Intervention de Barbara Pompili

Réunion du mercredi 2 décembre 2020 à 16h30
Commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale

Barbara Pompili, ministre :

Votre intervention me donne l'occasion de saluer l'excellent travail mené par Claire Pitollat et Laurianne Rossi dans leur mission d'information sur les perturbateurs endocriniens, dont nous essayons de reprendre les propositions. Ces substances se trouvent, comme vous l'avez souligné, dans un grand nombre de produits de consommation courante – les détergents, les matières plastiques, les cosmétiques, les textiles, les peintures, les jouets, les pesticides et l'alimentation – et sont présentes dans différents milieux : l'air, l'eau et les sols. L'enjeu sanitaire et environnemental est donc absolument majeur, comme la mission d'information l'a relevé.

Nous avons avancé dans l'application de la deuxième stratégie sur les perturbateurs endocriniens, qui a été publiée au mois de septembre de l'année dernière.

S'agissant de l'Union européenne, la Commission a récemment publié une nouvelle stratégie sur les produits chimiques, comportant plusieurs mesures qui étaient défendues de longue date par la France et qui faisaient partie des recommandations du rapport que je viens de citer, notamment une définition harmonisée des perturbateurs endocriniens – ce qui est quand même la base – et une interdiction transversale dans les produits de consommation courante, sauf rares dérogations pour des usages dits essentiels.

Pour ce qui est des produits cosmétiques, nous souhaitons un renforcement des interfaces entre les expertises portant sur les impacts environnementaux, d'une part, et sur la santé humaine, d'autre part. Il arrive parfois que des substances soient autorisées car ne présentant pas de risque avéré pour la santé humaine, alors que des experts de l'environnement ont des données montrant des effets négatifs sur la biodiversité. Il faut croiser les éléments et éviter de laisser circuler de tels produits.

Au niveau national, nous nous sommes engagés dans la rédaction des textes d'application de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, qui demande notamment de signaler la présence de perturbateurs endocriniens dans les produits. Cette mesure permettra aux consommateurs de faire des choix éclairés et devrait inciter à procéder à des substitutions.

Nous prévoyons, par ailleurs, dans le PNSE 4, la mise en place d'un « Yuka » des jouets, qui devrait être très apprécié par nos concitoyens. Ce serait une première application très importante, les jouets étant des objets manipulés par les enfants au quotidien et portés à la bouche.

La France accomplit, de plus, un travail d'envergure pour identifier les perturbateurs endocriniens. Les travaux de l'Anses ont déjà contribué à l'identification du bisphénol A comme perturbateur endocrinien pour l'homme et, plus récemment, du TNPP, qui contient du nonylphénol. Ce sont des noms barbares mais nous allons finir par tous les connaître. Ce sujet est d'une grande complexité, car beaucoup d'inconnues subsistent. C'est pourquoi le ministère de la transition écologique a octroyé à l'Anses, cette année encore, une enveloppe spécifique de 2 millions d'euros pour lancer des appels à projets de recherche.

La 5G a beaucoup fait parler, en effet, et c'est un arbre qui ne doit pas cacher la forêt des ondes, au milieu desquelles nous vivons déjà. Nous sommes vigilants s'agissant de la 5G : nous avons demandé aux missions d'inspection un état des lieux sur l'impact sanitaire, car il faut anticiper. La première conclusion est que, au regard des connaissances disponibles – il faut prendre cette précaution de langage –, il n'y a pas d'impact avéré, dans le respect des limites d'exposition, en particulier dans la bande de 3,5 gigahertz, qui est connue et est déjà utilisée. En application du principe de précaution, nous allons renforcer les moyens de recherche en ce qui concerne la bande de 26 gigahertz, sur laquelle il existe moins d'éléments. Nous allons également renforcer le contrôle des expositions dans le déploiement des premières antennes 5G, pour vérifier le respect des valeurs limites : l'Agence nationale des fréquences (ANFR) doit réaliser 300 mesures cette année et 4 800 l'année prochaine.

Les ondes peuvent avoir un effet sur la santé mais aussi sur l'environnement. Il est reconnu que les antennes 5G sont plus efficaces sur le plan énergétique : par rapport au réseau 4G, elles devraient diviser par dix la consommation d'énergie à débit constant. Néanmoins, il risque d'y avoir un effet rebond, car le déploiement de la 5G accéléra probablement le développement de nouveaux usages, comme l'internet des objets et le streaming en 4K ou 8K, ce qui entraînera une augmentation du trafic de données – il sera certainement multiplié par cinq en cinq ans, si la trajectoire actuelle se poursuit – et donc de la consommation d'énergie. Ce sera plus efficace mais l'utilisation sera plus importante, ce qui fait que la consommation d'énergie pourrait augmenter.

Je crois que la meilleure manière de traiter ce sujet est d'essayer de limiter la consommation de l'internet et du numérique en général, en respectant un principe de sobriété. Il serait absurde de s'engager dans un processus de sobriété, d'efficacité énergétique, de réduction du gaspillage partout, sauf dans ce domaine. On demande aux gens d'arrêter leur robinet quand ils se lavent les dents, mais, pour l'utilisation des ondes, ce serait open bar. Il faut être raisonnable. On est en train de travailler sur des mesures qui doivent faire l'objet d'une discussion – on ne va pas décider d'en haut – et qui relèvent du bon sens, comme la limitation du niveau de qualité pour le visionnage des vidéos en streaming. Je ne vois pas l'intérêt de regarder une vidéo sur un téléphone portable en 4K, par exemple. On pourrait aussi demander aux opérateurs d'utiliser le mode veille sur les antennes 5G – ce que l'on ne peut pas faire sur les antennes 4G – lorsqu'on utilise moins de numérique, par exemple la nuit ou à d'autres moments bien identifiés. On pourrait également interdire le lancement automatique des vidéos sur les réseaux sociaux et sensibiliser les citoyens à des comportements plus vertueux.

L'impact environnemental du numérique est lié en premier lieu aux terminaux, les téléphones et les ordinateurs. On pourrait encourager tout le monde à ne changer de téléphone que lorsque celui-ci ne fonctionne plus, ce qui serait déjà un progrès, et à utiliser des téléphones reconditionnés. La 5G est surtout utile pour des utilisations industrielles et médicales, et l'on peut très bien vivre avec les téléphones portables actuels, sans être obligé de les remplacer tout de suite par des téléphones 5G qui ne correspondent qu'à peu d'utilisations.

Il existe également un volet territorial mais il concerne moins votre commission d'enquête que d'autres instances. Je ne m'appesantirai donc pas sur ce point.

Nous sommes aussi exposés à bien d'autres ondes. Nous devons travailler ensemble pour réduire cette exposition, et cela passe d'abord par notre manière de consommer.

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