Nous nous dirigeons vers une électrification de la société. L'électricité représente aujourd'hui 25 % de la consommation finale. À en croire l'Agence internationale pour les énergies renouvelables, cette part pourrait atteindre 50 % en 2050. Ce phénomène d'électrification des consommations, doublé d'une rénovation thermique des bâtiments anciens, permettra de réduire drastiquement nos émissions de CO2. Nous pouvons supposer que le système européen de production d'électricité sera largement décarboné en 2050.
À cette même échéance, l'éolien et le solaire pourraient représenter 70 % à 80 % de notre mix électrique. En France, ces deux énergies pourraient à terme remplacer le nucléaire. Je les associe volontairement car elles sont complémentaires au fil des heures et des saisons.
Il ne sera pas besoin, pour autant, de recouvrir notre pays de panneaux solaires et d'éoliennes. Quelque 18 000 éoliennes terrestres seront nécessaires pour que cette énergie atteigne 30 % du mix électrique. L'éolien maritime connaîtra pour sa part un fort développement. Quant au solaire, outre les toitures et les zones déjà occupées par l'homme, nous aurons besoin d'équiper 0,3 % de la surface nationale, soit 160 000 hectares, pour atteindre 80 GW à des coûts de production imbattables.
L'éolien et le solaire présentent un potentiel de développement considérable, sans affecter véritablement le territoire. Il faut mettre en regard la cible de 18 000 éoliennes terrestres avec les 35 000 châteaux d'eau qui existent en France. Ces deux énergies sont aussi celles qui offrent le prix de revient le plus faible.
Pour tirer le meilleur parti de ces avantages, nous devrons adapter nos modes de consommation. Ainsi, 70 % à 80 % de nos consommations d'électricité peuvent être décalées ou stockées dans les usages.
L'éclairage et les appareils électroménagers représentent une part infime de notre consommation. Celle-ci est principalement mobilisée par la production de froid et de chaleur. La meilleure solution, pour profiter des nouvelles électricités à bas coût, est d'effectuer un stockage dans l'usage. C'est le principe du ballon d'eau chaude électrique. Il a été conçu, à l'époque, pour écouler les surplus de production nucléaire la nuit. Stocker de l'électricité sous forme d'usage – en l'occurrence, sous forme d'eau chaude – ne coûte que 30 euros le MWh, quand le stockage d'électricité dans une batterie coûte 200 euros le MWh. Ce prix chutera certes à mesure que progresseront les batteries, mais le différentiel avec le stockage dans l'usage restera prégnant. Ce dernier permet en outre de s'affranchir de l'enjeu environnemental du recyclage des batteries.
Ce qui vaut pour le stockage d'eau chaude vaut aussi pour le froid. Notre solution Cryosolar reproduit somme toute le principe de la glacière, en tirant parti de la frigorie latente. Demain, nos réfrigérateurs individuels ou industriels seront équipés de systèmes à froid latent. Ils fonctionneront au plus fort de l'ensoleillement, entre 11 heures et 17 heures, absorberont les excédents de production d'énergie solaire et les stockeront dans les usages. Nous n'aurons alors que faiblement besoin d'utiliser l'électricité pendant la nuit. Ces solutions sont peu coûteuses.
L'enjeu fondamental est de permettre à nos concitoyens, en même temps qu'ils isolent leur logement, de s'équiper de moyens de stockage dans les usages – de chauffe-eau thermodynamiques, par exemple. Ils pourront ainsi profiter pleinement d'énergies renouvelables peu onéreuses. Si nous ambitionnons une transition énergétique à bas coût, il sera impératif de développer le stockage dans les usages. Les politiques publiques doivent absolument favoriser cette solution. Peut-être y a-t-il d'ailleurs des emplois industriels à la clé.