Intervention de Jean-Yves Grandidier

Réunion du mardi 7 mai 2019 à 18h30
Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Jean-Yves Grandidier, fondateur et président du groupe Valorem :

Je vous remercie de nous avoir invités à présenter le bureau d'études Valorem et notre vision de la transition écologique et énergétique.

J'ai fondé l'entreprise Valorem en 1994. Il s'agissait initialement d'un bureau d'études spécialisé dans les énergies renouvelables et la maîtrise de l'énergie. Lorsqu'un cadre réglementaire attractif a été instauré en la matière, notre modèle d'affaires s'est rapidement concentré sur le développement de projets éoliens, c'est-à-dire sur la conduite d'études nécessaires à l'obtention d'autorisations de construire et d'exploiter ces installations.

L'entreprise ayant à l'époque un capital familial, nous ne pouvions assurer le développement concomitant de nombreux projets sur des durées longues. Nous réalisions donc les premières phases des développements et trouvions des investisseurs capables de financer les suivantes. Nous percevions une prime de succès lorsque nous obtenions l'ensemble des autorisations leur permettant de construire et d'exploiter une installation. Tel fut notre fonctionnement jusqu'en 2007.

Nous avons ensuite changé de modèle d'affaires, pour devenir un producteur d'électricité. À cet effet, nous avons réalisé une première levée de fonds en 2007, suivie d'une deuxième en 2008 auprès du Crédit Agricole et de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), lesquels ont mis à notre disposition 23 millions d'euros. Cette somme représentait les fonds propres requis par les banques pour financer des projets éoliens à hauteur de 100 mégawatts (MW), pour un coût total de 150 millions d'euros. À partir de cette époque, le groupe s'est développé dans les métiers de la construction via sa filiale Valrea ainsi que dans les métiers d'opération et de maintenance via sa filiale Valemo. Aujourd'hui, Valorem est un opérateur totalement intégré sur la chaîne de valeur de la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables, depuis le développement de projets jusqu'à l'exploitation et la maintenance d'installations. En parallèle, nous avons diversifié les activités du groupe dans d'autres filières que l'éolien, en particulier le photovoltaïque et l'hydraulique.

En 2016, le fonds du Crédit Agricole a cédé la place à l'investisseur anglais 3i Infrastructure à hauteur de 25 % de notre capital. 3i Infrastructure a apporté des fonds sous forme obligataire, avec l'objectif de développer 500 mégawatts (MW) d'énergies renouvelables en exploitation à l'horizon de 2020 et de diversifier notre mix de production. Malgré le caractère hautement capitalistique des énergies renouvelables, les actionnaires historiques – dont je suis le principal – gardent le contrôle du groupe Valorem et ont la volonté de le conserver aussi longtemps que possible, de manière indépendante. Il fut néanmoins très difficile d'organiser la sortie du fonds du Crédit Agricole tout en conservant cette indépendance.

Aujourd'hui, Valorem compte 220 salariés. Nous avons prévu d'embaucher une quarantaine de collaborateurs en 2019, soit un accroissement de l'effectif de 20 %. Fin 2018, notre parc installé ou en construction représentait environ 400 MW. Les installations que nous possédons en totalité ou partiellement produisent quelque 650 gigawattheures (GWh) par an, soit l'équivalent de la consommation électrique de 300 000 habitants.

En 2018, notre chiffre d'affaires consolidé s'est établi à 65 millions d'euros, dont 44 millions d'euros proviennent de la production d'électricité. Notre total de bilan se monte à 500 millions d'euros. Les retombées de nos activités sur le territoire représentent plus de 10 % du chiffre d'affaires que nous réalisons dans l'électricité, soit 4,5 millions d'euros : loyers et indemnités versés aux agriculteurs, taxes locales, etc. Une petite trentaine d'établissements publics de coopération intercommunale en bénéficient. En cela, les énergies renouvelables participent à la vitalité des zones rurales. Les agriculteurs disent récolter le vent comme ils le font du blé ! Ces installations constituent une source de richesse pour les territoires et contribuent au maintien de services publics. Grâce à ces retombées, nous voyons des communes périurbaines, où s'installent des jeunes n'ayant pas les moyens de vivre en centre-ville, s'équiper de crèches ou maintenir leur école et leur bureau de poste.

À l'horizon de 2024, nous visons 2 300 MW installés, que nous posséderons à 60 %, dont 25 % en solaire et 30 % à l'international. Nous venons de finaliser une belle opération, aux côtés d'un investisseur anglais, pour la construction d'un parc finlandais de plus de 70 MW. Il atteindra pas moins de 4 000 heures équivalent pleine puissance (HEPP), avec des coûts de production très faibles. Il comportera des machines de 150 mètres de diamètre, sur des mâts de 135 et 155 mètres de hauteur. La hauteur en bout de pale pourra donc atteindre 230 mètres. Nous produirons ainsi des quantités d'énergie extrêmement importantes, avec des facteurs de charge très élevés et pour un coût réduit.

Le rayonnement des énergéticiens français à l'étranger est réel, qu'il s'agisse des plus grands comme EDF, Engie, Total ou Eren, ou des entreprises de taille intermédiaire (ETI) comme Valorem, Quadran ou Akuo. Ces acteurs sont très présents à l'international, où ils mettent à profit la tradition française d'ingénierie dans les grands projets. C'est un atout pour la balance commerciale et la balance des paiements de notre pays. Nous souffrons pour autant d'un handicap, en particulier par rapport à l'Allemagne où les conditions financières accordées aux opérateurs sont sans commune mesure avec les nôtres. Avec la Kreditanstalt für Wiederaufbau, l'Allemagne a mis en place une véritable « machine de guerre » pour offrir à ses entreprises des conditions qui les rendent imbattables dans les appels d'offres.

En matière de recherche et développement, nous avons développé, il y a longtemps déjà, des solutions alternatives au renforcement du réseau en milieu rural afin d'y diminuer le coût de l'électrification. Une ligne de crédit avait été créée à cet effet en 1994. Nous avons conclu avec EDF des contrats d'équipementier puis des tarifs afin d'installer ce type de produits sur les réseaux à basse tension.

En 2018, nous avons implanté les premières éoliennes cycloniques dans les outre-mer, à Sainte-Rose en Guadeloupe. Ces éoliennes ne se rabattent pas quand arrivent des cyclones, mais résistent peu ou prou.

Nous proposons également de l'éolien pilotable. En effet, le cahier des charges que nous impose EDF exclut l'intermittence : nous devons établir et respecter un programme de production heure par heure, du jour pour le lendemain. Nous y procédons au moyen de batteries. Nous faisons donc de l'éolien et du photovoltaïque des énergies pilotables. Le CEA Tech, direction de la recherche technologique du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives, nous accompagne dans la mise au point d'un système de management de l'énergie.

J'ajoute que nous développons des projets de production d'hydrogène à partir d'énergies renouvelables, en particulier pour des applications de transport.

Enfin, nous travaillons actuellement sur l'innovation Cryosolar consistant à produire du froid à partir d'énergie solaire. Son principe est de stocker les excédents d'énergie solaire produits en journée dans une batterie de froid, qui n'est autre que de la glace. Les frigories sont ensuite restituées pour compenser les pertes de la chambre froide pendant la nuit. Ce produit pourrait connaître des développements majeurs en France et dans le monde, en particulier pour permettre aux pêcheries et à l'agro-industrie de frigorifier leurs denrées à très faible coût. Il en est en effet bien moins onéreux de stocker de l'énergie dans de la glace que dans des batteries d'accumulateurs.

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