Actuellement, nous connaissons 24 enfants qui ont déclaré un cancer depuis 2015. Ils ne sont pas tous suivis au CHU de Nantes, certains sont suivis par le CHU d'Angers. Toutefois, les services d'oncologie pédiatrique de Nantes et d'Angers collaborent étroitement. À Nantes, se trouve un service de pointe en cancérologie pédiatrique pour les hémopathies, c'est-à-dire les cancers qui concernent le sang. Angers est spécialisé dans les tumeurs cérébrales. Les enfants de notre secteur qui ont des tumeurs cérébrales sont donc suivis à Angers.
Pourquoi nos oncologues n'avaient-ils pas l'information ? Clairement parce qu'ils n'ont aucune idée de l'endroit où nous habitons. Ils ne savent pas que la commune de Saint-Mars-de-Coutais se situe à côté de Sainte-Pazanne. Ils font leur travail et soignent nos enfants, mais n'ont pas vocation à connaître nos lieux d'habitation. Ils ne savent même pas si nous venons d'ailleurs, à moins que les enfants ne soient suivis au CHU de Poitiers ou à l'hôpital de Saint-Nazaire.
La reconnaissance du cluster est, comme vous l'avez dit, une question de méthodologie. Je pense que la méthodologie de Santé publique France était valable, voici quelques décennies, si je peux me permettre de le dire ainsi, quand il était question de l'amiante, qu'une cause était directement reliée à une conséquence. Aujourd'hui, le cumul des facteurs de risque est réel. La responsable en région de Santé publique France, et notre interlocutrice directe sur le secteur, disait que, dans leur méthodologie, ils ne retrouvent pas de cause aux clusters dans 99,99 % des cas. Je parle des clusters de manière générale, qu'il s'agisse de clusters de bébés sans bras, de cancers pédiatriques. Ils ne trouvent pas les causes et c'est un problème de méthodologie, avec la recherche d'une seule et unique cause commune, uniquement à partir d'un questionnaire. Ils ne font jamais de prélèvements environnementaux, pas d'étude environnementale.
Les étapes de leur méthodologie sont d'abord l'alerte par des citoyens. Si l'ARS juge qu'il existe un risque, elle alerte Santé publique France qui mène une étude épidémiologique par un questionnaire envoyé aux familles. Ce questionnaire est le même partout et il est assez vide. Nous l'avons mis sur notre site Internet. Nous avions travaillé avec des familles du secteur pour ajouter un certain nombre de questions, puisque nous connaissons notre secteur. Nous avions rajouté des questions plus pertinentes, plus précises, sur ce qui pouvait être facteur de risque. Cela a été refusé catégoriquement par Santé publique France, parce qu'il est impossible de déroger à leur méthodologie.
Nous avions par exemple demandé à ce que des questions autour des pesticides soient incluses dans ce questionnaire, avec l'idée de prendre en compte « l'effet cocktail ». Santé publique France a refusé. La raison qui nous a été donnée était que ces substances sont trop ubiquitaires. Nous avons envoyé des questions à propos des perturbateurs endocriniens et des pratiques très précises de familles et de parents du secteur. Nous souhaitions que ces questions figurent dans le questionnaire. Santé publique France a refusé parce qu'il n'existe pas assez de littérature scientifique sur ce sujet. Nous nous retrouvons avec des questions pas du tout pertinentes. Les professionnels de Santé publique France eux-mêmes, lorsqu'ils se déplaçaient au domicile des familles, renvoyaient savoir pertinemment que ce questionnaire ne sert à rien.
C'est du temps perdu pour les familles qui accompagnent leur enfant, parfois jusqu'à la mort, de l'argent public dépensé pour rien. De plus, les questionnaires ont été remplis sous forme papier alors que les familles auraient pu les remplir informatiquement. Il a fallu à Santé publique France quatre mois simplement pour enregistrer les données papier. Je pense que la méthodologie peut vraiment être améliorée !
En attendant, les enfants continuent à tomber malades et à mourir. Si tout cela avait pu être pris en compte dès la première alerte, en 2016 ou 2017, nous n'en serions peut-être pas à 24 cancers d'enfants en 2020. Peut-être les recherches auraient-elles pu aboutir plus tôt.