Intervention de Hervé Charrue

Réunion du jeudi 22 octobre 2020 à 10h30
Commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale

Hervé Charrue, directeur général adjoint du Centre scientifique et technique du bâtiment :

La connaissance du parc est en effet une question cruciale, mais celle-ci est encore faible du fait qu'il est impossible de généraliser. Chaque bâtiment est considéré comme une construction unique, un prototype, contrairement aux véhicules, fabriqués par millions.

Pour ce qui est de la problématique énergétique, nous avons effectivement des indicateurs pour évaluer la performance énergétique, des passoires thermiques jusqu'aux nouveaux bâtiments conçus pour être très performants dans ce domaine. Dans le neuf, la performance énergétique est associée au confort thermique et acoustique et à la qualité de l'air, mais dans l'ancien, cette association est beaucoup plus compliquée. La rénovation est limitée par le besoin de financement important et l'absence de ressources de production, car les enjeux nouveaux du bâtiment consomment l'essentiel de la main-d'œuvre. De plus, ce secteur n'est plus très attractif auprès des jeunes, en formation courte comme en formation longue. Certes, quelques jeunes ingénieurs s'orientent vers la rénovation thermique et la performance environnementale, mais ce ne sont pas eux qui construisent les bâtiments. Par conséquent, nous arrivons à une situation où nous avons bien identifié les besoins techniques, mais où nous manquons de moyens humains pour les réaliser.

Le CSTB a d'ailleurs une autre mission qui est l'évaluation des innovations et l'accompagnement des acteurs industriels dans la qualification de la performance de leurs innovations une fois intégrées aux bâtiments. Nous adressons ainsi diverses problématiques, non seulement le confort thermique, mais aussi l'étanchéité des toitures avant la pose de panneaux solaires par exemple. Enfin, nous avons une mission de formation des acteurs, c'est-à-dire de transfert de connaissances à destination des professionnels, concernant la qualité et les règles de l'art pour la mise en œuvre des produits.

Dans les années 2010, la rénovation énergétique d'un bâtiment coûtait entre 350 et 450 euros le mètre carré pour une maison individuelle. Aujourd'hui, compte tenu de la problématique du confort d'été, du fait de la fréquence des canicules, et des nouvelles préoccupations sur l'impact des particules fines, par suite de la crise du diesel, le prix a fortement augmenté, et la rénovation devient coûteuse. De plus, il faut trouver les ressources humaines pour la réaliser. Le secteur est en effet très morcelé et peu industrialisé, hormis pour les grands groupes intervenant pour le secteur tertiaire ou les logements collectifs. Dans le domaine de la rénovation de l'habitat, il s'agit surtout de petites entreprises qui manquent de moyens pour innover, mettre en œuvre de nouvelles technologies plus performantes et des phases d'industrialisation de la production hors site. De ce fait, nous connaissons les solutions, mais nous manquons de financements et de ressources de production.

Par ailleurs, sans faire offense aux fédérations professionnelles, tout le monde y va de son expérience personnelle sur la qualité de la rénovation ou de la construction. Cependant, entre les maquettes numériques où tout est parfait et la réalité, nous avons des difficultés à mesurer la performance réelle du bâtiment. Un nouvel indicateur doit être mis en place pour suivre et mesurer la performance sur tous les champs qui ont fait l'objet d'une investigation – qualité de l'air, performance énergétique réelle, isolation acoustique – pendant le chantier et dans le bâtiment final.

L'interopération des marqueurs peut toutefois poser question. Dans le cas de l'épidémie actuelle, il a été démontré que la surventilation était efficace pour évacuer le risque de contamination, mais certains se sont inquiétés que l'on dégrade ainsi la performance énergétique des bâtiments. Or tous les sujets nécessitent une logique d'optimisation globale, qui implique de faire des choix selon les priorités d'investissement. Si la priorité est la sécurité sanitaire, il convient de faire des compromis sur la performance énergétique, car la prévention sanitaire offrira un meilleur retour sur investissement pour la nation. Ces sujets sont donc complexes. De ce fait, le CSTB a pour but d'objectiver l'interrelation entre les paramètres pour que le décideur, qu'il soit public ou privé, puisse décider en toute connaissance de cause.

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