Mesdames, messieurs les députés, vous le savez, puisque nous y avons travaillé côte à côte, je suis très attachée à la santé environnementale, depuis le début de ma carrière politique. Nos concitoyens ne choisissent pas de respirer un air pollué ni d'être chroniquement exposés à des produits nocifs pour eux-mêmes ou pour la biodiversité. La situation actuelle résulte de multiples choix industriels, technologiques et surtout politiques. C'est pourquoi j'ai la conviction qu'il appartient à celles et à ceux qui sont aux responsabilités d'appréhender à sa juste hauteur l'urgence des enjeux en matière sanitaire, écologique et sociale, et d'agir au nom et pour le compte de nos concitoyens qui ne veulent plus s'interroger sur leur santé en ouvrant la fenêtre ou le réfrigérateur. Bref, il nous revient de remplir notre première fonction et d'assumer notre première responsabilité devant la nation : protéger, dans une approche intégrée, une seule santé.
Vous avez auditionné mon collègue Olivier Véran, qui est un ministre de la santé qui parle d'écologie ; cet après-midi, je serai une ministre de l'écologie qui parle de santé. Trois priorités structurent mon action et celle de mon ministère.
La première est de gagner la bataille de l'air. La situation actuelle est intolérable, avec 48 000 décès prématurés chaque année dans notre pays, et 18 % des décès dus au Covid-19 potentiellement liés à la pollution de l'air. Personne ne peut ni ne doit s'y résoudre. « Il vient une heure où protester ne suffit plus : après la philosophie, il faut l'action », a écrit Victor Hugo.
Agir, c'est d'abord et avant tout, purifier notre air des oxydes d'azote et des particules fines qui empoisonnent la vie de nos concitoyens. La première source d'émission provient des transports, aussi ai-je signé, le 16 septembre dernier, un décret visant à rendre opérationnelles les zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m) dans sept nouvelles métropoles françaises. Avec ce dispositif étendu, neuf millions de personnes verront leur air s'améliorer dès 2022. C'est bien mais pas encore assez, puisque trente-cinq agglomérations dépassent les recommandations de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) en la matière.
La santé environnementale passe d'abord par la prévention et par la réduction aux expositions. Devant un enjeu sanitaire et social de cette taille, je refuse de me contenter du simple respect des normes européennes. Le Gouvernement va donc inscrire dans le projet de loi issue de la Convention citoyenne pour le climat la mise en place obligatoire de ZFE dans toutes les agglomérations métropolitaines de plus de 150 000 habitants d'ici au 31 décembre 2024. J'aimerais aller plus vite, mais des changements aussi profonds, qui auront des conséquences durables sur ces territoires et sur leurs habitants, ne se font pas d'un claquement de doigts ; il faut du temps pour s'y préparer, s'organiser et accompagner. Chaque collectivité doit pouvoir adapter ces ZFE à son contexte local.
Agir pour redonner à chacune et à chacun un air de qualité, c'est aussi mieux prendre en compte les émissions du chauffage au bois. Ce n'est pas une lubie d'écolo : en Île-de-France, où vivent 12 millions de nos concitoyens, les cheminées individuelles représentent entre un quart et la moitié des particules fines. Je sais que le sujet fait polémique, mais on ne gagnera pas la bataille de l'air en détournant le regard : en responsabilité, si ce mode de chauffage est interdit à Londres, à Montréal, à Los Angeles, à San Francisco, on doit pouvoir travailler à la bonne solution de compromis pour la France.
Protéger la santé de nos concitoyens est une bataille qui se livre dans nos politiques publiques et dans leur vie de tous les jours. Ne nous y trompons pas, nous parlons bien aujourd'hui de la santé de femmes et d'hommes – des pères, des mères, des enfants – et de maladies qu'ils peuvent développer. On sait que les produits phytopharmaceutiques sont au cœur de ce combat ; c'est donc ma deuxième priorité.
Protéger les Français, c'est d'abord agir au niveau européen en vue d'interdire les produits les plus nocifs et d'éviter la prolongation des autorisations. Nous le faisons tous les jours. Pour prendre un exemple récent, la France s'est mobilisée contre le mancozèbe, troisième pesticide le plus utilisé en Europe : certains voulaient que l'on puisse continuer à l'utiliser ; il sera enfin hors circuit d'ici à deux mois. C'est une victoire pour la santé des consommateurs, des agriculteurs et des écosystèmes, ainsi que pour le changement de modèle agricole dont nous avons besoin.
Cette bataille, nous la livrons à Bruxelles mais aussi à Paris, car protéger les Français passe aussi par la réduction des expositions dans la vie quotidienne. Depuis le 1er juillet dernier, l'épandage autour des habitations est strictement interdit : ces zones tampons constituent autant de ceintures de sécurité visant à garantir à chacune et à chacun que leur jardin n'est pas traité comme un champ. Pour aller encore plus loin, dès le 1er juillet 2022, l'utilisation de pesticides sera totalement interdite dans les campings, les terrains de sport et les espaces verts des copropriétés. Demain, la santé des Françaises et des Français y sera enfin protégée.
Dans ce domaine également, nous agissons en responsabilité, avec la science, les collectivités et les agriculteurs, qui peuvent compter sur le soutien de l'État pour se tourner vers d'autres usages plus respectueux de la terre et des humains. C'est en suivant ce principe que nous sommes parvenus à interdire en France le glyphosate dès qu'une alternative existe ; nous allons promouvoir ce résultat au niveau européen – ce n'est qu'un début.
Dans l'air comme dans la terre, j'ai à cœur d'assurer la santé de notre environnement et des écosystèmes si fragiles qui nous font vivre. Dans ce combat, nous disposons du quatrième plan national santé environnement (PNSE 4). Le déployer et le faire vivre sur le terrain constitue ma troisième priorité.
Ce PNSE nous permettra de donner toute l'information disponible aux citoyens, qui attendent la transparence la plus totale et veulent être acteurs de leur propre prévention, ce qui est totalement légitime. Tout sera rendu accessible, en particulier grâce à une application dédiée qui permettra notamment de savoir si l'on traverse un pic de pollution ou de pollens ainsi qu'à un étiquetage simple et lisible informant sur la toxicité des produits ménagers, le Toxi-score.
Avec ce plan, nous faisons aussi le pari des territoires, car la santé environnementale se construit d'abord là où vivent les Français. Avec les élus de terrain, les collectivités, nous allons travailler encore plus pour protéger l'incroyable biodiversité et la santé humaine.
Nous faisons également le choix de l'avenir, de la science, de la compréhension des processus et des risques ; le choix de nous améliorer, de ne pas répéter les erreurs du passé et de savoir prendre à temps les réglementations qui s'imposent. Nos concitoyens attendent des décisions sur le bruit, sur les nanomatériaux ou les perturbateurs endocriniens : nous les prendrons.
En conclusion, la santé environnementale, je m'en réjouis, n'est plus l'apanage des écologistes ; elle est une exigence qui transcende les générations, les milieux sociaux et les territoires. En somme, un autre rapport au monde se construit, marqué par le souci constant d'une nature dont dépend notre alimentation, notre santé et notre société ainsi que par la reconnaissance des multiples liens invisibles qui nous unissent à celle-ci et que nous devons préserver. Les travaux de votre commission d'enquête vont y contribuer. Ensemble, animés par un même esprit, nous gagnerons ce combat qui est désormais également relayé par les scientifiques. À cet égard, j'appelle votre attention sur le dernier rapport de la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), qui souligne le lien entre perte de biodiversité et apparition de zoonoses et de pandémies. J'attends donc avec impatience vos propositions.