Intervention de le Dr Catherine Grenier

Réunion du mercredi 25 novembre 2020 à 17h45
Commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale

le Dr Catherine Grenier, directrice de l'amélioration de la qualité et de la sécurité des soins de la Haute autorité de santé :

Nous sommes effectivement partenaires d'actions pilotées par la DGS dans le cadre du PNSE3. L'action n° 15 porte sur l'analyse du rôle des facteurs environnementaux dans le développement des maladies métaboliques et leur contribution aux gradients sociaux et territoriaux. Une autre action concerne le défi, dans le domaine de la nutrition, de messages de santé publique tenant compte de l'ensemble des facteurs de risques environnementaux pour contribuer à la cohérence des recommandations de santé publique. Nous avons été missionnés sur ces travaux par la DGS au titre de l'élaboration de recommandations de bonnes pratiques. Nous avons produit un certain nombre de documents qui sont à la disposition des professionnels et qui peuvent être déclinés au travers de communications vers le grand public. En 2011, nous avons émis une recommandation sur le surpoids et l'obésité de l'adulte pour travailler au dépistage et à la prise en charge médicale de premier recours, en soin primaire. La même année, un travail a été réalisé sur le surpoids et l'obésité de l'enfant. L'un des facteurs identifiés dans ce champ de l'obésité, et sur lequel les professionnels peuvent « faire levier », est celui de la prescription médicale d'activités physiques. En 2018, nous avons réalisé un référentiel sur le sujet pour les personnes en surpoids ou obèses. Nous avons des travaux en cours en ce qui concerne des patients atteints de diabète de type 2 obèses ou en surpoids, avec des problématiques différentes selon qu'il s'agit d'enfants ou d'adultes ainsi qu'en ce qui concerne la prise en charge des dystyroïdiques et les implications associées.

En matière de santé environnementale, nous avons travaillé sur l'allaitement maternel avec la mise en œuvre et la poursuite dans les six premiers mois de l'enfant, sur le projet de grossesse (avec les informations, les messages de prévention et les examens proposés à toute femme enceinte), sur le dépistage, la prise en charge ou encore le suivi des personnes potentiellement surexposées à l'arsenic inorganique du fait de leur lieu de résidence. Nous travaillons ces sujets en articulation avec l'Anses. Un travail est en cours concernant les sols pollués par l'arsenic de façon à réaliser une information à destination des habitants. Un autre sujet identifié concerne le diagnostic et la prise en charge des enfants ayant ingéré une pile bouton ou une pile plate. De manière plus spécifique, nous travaillons aussi systématiquement sur les examens d'imagerie pour évaluer le bénéfice/risque et donc la pertinence de l'exposition à la radiation pour les patients.

En dehors de ces éléments que nous produisons en propre, nous participons également à des plans intégrant une dimension de santé environnementale :

– le programme national pour la santé des patients (PNSP), qui aborde tous les déterminants environnementaux ou comportementaux de la santé et qui parcourt les différents âges de la vie avec leurs spécificités ;

– le programme national nutrition santé (PNNS), en particulier tout ce qui a trait à la chirurgie de l'obésité, en prenant en compte ses risques et surtout la nécessité de suivi de ces patients ;

– le plan de lutte contre l'antibiorésistance avec notamment une action en cours sur la réduction des durées d'antibiothérapies.

La problématique des déterminants environnementaux des maladies chroniques ne nous semble pas suffisamment creusée, mais un certain nombre de plans cherchent à mieux la prendre en compte. L'ensemble doit s'articuler avec une analyse des données scientifiques qui est complexe et qui nécessite un travail de longue haleine de la part des agences qui en sont responsables. À cet égard, nous ne nous occupons pas directement de la dimension scientifique du risque environnemental. Les recommandations et les informations diffusées par la HAS intègrent les facteurs environnementaux quand ils sont identifiés et avec un niveau de preuve ou de consensus scientifique suffisants, conformément au principe scientifique d' evidence based medicine. Nous ne portons un argumentaire auprès des professionnels qu'à partir du moment où nous disposons de suffisamment d'éléments scientifiques. Je pourrais notamment donner sur ce sujet l'exemple de l'asthme avec la pollution de l'air.

