La commission a pour mission de renforcer l'expertise publique qui vient en appui aux décisions publiques et est souvent en situation d'incertitude. Elle est délivrée dans plusieurs dizaines d'établissements publics. Le fait d'entourer cette expertise de principes déontologiques me semble important. Il s'agit de mobiliser un certain nombre de principes et de valeurs pour donner de l'autorité à cette expertise publique.
Une charte de l'expertise existe en France depuis une dizaine d'années, une charte de déontologie des métiers de la recherche depuis 2015. J'ai été l'un des contributeurs de cette charte. Plus récemment, en 2016, des référents déontologues – c'est-à-dire des personnalités indépendantes – ont été nommés dans les organismes pour conseiller et faire en sorte de partager une culture de la déontologie.
Dans l'expertise, trois types de référents déontologues interviennent. Le premier ressort de la loi du 13 juillet 1983 portant droit et obligations des fonctionnaires : il a été mis en place par la loi de 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires et est prévu dans l'ensemble des établissements de recherche. Pour ce qui concerne l'expertise sanitaire, une loi et un décret ont mis en place en 2016 des référents déontologues. Enfin, plus récemment et sans support législatif, des référents à l'intégrité scientifique ont été créés dans les organismes de recherche et dans les universités.
Au-delà des textes et des chartes, des personnes-ressources peuvent donc faire évoluer la culture de l'ensemble des personnels de la recherche ou de l'enseignement. Il est important de se souvenir de ce que disait M. Jean-Marc Sauvé sur la déontologie : « Cela n'a rien d'inné, c'est surtout un partage d'expériences. »
Il faut mettre en place le dialogue, au-delà des textes et des références. C'est ce que fait la commission en établissant un dialogue avec la trentaine d'établissements entrant, selon le décret de 2014, dans notre champ législatif, pour essayer de tirer le meilleur parti des pratiques qui existent dans le domaine de l'expertise, de la prévention des conflits d'intérêts et plus largement de la déontologie.
Nous l'avons fait dès 2018 par l'intermédiaire d'un questionnaire. Depuis la fin de l'année 2019, nous établissons un dialogue privilégié avec chacun des établissements, non pour faire un audit mais plutôt pour tirer parti des meilleures pratiques et les partager.
L'important est de sensibiliser l'ensemble de la communauté scientifique, de voir quelles mesures peuvent être prises en termes de formation, d'appropriation des principes déontologiques mis en place dans ces organismes. Cette enquête n'est pas terminée mais nous faisons le constat d'une hétérogénéité des pratiques actuellement. L'objectif est de tirer par le haut l'ensemble du dispositif d'expertise en France.
Le rôle de la commission est différent de la mission principale d'un comité d'éthique par exemple. Je suis membre du comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE). Nous avons eu, dans le projet de loi relatif à la bioéthique voté le 31 juillet par l'Assemblée nationale et qui sera bientôt en deuxième lecture au Sénat, une extension du champ de compétences du CCNE au-delà de la santé et de la médecine. Tous les domaines qui pourraient avoir un effet sur la santé humaine font maintenant partie des missions du CCNE, en particulier l'environnement. La réflexion éthique autour des problèmes de santé et d'environnement sera ainsi consolidée.
Il ne s'agit pas d'arbitrer, de proposer de nouvelles recommandations, mais plutôt de s'interroger sur l'impact de l'environnement sur la santé de l'individu, sur la santé humaine, sur la santé de l'humanité. Souvent, les problèmes de crise sanitaire, de crise liée à l'environnement, touchent les plus vulnérables et c'est un point important qui mène à une réflexion éthique.
Enfin, je mentionne les états généraux de la bioéthique qui ont eu lieu en France en 2018 sous l'animation du CCNE. Nous avions inscrit dans la réflexion un volet santé-environnement. Les états généraux de la bioéthique ont porté essentiellement sur les domaines de biologie et de santé. Au-delà des questions de procréation et de fin de vie, nous avons en particulier abordé tout ce qui concerne la génétique, les données de santé.
Nous avions ouvert un volet santé-environnement qui a mobilisé peu de personnes. Ce n'est pas surprenant dans la mesure où aujourd'hui, en France, les communautés liées, par exemple, aux associations de patients, à ce qui concerne la biologie et la médecine, sont assez distinctes des associations qui concernent l'environnement.
J'encourage la commission à proposer une plus grande perméabilité entre ces communautés pour s'approprier des questions importantes de santé-environnement. Lors de ces états généraux de la bioéthique, nous avons fait deux recommandations. La première est d'augmenter les recherches pour essayer de comprendre l'impact de l'environnement sur la santé humaine, la seconde d'éviter les conflits d'intérêts dans l'expertise. Cela rejoint donc l'une des missions de la commission.