Intervention de Jean-Yves Grandidier

Réunion du mardi 7 mai 2019 à 18h30
Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Jean-Yves Grandidier, fondateur et président du groupe Valorem :

Valorem a élaboré un cahier d'acteur en 2018 dans le cadre du débat sur la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE). À l'horizon de 2035, nous nous sommes positionnés sur un scénario dit « watt renforcé par les énergies renouvelables ». Il vise le développement des énergies renouvelables, de flux en particulier. Un accent serait mis sur le solaire ainsi que sur l'éolien marin. Pour ce dernier, nous tablons sur un accroissement de 1,5 GW par an, contre les 0,6 GW prévus dans l'actuel projet de PPE.

Nous avons conservé, dans notre modèle, les 6 GW de gaz que nous produisons actuellement. En effet, le nouveau monde électrique imposera de changer de vision. Nous ne raisonnerons plus en production de base, de semi-base et de pointe, mais en énergies renouvelables de flux – éolien et solaire principalement, hydraulique dans une moindre mesure – et en besoins d'appoint. Le gaz fournira précisément un appoint. Cette énergie sera probablement davantage renouvelable en 2035 qu'aujourd'hui.

Durant une large partie de l'année, nous aurons des surplus de production d'électricité éolienne et solaire. Nous pourrons en profiter pour fabriquer de l'hydrogène. À ce jour, l'essentiel du million de tonnes d'hydrogène utilisées pour des usages industriels en France provient du reformage du méthane. Cette opération produit 10 millions de tonnes de gaz à effet de serre. Grâce à nos surplus d'énergie non carbonée – nucléaire aujourd'hui, renouvelable demain – nous pouvons produire un hydrogène peu émetteur de gaz à effet de serre, via l'électrolyse de l'eau. Ce gaz pourra être utilisé dans l'industrie. Nous pourrions ensuite envisager qu'une partie de cet hydrogène soit injectée dans les transports.

À cela s'ajoutent la conversation d'électricité en gaz – power to gas – et l'opération inverse – gas to power. L'hydrogène pourrait être introduit directement dans les réseaux de gaz. Cette solution présente certes des difficultés. À la campagne toutefois, elle pourrait être combinée avec du méthane ayant été séparé du biogaz, et qui serait réinjecté. L'électrolyse de l'eau offrirait alors la possibilité de faire du gas to power. Demain, ces installations de production de gaz renouvelable et d'injection de gaz pourront être équipées de centrales d'appoint qui fonctionneront quelques centaines d'heures par an, lors des pointes de consommation. Le gaz ainsi mobilisé sera de plus en plus renouvelable. Des systèmes de facturation nette pourront tracer cette caractéristique.

Selon notre scénario pour 2035, nous aurons besoin de 10 GW d'appoint. C'est pourquoi nous proposons, plutôt que de fermer les centrales à charbon, de les transformer en centrales fonctionnant avec des combustibles verts. EDF développe en ce sens une solution dite Ecocombust dans la centrale de Cordemais. Il espère faire fonctionner deux tranches de 600 MW durant 500 heures par an grâce à un combustible vert alternatif au charbon mais présentant exactement les mêmes caractéristiques. Cela lui permettra de maintenir une partie des emplois de la centrale de Cordemais tout au long de l'année, puisqu'il faudra fabriquer ce combustible vert. L'investissement est déjà réalisé, et les tranches ont été rénovées. J'y vois une façon intéressante de répondre aux besoins d'appoint. Une étude du Conseil économique et social environnemental régional des Pays-de-la-Loire montre que le coût marginal de cette production serait de 120 euros par MWh. Il est certes élevé, mais cette énergie viendrait uniquement combler les pointes 500 heures par an. Aujourd'hui, 500 heures par an, la France paie l'électricité à un prix supérieur.

J'en arrive à votre question sur la décentralisation, monsieur Lambert. Dans notre modèle, nous prévoyons que les centrales photovoltaïques soient pilotables. Elles écrêteraient une partie de leur production dans la journée pour ensuite participer à la pointe du soir, grâce à un stockage dans des batteries. Nous connaîtrons une volatilité des prix : une fois le soleil couché, l'électricité sera plus chère. Sachant que le prix des batteries baissera, il y aura une logique économique à stocker une partie de la production solaire – et ce, d'autant que nous économiserons sur des coûts de réseau. Dans le sud de la France, les capacités d'accueil de photovoltaïque sont saturées. Cette énergie mettra du temps à se développer dans cette zone. Ce développement serait très coûteux s'il visait un fonctionnement 1 400 heures par an. Des investissements raisonnables peuvent permettre d'atteindre un fonctionnement 2 500 heures par an.

La SEM Énergie de Troyes a investi il y a dix ans déjà dans un parc éolien. Depuis, elle a également investi dans notre parc photovoltaïque. Des acteurs de ce type nous accompagnent de longue date. Nous montons actuellement un partenariat avec la métropole de Bordeaux, qui a créé une SEM Energie. Elle ambitionne d'être un territoire à énergie positive en 2050. La métropole seule n'a pas les moyens d'atteindre cet objectif, pour des raisons de densité notamment. Elle recourra donc à la contribution des territoires voisins. Nous souhaitons que les potentiels éoliens et solaires de ceux-ci, des Landes notamment, soient mobilisés dans des partenariats associant une SEM locale de production d'énergie et la SEM Énergie de Bordeaux. Cela contribuera à une nouvelle solidarité entre les territoires urbains et ruraux, qui ont besoin les uns des autres.

Quant à la chaîne de blocs, monsieur Lambert, elle est essentiellement associée à l'autoconsommation. Cette dernière figure dans la loi de transition énergétique pour la croissance verte. Je milite pour que nous allions plus loin et pour que la consommation en circuit court soit favorisée par la loi. Vous pouvez nous y aider. Nous peinons à faire admettre qu'un périmètre d'autoconsommation soit largement exonéré du tarif d'utilisation des réseaux publics l'électricité (TURPE).

L'autoconsommation constitue bel et bien un changement de paradigme. Demain, nos réfrigérateurs fonctionneront grâce à l'électricité solaire produite sur les toits de nos maisons à la mi-journée. Nous stockerons aussi l'énergie dans les usages. Bien qu'elle ne fonctionne que dans la journée, la production solaire satisfera une grande partie de nos besoins en électricité, en autoconsommation.

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