Intervention de Patrick O'Quin

Réunion du jeudi 19 novembre 2020 à 11h30
Commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale

Patrick O'Quin, président de la Fédération des entreprises de la beauté (FEBEA) :

La FEBEA est le syndicat représentatif du secteur cosmétique au titre de la loi de 1884. Nous sommes représentatifs au sens du code du travail, mais également parce que nos adhérents fabriquent environ 95 % des produits cosmétiques vendus sur le territoire français. Aujourd'hui, 350 entreprises adhérent à la FEBEA. Certains de nos adhérents sont des grands groupes français ou internationaux, notamment les leaders mondiaux comme L'Oréal, mais plus de 85 % de nos adhérents sont des très petites entreprises (TPE) et des petites et moyennes entreprises (PME). Le tissu industriel français de ce secteur est donc extrêmement divers. Nous représentons uniquement les fabricants, soit parce qu'ils sont installés sur le territoire français, soit parce qu'ils vendent leurs produits en France par le biais de filiales. Nous ne représentons pas seulement des entreprises françaises, mais également des entreprises étrangères. Nous ne représentons ni les fabricants d'ingrédients ni les distributeurs. Les parfumeries telles que Séphora ou Marionnaud et les parfumeries de quartier, les coiffeurs et les esthéticiennes ne sont pas membres de notre fédération.

Celle-ci regroupe des représentants de tous les types de cosmétiques – parfums, produits d'hygiène, produits de toilette, produits de soin, produits capillaires, produits pour enfants – qu'ils soient distribués en grande distribution, dans les supermarchés et les hypermarchés, ou par des modes dits de « distribution sélective » dans les pharmacies, dans les parfumeries ou dans des magasins spécialisés comme Pierre Fabre ou chez les esthéticiennes.

En France, nous sommes régis par un règlement européen, publié en 2009, qui s'applique pleinement depuis 2013. Ce règlement européen fait suite à une loi française : la France a en fait inspiré ce règlement européen par une loi de 1975 extrêmement novatrice à l'époque, alors que Mme Simone Veil était ministre de la Santé. Nos produits sont en effet régis par le code de la santé publique et notre autorité de contrôle est l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), non l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses).

Ce règlement est très novateur en ce qu'il place la responsabilité de la mise sur le marché chez le fabricant. À la suite de la crise du talc Morhange, une crise extrêmement sérieuse, puisqu'elle avait causé la mort d'une vingtaine de bébés, Mme Simone Veil a choisi de créer un nouveau système pour assurer que les produits mis sur le marché soient sûrs, plutôt que de décalquer la réglementation sur celle des médicaments avec une autorisation de mise sur le marché.

Le règlement européen actuel est fondé essentiellement sur cette réglementation qui assure la sécurité tout au long de la chaîne de consommation. Les cosmétiques sont les plus réglementés des produits de consommation courante. Il est plus difficile actuellement de mettre sur le marché un produit cosmétique qu'un produit alimentaire. Cette sécurité est assurée à plusieurs niveaux et c'est le seul secteur dans lequel sont prévus autant de garde-fous.

La première étape est que nous ne pouvons pas utiliser, dans les produits cosmétiques, d'ingrédient n'ayant pas été évalué au titre du Règlement européen Registration, evaluation, authorization and restriction of chemicals (REACH).

La deuxième étape est que l'ingrédient est lui-même évalué par un comité scientifique pour la sécurité du consommateur, le Scientific committee on consumer safety (SCCS). Il s'agit d'un comité composé d'une quinzaine d'experts indépendants qui fonctionne auprès de la Commission européenne. Il évalue si l'ingrédient est sûr, dans une utilisation cosmétique pour la cible de population à laquelle il est destiné. Un ingrédient destiné à un produit pour bébés n'est donc pas évalué de la même manière qu'un ingrédient destiné à un produit pour adultes. De même, l'évaluation est différente selon que le produit est destiné aux femmes enceintes ou à la population générale, selon que le produit est destiné à une utilisation capillaire ou à une utilisation sur la peau ou à un dentifrice. Les annexes du règlement européen relatif aux produits cosmétiques énumèrent un certain nombre d'ingrédients ne pouvant pas du tout être utilisés ou ne pouvant être utilisés qu'à certaines doses ou pour certains usages.

Le troisième filtre est particulièrement original : un produit est soumis avant d'être mis sur le marché à une évaluation de sécurité établie par une personne dont les qualifications sont, en France, précisées par un arrêté. Tant que la sécurité du produit fini, c'est-à-dire du cocktail d'ingrédients, n'a pas été évaluée, le produit ne peut pas être mis sur le marché.

Avant d'être mis sur le marché, il doit être déclaré sur un portail européen, le Cosmetic products notification portal (CPNP), qui contient la liste de la totalité des produits sur le marché.

