Après le volet « Déontologie » de la DAPse, je passe aux alertes.
Les alertes, dès lors qu'elles sont effectuées dans des conditions sécurisées qui protègent les identités de leurs auteurs, sont un élément essentiel de l'appui à la gestion des risques par les pouvoirs publics. Elles leur permettent de prendre connaissance, au plus profond du territoire, grâce à l'ensemble des citoyens et des structures qui porteront ces signalements, de l'existence de menaces, de doutes, voire de dégâts déjà avérés et d'y remédier le plus vite possible. C'est vraiment un élément important qui était jusqu'à présent très mal couvert. Le dispositif est encore très fragile.
Je vous en donne quelques illustrations. Dans une région ultramarine, un signalement d'un riverain d'une entreprise nous informe que des eaux issues d'un process industriel sont rejetées directement en mer, ce qui provoque l'atteinte d'un massif corallien. Nous en avertissons – pour instruire et documenter – l'autorité administrative compétente qui, rapidement, vérifie les faits et met en œuvre des mesures. Le dossier est au pénal. Un deuxième exemple est en fait du même ordre. Nous sommes avertis par des riverains de l'élimination de matériaux contenant de l'amiante dans des conditions telles que, visiblement, les ouvriers en charge du travail méconnaissent totalement la présence d'amiante. Ils ne sont absolument pas protégés et sont exposés à un risque d'inhalation d'amiante. Que dire par ailleurs des conditions finales dans lesquelles ces matériaux ont été ensuite « stockés » ou éliminés ?
Le troisième exemple, plus connu car il a fait couler pas mal d'encre médiatique, est le dossier de la famille des inhibiteurs de la succinate déshydrogénase (SDHI), cette famille de fongicides à propos desquels une équipe de chercheurs a porté à notre connaissance des dangers qui n'étaient jusqu'alors absolument pas pris en compte dans le processus d'autorisation de mise sur le marché. Ces chercheurs pensent que les SDHI peuvent occasionner des risques pour la biosphère et pour l'homme. Nous avons transféré cette alerte aux cinq ministères concernés. Dix mois plus tard, nous n'avons reçu aucune réponse substantielle de ces ministères. En revanche, nous avons mis en place un groupe, qui se réunit en ce moment même pour sa deuxième réunion, afin d'écrire une note permettant de qualifier en quoi l'évolution et l'accumulation des connaissances scientifiques sur les dangers et les risques des SDHI et de toute la famille des phytosanitaires peut justifier, de la part du décideur public, le recours à des dispositions de révision des conditions d'autorisation de mise sur le marché. Cette possibilité existe dans la réglementation européenne, sans attendre dix ou quinze ans les processus normaux de révision des autorisations.
Deux de ces exemples montrent que les règles actuellement existantes de protection des lanceurs d'alerte, prévues par la loi Sapin 2, ne s'appliquaient pas. C'est notre capacité d'auto-saisine qui nous a permis de prendre en charge le signalement et de poursuivre son traitement. Nous avons, pour cela, mis en place des dispositifs très sécurisés.