Intervention de Jean-Yves Grandidier

Réunion du mardi 7 mai 2019 à 18h30
Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Jean-Yves Grandidier, fondateur et président du groupe Valorem :

La France est le pays au monde où il est le plus compliqué de développer des projets. En Finlande, en Roumanie ou en Ukraine, l'exercice est plus facile.

Prenons l'exemple de la Finlande. Après y avoir noué un partenariat en 2014, nous y construirons une installation dès 2020. Six ans à peine auront été nécessaires entre le début du développement et sa mise en œuvre. La Finlande ne possède que deux degrés de juridiction, tandis qu'en France, le contentieux des éoliennes faisait l'objet de trois degrés de juridiction jusqu'au décret du 29 novembre 2018. Depuis lors, ce contentieux est jugé en premier ressort par les cours administratives d'appel, ce qui devrait accélérer le processus. En l'état, un recours en France met deux ans en moyenne à être traité par une juridiction. En Finlande, cette durée est moitié moindre. L'Allemagne a spécialisé la cour de Brême dans ces sujets. Peut-être la France devrait-elle faire en sorte que des magistrats des cours administratives d'appel se spécialisent dans les questions éoliennes. Cela ne pourrait qu'accélérer la mise en œuvre des projets. Le bilan économique en serait positif.

La France est un pays idéal pour produire des énergies renouvelables : ses façades l'exposent au vent, ses régimes atlantique et méditerranéen se complètent et offrent un très bon foisonnement. Réseau de transport d'électricité (RTE) estime la capacité de substitution de notre pays à 3 000 MW pour 10 000 MW d'éolien installé. Nos voisins européens ne disposent pas d'un tel atout. Nous pouvons en outre produire une énergie hydraulique grâce à nos montagnes, mais aussi solaire dans le Sud. Étant le plus grand pays de l'Europe de l'Ouest, nous disposons d'espaces où la densité est raisonnable. Nous avons aussi des forêts et des déchets agricoles.

Autre avantage non négligeable, nous sommes situés au cœur de la plaque électrique européenne. Nous pouvons par conséquent exporter nos excédents en Europe. L'Allemagne est obligée d'installer une ligne à très haute tension, de plus de 400 000 volts, pour rapatrier l'excédent de production de ses éoliennes du nord du pays vers Stuttgart et les centres industriels du sud. L'Espagne produira de l'énergie solaire très peu chère en Andalousie, mais comment celle-ci franchira-t-elle les Pyrénées ? La France, pour sa part, est le pays d'Europe le plus interconnecté avec ses voisins. Notre capacité d'interconnexion se monte à 18 GW. C'est un atout considérable qui fait de nous un exportateur potentiel d'énergies renouvelables.

Admettons qu'à terme, la France exporte 100 térawattheures grâce aux énergies renouvelables – éolien, solaire et hydraulique – à raison de 50 euros le MWh. Cela représentera 5 milliards d'euros d'excédents dans la balance commerciale. Aujourd'hui, nous gâchons nos atouts. Nous sommes pusillanimes en matière d'éolien. Voyons grand ! Dans l'éolien, la réussite passe nécessairement par des projets d'ampleur. Si Valorem arrive à produire de l'électricité éolienne à 40 euros par MWh en Finlande, c'est parce que nous pouvons y installer de très hauts mâts et des machines fortement toilées. En France, nous sommes soumis à des limitations de hauteur. Il faut mettre fin à cette attitude circonspecte vis-à-vis de l'éolien. Plus nous pourrons recourir à des grandes turbines, moins nous aurons besoin d'en implanter. Or l'impact visuel des turbines tient à leur nombre et non à leur hauteur. Je vous mets au défi de différencier des éoliennes de 100, 130 ou 140 mètres !

De nombreux territoires français sont propices à l'éolien, à commencer par les grandes plaines qui entourent la capitale. La ceinture de Paris est la zone qui compte le plus d'installations éoliennes terrestres en France. Il n'est pas même nécessaire de développer du réseau pour en tirer profit. L'Allemagne consacre 30 milliards d'euros à la création de réseau pour accompagner la transition énergétique. Sur l'ensemble de son territoire, la France aura besoin d'un budget cinq ou dix fois moindre. Nous gâchons nos atouts, ce qui nous conduit à produire une énergie électrique trop chère. Avec des éoliennes de 2 MW de puissance et 80 mètres de hauteur, je dois vendre l'électricité à 70 euros le MWh sur vingt ans pour qu'un projet soit viable, alors que je la propose à 40 euros le MWh en Finlande. Je le répète, si la France revoyait ses contraintes de puissance des machines, nous aurions besoin d'implanter moins d'éoliennes, l'impact de celles-ci serait atténué, et les coûts de production seraient plus faibles.

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