Intervention de Marie Thibaud

Réunion du jeudi 19 novembre 2020 à 14h00
Commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale

Marie Thibaud, fondatrice du Collectif stop aux cancers de nos enfants :

À une trentaine de kilomètres de Saint-Nazaire.

C'est moi-même qui ai lancé la première alerte en avril 2017, alerte reçue par l'ARS qui a alors indiqué une possibilité d'agrégat spatio-temporel. Nous n'avions à ce moment que six cancers d'enfants dans le secteur. L'ARS a alerté Santé publique France qui a mené une étude plutôt « administrative » qui a consisté en une recherche informatique des éléments connus sur notre territoire en lien avec les facteurs de risques identifiés dans la littérature scientifique. Il s'agissait de savoir quels sont les facteurs de risque de cancer pédiatrique actuellement connus en France. Les conclusions mentionnent les hydrocarbures, les champs électromagnétiques, le radon et les pesticides. Dans ces conclusions qui m'ont été envoyées par courrier au début du mois de juillet 2018, Santé publique France indiquait que ces quatre pistes d'exposition sont considérées comme peu probables et a invité à ne pas poursuivre les investigations.

Mon petit garçon a déclaré un cancer en décembre 2015. Je n'avais jamais entendu parler de cancer pédiatrique auparavant. En 2016 et 2017, des enfants ont continué de tomber malades. En 2018, des enfants ont commencé à décéder. Au chevet de mon petit garçon, je n'avais pas alerté davantage, mais j'informais systématiquement l'ARS et Santé publique France des nouveaux enfants qui déclaraient des cancers dans le secteur. J'ai alerté à nouveau, en février 2019, de manière un peu plus ferme, en créant le Collectif Stop aux cancers de nos enfants et avec l'appui des médias. Nous en étions arrivés en mars 2019 à une douzaine d'enfants malades, dont un enfant dans la classe de mon fils.

Suite à cette alerte de février-mars 2019, le service d'oncologie pédiatrique du centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes m'indique être extrêmement surpris de voir les chambres de l'hôpital remplies par les enfants de notre secteur. L'ARS saisit alors de nouveau Santé publique France qui propose une étude épidémiologique. Deux réunions publiques ont été organisées, l'une, pour annoncer cette enquête épidémiologique, l'autre, pour la clôturer. En novembre 2019, Santé publique France annonce, lors de cette deuxième réunion, la clôture de l'enquête environnementale, sans pouvoir exclure qu'une partie des cas de cancers soit en lien avec des facteurs de risques environnementaux et que ces facteurs peuvent potentiellement interagir entre eux. Nous demandions depuis longtemps à l'ARS et à Santé publique France, dans des comités de suivi, la prise en compte de « l'effet cocktail », ce cumul de facteurs d'exposition et de la durée d'exposition.

En novembre 2019, Santé publique France valide l'existence d'un cluster sur la période 2015-2019, mais ne le valide que pour onze enfants, tandis que nous en répertorions beaucoup plus. L'enquête est close.

Le 22 septembre 2020, a lieu un dernier comité de suivi et, le 23 septembre, Santé publique France et l'ARS annoncent à la presse qu'il n'existe finalement plus de cluster dans le secteur. Ils prennent alors en compte la période 2005-2018 au lieu de 2015-2019. Nous répertorions de notre côté 24 enfants qui ont déclaré un cancer depuis 2015, alors que Santé publique France dit qu'il ne se passe rien.

En France, sont enregistrés environ 1 750 cancers par an chez les moins de 15 ans, sur environ 13 millions de jeunes, soit 0,0134 cancer pour 100 jeunes. Dans le cas par exemple de la commune de Saint-Mars-de-Coutais qui jouxte Sainte-Pazanne et où se trouvent 653 enfants de moins de 15 ans d'après le dernier chiffre que nous avons, nous attendons donc 0,079 cas par an. Or, durant ces cinq dernières années, 5 cancers pédiatriques ont été enregistrés soit 11,37 fois plus de cas de cancers. Si cette situation est tout à fait normale, comme le dit Santé publique France, nous pourrions donc avoir en France 11 fois plus de cancers soit près de 20 000 cas. Il est donc pour nous extrêmement inquiétant d'indiquer qu'il n'existe pas de cluster dans notre secteur.

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