Madame la présidente, mes chers collègues, je vous remercie pour votre accueil.
Les collectivités territoriales traversent actuellement une période délicate. Je ne citerai pour l'illustrer que la participation à l'effort de redressement des finances publiques qui leur est demandée, ou la baisse des contrats aidés. À moins de réduire les services rendus à leurs administrés, les collectivités territoriales devront remplacer les titulaires des contrats aidés par des fonctionnaires ou des contractuels, mais ces recrutements coûteux ne contribueront pas à améliorer leur situation financière.
Si les collectivités territoriales doivent mettre fin à une partie des contrats aidés tout en tenant la trajectoire financière qui leur est assignée par le Gouvernement, il convient de leur fournir les outils juridiques et administratifs nécessaires pour que ces deux objectifs soient atteints sans que la qualité des services rendus aux administrés en pâtisse.
C'est tout l'intérêt de la proposition de loi visant à créer un chèque-emploi collectivités territoriales, que j'ai déposée, le 24 octobre dernier, avec des députés venant de tous les horizons politiques.
Ce texte doit simplifier le processus administratif d'embauche et d'emploi d'agents par les collectivités territoriales – en particulier les plus petites d'entre elles – en leur permettant d'avoir recours au mécanisme du chèque-emploi, sur le modèle des possibilités offertes aux petites entreprises, aux associations et aux fondations.
Le mécanisme du chèque-emploi est en effet bien connu. Après le succès fulgurant qu'a connu le chèque emploi-service lors de sa création en 1994, le législateur a étendu et pérennisé ce dispositif en instituant, en 2005, le chèque emploi-service universel (CESU) qui permet notamment aux particuliers qui emploient des salariés dans le champ des services à la personne de remplir de manière simplifiée leurs obligations d'employeur – déclaration auprès de l'URSSAF, paiement des cotisations sociales, établissement des bulletins de salaire, etc. Le succès du CESU est tel que le nombre de ses utilisateurs est passé de 1,57 million en 2006 à 1,92 million en 2016, et a même dépassé les 2 millions en 2010.
S'inspirant de ce dispositif, le législateur a créé, en 2003, le chèque-emploi associatif (CEA), progressivement étendu aux associations de financement électoral ainsi qu'aux fondations ou aux associations à but non lucratif employant moins de vingt salariés. Il permet aux adhérents au dispositif d'accomplir grâce à un document unique l'ensemble des formalités administratives liées à l'embauche : déclaration préalable à l'embauche, établissement d'un contrat de travail, inscription sur le registre unique du personnel. Il permet également de transmettre une seule déclaration au Centre national du chèque-emploi associatif (CNCEA) pour l'ensemble des organismes de protection sociale obligatoire : sécurité sociale, assurance chômage, institutions de retraite complémentaire et de prévoyance. Il donne enfin la possibilité d'effectuer un règlement unique par prélèvement automatique de l'URSSAF pour l'ensemble des cotisations auprès des différents organismes de protection sociale obligatoire.
Une nouvelle fois, le succès a été au rendez-vous : on dénombrait en 2016 près de 45 000 utilisateurs du CEA. Cette même année, le Centre national chargé de la gestion du dispositif a émis près d'un million de bulletins de salaire pour le compte des associations adhérentes et répondu à quelque 126 000 sollicitations d'associations demandant des conseils juridiques, notamment en droit du travail.
Le succès du titre emploi-service entreprise a été tout aussi grand : le TESE permet aux entreprises de moins de vingt salariés d'accomplir au moyen d'un seul formulaire l'ensemble des formalités liées à l'embauche, de fournir, en une seule déclaration en ligne, l'ensemble des données requises aux organismes de protection sociale obligatoire, et d'acquitter en un seul règlement l'ensemble des cotisations et contributions dues à ces organismes. Selon l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), on compte aujourd'hui environ 70 000 utilisateurs réguliers du TESE.
Ces évolutions m'ont amené à vous présenter cette proposition de loi, car l'extension aux petites collectivités territoriales des dispositifs simplifiés de déclaration et de recouvrement des cotisations et contributions sociales, dispositifs que le législateur a ouverts depuis bien longtemps aux particuliers ainsi qu'aux petites entreprises, associations et fondations, ne serait que justice. Ce serait aussi une mesure de bon sens, car les petites collectivités sont confrontées aux mêmes problèmes que ces dernières structures.
L'extension du mécanisme du chèque-emploi aux petites collectivités territoriales présenterait un triple avantage.
Elle réduirait les coûts que représentent pour ces collectivités l'acquisition et la mise à jour des logiciels de paie, ainsi que les tâches de gestion administrative de la paie qui pourraient être déléguées à un organisme disposant des personnels compétents pour les effectuer.
Elle simplifierait les démarches administratives liées notamment à des recrutements très ponctuels – parfois pour quelques heures de travail seulement.
