Intervention de Cédric Bourillet

Réunion du mercredi 23 septembre 2020 à 14h00
Commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale

Cédric Bourillet :

S'agissant des points forts, sur le plan politique, je pense que les ministres de la santé et de l'environnement font preuve d'un engagement sincère et volontariste. Si ce genre de politique n'est pas porté au plus haut niveau, les résultats sont, en ce qui concerne l'État, moins probants.

Le tissu associatif, mais également le tissu de la recherche et celui de certaines entreprises et collectivités territoriales, y compris au plus près des territoires, sont composés d'acteurs dynamiques, investis, qui savent de quoi ils parlent, ont envie d'expérimenter et d'innover. Ils ont de bons exemples à partager, bien qu'ils soient parfois impatients, ce qui est tout à fait légitime. Par conséquent, nous avons un socle d'acteurs mobilisés, socle qui constitue un facteur extrêmement favorable.

En ce qui concerne l'État, notre organisation institutionnelle confère des atouts dont nombre d'autres pays ne disposent pas. Je pense à nos agences sanitaires, notamment sur le modèle de l'ANSES, laquelle est transversale et porte l'ensemble des sujets, ce qui n'est pas le cas au niveau européen. Nous constatons des pertes de temps dans la prise de décision publique. Suite aux évolutions institutionnelles, l'agence Santé publique France a la charge de la sensibilisation, l'animation et la communication, mais également du suivi populationnel et de celui des impacts sanitaires, selon une approche transversale et complète. Nous évoquons souvent le site « Agir pour bébé » récemment mis en place, préparé par une équipe qui pratique un suivi populationnel et en connaît les grands enjeux. Je pense que nous avons réalisé, au cours des dernières années, des évolutions institutionnelles utiles et allant dans le bon sens.

La France est largement reconnue à Bruxelles comme étant un pays très engagé, porteur et leader sur ces problématiques. Manquer à notre engagement au niveau européen reviendrait à se priver de nombreux leviers et impacts. Il faut mettre cet engagement au crédit de l'ensemble des personnes qui y contribuent.

Parmi les points forts, je mentionnerai également la capacité des collectivités territoriales à se saisir de nombreux leviers pour porter une approche transversale. En effet, une organisation « en silos » génère des difficultés de co-construction.

Les enjeux considérables en matière de recherche laissent de nombreuses interrogations sans réponse, ce qui rend complexe la réalisation d'avancées. Nous avons besoin d'une meilleure coordination et d'une meilleure collecte des données en faveur d'une approche transversale. En France, nous bénéficions d'une bonne culture de la donnée environnementale, notamment en ce qui concerne l'eau et l'air, avec des associations agréées indépendantes. Pour des raisons historiques, nous assurons un large suivi en matière de biodiversité, de sols, de produits chimiques et de radioactivité. En revanche, ces données sont disponibles dans des réseaux, ou des organismes, « en silos ». Si nous voulons avoir une approche véritablement transversale de l'exposome, comprendre les effets-cocktails, repérer d'éventuelles synergies et mieux comprendre certains clusters, comme celui de Sainte-Pazanne dont nous ne connaissons pas l'explication bien que des faits statistiques rendent nécessaires de continuer à la chercher, il nous faut progresser en ce qui concerne le nombre de données disponibles et la capacité à les mettre à disposition.

Il nous faut mieux informer le citoyen, qui est aussi consommateur et acteur, et améliorer son information. Je pense que la conscience collective, la sensibilité voire, parfois, l'inquiétude sont croissantes en France en ce qui concerne ces questions. Lorsque le sujet est évoqué, il est reçu de manière différente d'il y a trente ans. Néanmoins, le fait d'être vigilant et sensible, voire volontaire, ne suffit pas pour être acteur. Il faut donner les clés et la capacité d'identifier les bons relais. Ce défi est devant nous. Il nous faut parvenir à mettre à disposition des outils et des relais permettant d'atteindre chaque citoyen.

Je citerai également la capacité à mobiliser les entreprises autour de l'éco-conception et à mettre en place des dispositifs d'accompagnement et d'encouragement. Les initiatives existantes ne sont pas aussi structurées que le souhaiteraient les entreprises, ce qui pose une question d'échelle. Les centres de recherche ne sont pas toujours implantés en France, ce qui nécessite de construire une coordination européenne dans ces domaines. Des initiatives se mettent en place en France, comme la plateforme public-privé sur la pré-validation des méthodes d'essai sur les perturbateurs endocriniens (PEPPER) qui, je l'espère, tiendra ses promesses.

Il convient également de réussir l'implication des collectivités territoriales. J'ai peu de doute sur la volonté de progresser de la grande majorité d'entre elles. Reste à identifier la dynamique territoriale adaptée aux questions de santé-environnement. Au cours des vingt ou trente dernières années, nombre d'actions dans ce domaine étaient parfois à l'initiative de l'État avec des réglementations à destination des industriels, comme l'interdiction du bisphénol A et des perchloréthylènes dans les pressings. Nous avons des instances et des agences au niveau national, mais la dynamique est différente au niveau régional, départemental et local. Certains acteurs sont très volontaristes, mais il reste à créer une gouvernance et un travail collectif des territoires pour permettre la convergence de ces énergies.

Il faut parfois solliciter ceux qui ne sont pas encore complètement conscients ou qui ont baissé les bras. Je pense à certaines catégories de populations qui, par tempérament, ne sont pas encore entrées dans la dynamique comme de jeunes adultes, ainsi que certains quartiers et territoires. Il est également nécessaire de trouver une approche territoriale, notamment sous l'angle des inégalités sociales et environnementales, car certains sont affublés de qualificatifs tels que « point noir » ou « village le plus pollué de France ». Il nous faut éviter le défaitisme et la résignation dans ces territoires, lesquels créent un risque de décrochage ou d'inégalité, qu'il s'agisse du bruit, de la pollution et de la qualité de l'air, de l'alimentation.

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