Les facteurs environnementaux associés à l'obésité ont été travaillés par la HAS dans nos recommandations pour les adultes et les enfants. Nous avons, bien sûr, identifié les facteurs génétiques et épigénétiques, l'obésité parentale, ainsi qu'un certain nombre de facteurs périnataux comme l'obésité, le diabète ou le tabagisme maternels. D'autres éléments ont pu être identifiés comme l'excès ou le défaut de croissance fœtale, le gain pondéral postnatal ou les modalités d'alimentation au stade précoce. Parmi les facteurs environnementaux favorisants figurent le statut socioéconomique des parents, la qualité de l'alimentation, la sédentarité, l'environnement géographique, le lieu de vie ou encore la durée de sommeil. Interviennent également les facteurs psychologiques et psychopathologiques avec les questions de dépression, les carences, les négligences et les abus, l'hyperphagie boulimique et toutes les stratégies inappropriées de contrôle du poids (y compris celles qui peuvent être médiatisées). Ces facteurs sont tous cités dans nos recommandations de bonnes pratiques et ils sont intégrés comme une dimension de la prise en charge des personnes. Nous avons développé un guide pour la prescription d'activités physiques et sportives, partant du principe qu'il était assez simple de « faire levier » sur ce sujet.

L'avis de la HAS est sollicité dans le processus de classement des maladies de longue durée. L'intégration de l'obésité parmi ces dernières constitue un sujet que nous pourrions étudier, sur saisine du ministère. En première analyse, je pense que nous devons être prudents sur la reconnaissance en ALD d'un facteur de risque. Un patient obèse sera déjà en ALD dès qu'il contractera une pathologie qui nécessite sa prise en charge. Or, si les pathologies secondaires à l'obésité bénéficient d'une prise en charge protocolisée et organisée, la prise en charge médicale de l'obésité apparaît clairement insuffisamment structurée en dehors du secteur hospitalier. L'essor de la prise en charge chirurgicale qu'a connu ce dernier est à double tranchant, avec des points positifs mais aussi certainement des risques complémentaires.

La feuille de route « Prise en charge de l'obésité 2019-2022 » met l'accent sur des parcours de santé pour les personnes en situation d'obésité ou à risque de le devenir ainsi que sur l'importance de la fonction de coordination et de suivi. Il est fondamental d'avoir à l'esprit que ce n'est pas une action ponctuelle qui va régler le problème de l'obésité d'une personne et que nous avons besoin de définir un parcours des personnes déjà obèses, mais aussi de celles en risque de le devenir, ce parcours devant intégrer les facteurs de risques qu'ils soient environnementaux ou autres. Nous travaillons avec la CNAM puisque nous avons été chargés par le ministère de définir un parcours pour ces patients déjà obèses ou à risque. Il s'agit de préciser la nature de la prise en charge souhaitable et qui implique, bien évidemment, des actions de prévention, y compris environnementales. Le principe est également d'élaborer des messages pertinents qui ont vocation à être portés très activement auprès des professionnels de santé, tout en développant des indicateurs de qualité du parcours pour établir un état des lieux et observer l'impact de ces actions.

Par conséquent, l'ALD est effectivement à étudier. Nous n'avons pas d' a priori à cet égard. Si nous sommes saisis, nous pourrons y travailler en vue de mener une analyse scientifique.

Nous manquons d'expertise en ce qui concerne l'étiquetage des produits. Nous ne l'avons jamais travaillé sur le plan scientifique et il nous semble indispensable qu'il soit expertisé, analysé et que nous disposions d'une définition scientifique de ce qu'est un perturbateur endocrinien obésogène, de façon à pouvoir le reconnaître. Une fois cette définition posée et partir du moment où ces éléments sont identifiés dans des aliments proposés à la population, nous ne pourrons qu'être favorables à l'indication de ce risque, parmi les autres, en lien avec la nutrition de la population.

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