Intervention de Roger Genet

Réunion du mardi 24 novembre 2020 à 16h00
Commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale

Roger Genet, directeur général de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) :

Il ne faut pas confondre les comités d'experts et les conventions de recherche avec les laboratoires.

Les experts que nous choisissons dans les comités d'experts le sont sur appel à candidatures. Nous ne recherchons pas nous-mêmes les experts – ou très rarement. Lorsque nous créons un groupe de travail ou un comité d'experts, nous listons les disciplines nécessaires pour répondre aux questions posées. Nous publions ensuite un appel à candidatures et nous examinons celles que nous recevons.

Effectivement, nous cherchons à obtenir un équilibre entre toutes les disciplines nécessaires pour étudier la question (sciences expérimentales comme sciences humaines et sociales). Nous essayons systématiquement d'obtenir des éclairages issus des sciences humaines et sociales dans nos comités d'experts. Tout le champ – décrit dans l'appel à candidatures – est couvert. Si nous constituions un groupe de travail sur l'impact sanitaire des sels nitrés dans l'alimentation, nous listerions toutes les disciplines nécessaires pour construire cette expertise. Les experts répondent en connaissance de cause. Nous analysons ensuite les compétences et liens d'intérêts des experts qui se proposent.

Nous portons un regard particulier sur la parité, mais il n'est pas toujours facile de l'assurer. Nous en sommes loin dans nos comités. Parfois, nous recevons quarante-cinq candidatures pour un comité d'experts en comprenant quinze. Nous regardons systématiquement la parité, mais en fonction des candidats qui se manifestent. C'est aussi pour cette raison que nous avons de nombreuses relations avec les organismes de recherche, pour encourager la participation des chercheurs à l'expertise – avec toutes les réserves que certains ont évoquées devant vous.

Nous cherchons à constituer un groupe d'expérience couvrant l'ensemble des sujets et des compétences. Nous cherchons à mélanger des gens ayant déjà participé à des expertises à d'autres n'en ayant encore jamais mené. Il ne serait pas possible qu'un comité soit uniquement formé de personnes sans expérience en matière d'expertise. Nous évitons aussi d'avoir des clients présents depuis très longtemps, comme présidents de groupe ou comme experts. Certains ont accompagné l'Agence pendant plus de vingt ans et se sont éloignés de la production scientifique. Nous avons d'excellents experts, émérites, qui sont partis à la retraite et de leurs laboratoires depuis longtemps. Cependant, il est indéniable que ne pas être productif éloigne du champ de production de connaissances. L'on perd ainsi, progressivement, une prise sur la connaissance des domaines scientifiques. L'expertise et l'expérience de nos experts anciens sont très précieuses, mais il faut un équilibre et un mélange.

Par ailleurs, les experts sont choisis intuitu personae. Ils ne représentent qu'eux et en aucun cas leur employeur. C'est parfaitement clair, puisqu'ils sont recrutés et payés (par vacations) par l'Anses.

Les laboratoires auxquels nous faisons appel sont parfois les laboratoires de nos experts. Lors de la construction de l'expertise et de la formulation des questions, les meilleurs scientifiques dans le domaine considéré sont experts chez nous. Nous sommes confrontés relativement souvent à la difficulté suivante : nos experts sont rattachés à des laboratoires qui sont quasi exclusivement les seuls à pouvoir produire et répondre à des propositions pour des études complémentaires, nécessaires à notre expertise. Notre comité de déontologie nous a recommandé d'éviter cette situation, qui peut s'avérer problématique. Nous y sommes vigilants, mais nous ne pouvons pas toujours l'éviter. Pour près de la moitié des conventions de recherche et de développement que nous concluons, nous avons le choix entre ne rien faire et financer les seuls laboratoires capables de produire les données alors que nos experts y participent. Un exemple : une chercheuse de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), très réputée, est responsable des registres des cancers infantiles et experte dans nos comités. Or lorsque nous avons besoin de données issues de ces registres, cela ne peut passer que par son laboratoire. Que fait-on ? Nous sommes confrontés assez souvent à cette question. Nous finançons donc parfois des laboratoires auxquels nos experts sont rattachés. Nous sommes conscients que cela peut poser problème, mais nous appliquons un principe de réalité. Parfois, nous n'avons pas d'autre choix que celui-ci.

Concernant les bonnes pratiques de laboratoire (BPL) : le cahier des charges « glyphosate » mentionnait que les études devaient être menées dans un tel cadre – qui est une accréditation donnée par des organismes certificateurs. Nous avions posé cette exigence, car le gouvernement demandait la production d'études utilisables dans l'évaluation européenne de la substance active glyphosate en 2021. Or les données produites par les industriels le sont dans des laboratoires certifiés BPL. Pour que la valeur probante des données publiques soit aussi importante que celle des données industrielles, il était indispensable qu'elles soient produites avec des procédures certifiées BPL en matière de qualité en recherche. C'est pour cette raison que nous avons exigé ces données. Bien entendu, tous les laboratoires académiques peuvent produire des données. Le problème – souvent abordé – est celui du poids probant des études académiques, plus faible. Il est aussi dû au fait que les études académiques ne sont pas menées dans un cadre certifié, ce qui peut les fragiliser par rapport à des données produites dans un cadre de qualité par les industriels. Nous devions nous assurer que les études que nous financerions seraient prises en compte. Nous avions donc demandé que les données de génotoxicité – et uniquement celles-ci – soient réalisées dans un cadre BPL. Les autres tests devaient suivre les lignes directrices de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). C'était quasiment un cas unique.

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