien que l'Humanité. Au cours des derniers siècles, les politiques d'assainissement de nos villes étaient menées suivant des préoccupations hygiénistes et sanitaires.

La DGPR traite également de la prévention des risques technologiques, notamment des centrales nucléaires et des usines. Nous considérons que notre texte fondateur est un décret impérial de 1810 relatif aux établissements incommodes et insalubres, dans une logique de réduction des émissions et des pollutions des installations industrielles, par rapport au voisinage et à la santé publique. Il s'agit d'une politique très ancienne. Au sein de la direction générale, nous sommes héritiers d'une préoccupation bien ancrée.

Pour autant, notre approche actuelle est beaucoup plus vaste, en ayant à l'esprit que les santés humaine, végétale et animale sont très liées. Les questions de biodiversité, les épisodes de ces derniers mois et les zoonoses nous rappellent à quel point de mauvaises influences en matière de biodiversité engendrent immanquablement un impact négatif en termes de santé humaine. L'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) retient cette approche transversale au sein d'une même agence sanitaire. Notre ministère y a contribué, ce qui est sans doute très positif.

S'agissant des axes de nos politiques publiques, j'emploierai, en premier lieu, le verbe « comprendre ». En effet, la recherche est essentielle pour pouvoir disposer d'informations, comprendre les mécanismes, savoir ce qui est recherché et doit être surveillé, et mesurer nos effets.

Le deuxième axe consiste à mesurer et savoir. Nous avons besoin de données sur l'environnement et la santé. Il convient de se concentrer sur les bonnes priorités pour pouvoir mesurer les effets et se sentir encouragé lorsque des effets positifs sont mesurés. Cette question est complexe, en raison du nombre de données à collecter. En outre, il reste difficile de mesurer le lien direct et immédiat entre telle dégradation environnementale et tel effet sur un individu ou une population. L'acquisition des données pertinentes, la conduite des surveillances appropriées pour aboutir aux conclusions adéquates constituent clairement un défi que nous avons à relever.

Il convient également d'agir à tous les niveaux pour améliorer l'environnement et éviter les impacts sanitaires, notamment sur le plan international. L'OMS s'est mobilisée dès 1978, lors de la conférence d'Alma-Ata au Kazakhstan qui a énoncé ce droit à la santé. En 1986, la conférence d'Ottawa nous a fait progresser en matière de santé-environnement. En 2004, la conférence de Budapest a donné naissance aux plans nationaux santé et environnement.

À l'échelle mondiale, l'organisation des Nations Unies (ONU) porte des conventions internationales relatives à certains polluants et des conventions de transferts de matières entre les continents. Le niveau européen est indispensable et la France s'y mobilise fortement. À Bruxelles, elle a la réputation d'être le pays le plus engagé et exigeant, voire « pénible », notamment sur la question des produits chimiques, de la biodiversité, de la transition énergétique et du transport. À l'échelon européen, de nombreux leviers, très mobilisateurs et enthousiasmants, peuvent également constituer un cadre juridiquement contraignant, réduisant la capacité d'action du niveau national.

L'État se mobilise à travers ses politiques publiques. Localement, les collectivités territoriales disposent de nombreux leviers : politiques d'alimentation, du transport, de l'urbanisme et des pratiques sportives, mais également grâce à leurs capacités de contact avec les citoyens et de sensibilisation.

Au-delà de la puissance publique, chaque citoyen français peut être acteur par son comportement, son hygiène de vie et ses choix, mais également en tant que consommateur. Il en est de même pour les entreprises de production qui réduisent l'impact de leur activité sur l'environnement ou en termes d'exposition des travailleurs, et qui peuvent apporter des solutions par l'éco-conception, l'innovation et les applications menées par des start-up qui guident le consommateur dans ses choix. Il nous faut parvenir à faire vivre et prospérer cet écosystème. Nous pouvons mobiliser les professionnels de la santé humaine, animale et végétale, qui bénéficient parfois, auprès des populations, d'un crédit plus large que celui de l'État. Ils disposent de vraies informations, d'une véritable capacité à interagir avec les personnes venant à leur rencontre, et portent un regard affûté sur les bonnes et les mauvaises pratiques. Il est souhaitable de mobiliser autant que possible les professionnels, comme les architectes et les urbanistes, qui exercent une influence importante sur les politiques. Je mentionnerai également les chercheurs dans la mesure où, faute de progresser sur les enjeux de recherche, les actions que nous souhaitons mettre en place se trouveront bloquées.

Le quatrième axe consiste à former, informer et convaincre. Pour que ce système atteigne son plein fonctionnement, il faut pouvoir mettre à sa disposition les outils nécessaires, à savoir l'information à destination du citoyen et la formation des professionnels. Il faut aussi créer une conviction collective et faire en sorte que le débat collectif serve à forger une conscience et une volonté de cheminement conjoint. Nos instances de concertation, comme le Groupe santé-environnement, y ont un rôle à jouer. Celui du ministère consiste à créer et faire vivre, aux différents échelons, les conditions favorisant ce débat et cette construction collective.

Le dernier axe réside dans la mise à disposition d'outils techniques, juridiques et financiers auprès de l'ensemble des acteurs afin de permettre le développement des actions engagées.

La santé-environnement doit être l'affaire de tous. Il convient d'en faire un vrai mouvement de société.

Une approche décloisonnée est nécessaire, y compris au sein de l'État. Outre le ministère en charge de la santé et celui en charge de l'environnement, sont concernés les ministères en charge de l'alimentation, de la consommation, du logement, des transports et de l'industrie. Nous devons accompagner le ministère de la santé dans un travail collégial. L'une de nos missions consiste à animer régulièrement une communauté de travail interministérielle, conjointement avec nos collègues du ministère de l'intérieur afin de favoriser cette convergence et cette approche multifacettes.

Le plan de relance n'est pas un mode d'action traditionnel de notre direction générale, dont le rôle habituel est d'animer et de réguler. Ce plan, qui inclut un montant de 30 milliards d'euros dédiés à la transition écologique, intègre nombre d'actions qui auront un impact très favorable en termes de santé-environnement, dès lors qu'il est question de transports doux et d'éviter la voiture, de poids lourds à faible, voire zéro émission, de la biodiversité, des pratiques agricoles et de la rénovation énergétique qui abaissera la consommation d'énergie et permettra d'atteindre l'objectif de fermeture des centrales à charbon et de diminution des émissions de CO2 et de polluants.

Ces actions seront pilotées par notre ministère et contribueront clairement aux politiques de santé environnementale. Cette mobilisation interviendra sur les deux années à venir.

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