Enfin, la liste complète des ingrédients doit figurer sur l'emballage, à une exception près, liée aux questions de propriété intellectuelle : les parfums. En effet, les parfums ne peuvent pas être protégés par un brevet et il n'est donc pas obligatoire de faire figurer la liste intégrale des parfums. En revanche, le risque majeur étant pour ces produits le risque d'allergie, les allergènes qui figurent dans le cosmétique doivent être indiqués sur l'étiquetage.

Cette succession de filtres permet d'assurer que les produits sont sûrs pour le consommateur. La sécurité est ensuite complétée par la cosmétovigilance : une fois que le produit est sur le marché, il est obligatoire de rendre compte à l'ANSM de tout incident pouvant être créé par ce produit, et particulièrement de tout incident sérieux. Nous avons donc tous les ans environ 200 notifications dans ce cadre. Comparées aux milliards d'utilisations annuelles des produits, ces 200 notifications constituent un chiffre extrêmement faible. Ces notifications sont essentiellement liées à des mésusages ; sinon, ce sont généralement des irritations ou des allergies dermatologiques. Depuis la triste affaire du talc Morhange, nous n'avons eu aucune crise sanitaire liée directement à l'utilisation d'un produit cosmétique, ni en France ni en Europe.

Ce Règlement est un outil assez lourd donc difficile à modifier mais environ six modifications des annexes du Règlement sont effectuées chaque année pour tenir compte des avancées de la science et des éléments nouveaux qui peuvent intervenir. Le comité scientifique pour la sécurité du consommateur est extrêmement sensible aux évolutions qui apparaissent ; il introduit dans son évaluation des critères qui sont souvent en avance sur ce que les réglementations traditionnelles prévoient. Ainsi, les produits cosmétiques ont été les premiers à éliminer, en 2017 ou 2018, le bisphénol A (BPA), avant même que le sujet devienne véritablement une source de préoccupation. De même, les phtalates sont interdits dans la formulation de produits cosmétiques, à l'exception du phtalate de diéthyle (DEP) dont il apparaît qu'il n'est pas un perturbateur endocrinien. Le SCCS prend en effet en compte les critères de perturbation endocrinienne parmi ses critères pour évaluer si un ingrédient peut être introduit dans un produit cosmétique.

Notre secteur a été un des promoteurs de la plateforme public-privé sur la pré-validation des méthodes d'essai sur les perturbateurs endocriniens (PEPPER). Nous y sommes très impliqués. Mme Françoise Audebert est membre du conseil d'administration et du bureau de PEPPER.

Nous avons aussi travaillé de façon extrêmement active à un guide sur la substitution des ingrédients, corédigé par l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris) et France Chimie sous le contrôle de la direction générale de la prévention des risques (DGPR). Pouvoir faire évoluer nos formules en fonction des avancées de la science est bien entendu une priorité pour nous.

Nous avons aussi un dialogue extrêmement actif avec le ministère de la Transition écologique, autrefois ministère de l'Environnement, sur tout ce qui concerne les questions de biodiversité. Une grande partie de nos ingrédients sont d'origine naturelle et il est très important pour nous de pouvoir continuer à en disposer. Nous sommes donc impliqués, depuis longtemps, dans la protection de la biodiversité, à travers la mise en œuvre de la convention sur les espèces menacées, (Convention on international trade of endangered species, CITES). Tous les ans, nous organisons également, en liaison avec les fabricants d'ingrédients et le ministère de la Transition écologique, un séminaire pour travailler sur l'application du Protocole de Nagoya. Nous identifions avec le ministère de la Transition écologique les difficultés d'application de ce protocole dont les dispositions sont parfois un peu obscures ou dont la mise en œuvre peut être délicate.

Enfin, nous menons des actions de sensibilisation et d'information du consommateur ainsi que des actions de transparence. Par exemple, nous avons sur notre site Internet une base de données qui recense les 25 000 ingrédients utilisés aujourd'hui en cosmétique, avec leur fonction – exfoliation, protection, conservation… –, leur origine – synthétique, naturelle ou si les deux origines sont possibles – et les controverses éventuelles que ces ingrédients suscitent. Nous précisons dans cette base quels sont, à date, les éléments connus sur ces controverses, en particulier pour le phénoxyéthanol ou les parabènes qui reviennent souvent dans le débat public. De plus, nous avons lancé, hier, une application pour rendre l'utilisation de cette base de données plus conviviale.

Je précise que notre Règlement interdit l'utilisation d'ingrédients cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques (CMR), sauf dérogation dûment justifiée. Le principe est l'interdiction, l'exception étant possible après évaluation par le comité scientifique de la sécurité du consommateur.

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