Elle offrirait surtout plus de souplesse et de flexibilité aux collectivités territoriales dans le cadre de leurs recrutements en leur permettant, par exemple, de ne rémunérer un salarié que pour quelques heures si elles ont besoin de ses services seulement pour cette durée, sans leur imposer de recruter ce salarié pour vingt-cinq heures hebdomadaires pendant toute une année.
Les personnes que j'ai pu entendre lors des auditions que j'ai menées la semaine passée – je poursuivrai ce travail d'ici à l'examen du texte en séance publique – ont convenu de l'intérêt du dispositif. Les représentants de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) ont ainsi souligné que le déploiement du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu à compter de 2019, et celui de la déclaration sociale nominative (DSN) pour les fonctionnaires territoriaux d'ici à 2020 imposeront, de toute façon, aux collectivités territoriales une évolution des mécanismes de traitement de l'embauche et de l'emploi de leurs salariés dans les années qui viennent.
Les représentants de la direction de la sécurité sociale (DSS) ont indiqué que, dans le cadre de leurs travaux sur le déploiement de la DSN, ils avaient identifié la nécessité d'accompagner les petites collectivités territoriales pour lesquelles le passage à la DSN pourrait être difficile à opérer.
J'ai eu des échanges très constructifs, tant avec l'ACOSS qu'avec la DSS, qui m'ont permis de concevoir des évolutions du dispositif initial de la proposition de loi afin d'en optimiser la faisabilité opérationnelle et technique. Je vous soumettrai donc plusieurs amendements.
Il est ainsi apparu pertinent de recentrer le dispositif du chèque-emploi collectivités territoriales sur les collectivités qui sont susceptibles d'en avoir le plus besoin, à savoir celles qui sont dépourvues de services de ressources humaines et de paie. Je vous proposerai donc de réserver l'utilisation du chèque-emploi collectivités territoriales aux seules collectivités qui emploient moins de vingt agents, par cohérence avec le seuil prévu pour les associations dans le cadre du CEA, et pour les petites entreprises dans le cadre du TESE.
Par ailleurs, afin d'articuler au mieux la mise en oeuvre du chèque-emploi collectivités territoriales avec le déploiement de la DSN au sein de ces collectivités, il est apparu nécessaire de ne pas exclure les fonctionnaires territoriaux et les agents contractuels de droit public du dispositif. En effet, des difficultés techniques pourraient résulter de la mise en place d'une gestion différenciée des agents occasionnels et des agents permanents. Les échanges que j'ai pu avoir avec les représentants du Centre national du chèque-emploi associatif ont fait ressortir que la condition du succès du chèque-emploi collectivités territoriales serait l'intégration de l'ensemble des personnes employées par ces collectivités dans un dispositif unique de gestion de la paie.
Afin de laisser aux acteurs les deux à trois années requises pour mettre au point les partenariats et les solutions logicielles nécessaires, on pourrait imaginer un dispositif juridique et administratif en deux temps.
Dans un premier temps, l'utilisation du chèque-emploi collectivités territoriales serait ouverte aux collectivités pour l'embauche et l'emploi de leurs agents contractuels de droit privé, sans distinction selon le caractère occasionnel ou non de leur contrat. Cette simplification pourrait s'effectuer, parallèlement au chantier de la DSN, au cours de l'année 2019.
Dans un second temps, une fois le déploiement de la DSN achevé au cours de l'année 2020, l'organisme chargé de la gestion du chèque-emploi collectivités territoriales prendrait en charge les formalités et déclarations liées à l'embauche et à l'emploi de l'ensemble des effectifs des collectivités territoriales susceptibles de recourir à ce dispositif.
La création de cet organisme serait très peu coûteuse. On pourrait à cet égard s'inspirer du Centre national du chèque-emploi associatif qui emploie environ trente équivalents temps plein (ETP) et qui a mis au point « en interne », c'est-à-dire à moindres frais, un logiciel de gestion du dispositif du CEA.
Si trente ETP sont mobilisés au Centre national du chèque-emploi associatif pour accompagner 45 000 associations adhérentes, on peut raisonnablement estimer que le nombre d'ETP nécessaires pour accompagner les quelque 38 000 collectivités employant moins de vingt agents serait légèrement inférieur. Si les besoins ne portaient que sur une dizaine d'ETP, il pourrait même être possible, m'a-t-on indiqué, de créer le Centre national du chèque-emploi collectivités territoriales à effectifs constants, par redéploiement de personnels et optimisation des processus de dématérialisation.
Mes chers collègues, les amendements que je vous présenterai apportant des réponses aux objections d'ordre technique ou financier que pouvait susciter le dispositif initial, je forme le voeu que vous les adoptiez, comme l'ensemble de la proposition de loi. De mon point de vue, partagé par de nombreux maires de petites communes, le chèque-emploi collectivités territoriales peut être un outil relativement simple et peu coûteux à mettre en oeuvre en complément de la DSN, dont les petites collectivités territoriales pourraient tirer au quotidien des gains immenses en termes de simplification, de souplesse et d'économies, ce qui ne doit pas être négligé dans le contexte que nous connaissons.