Madame la présidente, je commencerai par vous présenter la filière photovoltaïque dans son ensemble. Je m'appuierai, pour cela, sur un certain nombre de slides.
La programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) fixe, pour le solaire, des objectifs ambitieux à l'horizon 2028. La part du solaire dans la production électrique passerait de 2 %, à 10 % en dix ans. Ces chiffres nous semblent réalistes et réalisables, pour plusieurs raisons.
La première est l'évolution des prix : le prix de l'électricité solaire photovoltaïque a chuté sur l'ensemble des segments du marché – le résidentiel, moins 12,5 %, les grandes toitures, moins16,1 % par an et les centrales au sol, moins 18,3 % par an.
Seconde raison : historiquement, le solaire avait un coût élevé pour la contribution au service public de l'électricité (CSPE) – qui a été absorbée en 2016 par la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE). Aujourd'hui, les volumes des centrales solaires raccordées en 2018 représentent un engagement de 50 millions d'euros par an pour les charges publiques, contre 613 millions par an en 2011.
Les chiffres indiqués sur le slide ne sont pas ceux des nouvelles centrales, mais ceux des centrales qui ont gagné des appels d'offres il y a deux ans. Je n'entrerai pas dans le détail, je souhaitais simplement vous montrer la chute très forte des tarifs, notamment pour les centrales au sol.
Par tranche de cent mégawatts, entre 2011 et 2018, les aides publiques ont été divisées par dix pour les plus grandes centrales, un peu moins fortement pour les toitures et le résidentiel.
Les lauréats des derniers appels d'offres verront leurs centrales raccordées d'ici à deux ans. Le prix aura encore baissé.
Actuellement, le prix moyen de marché est de cinquante-huit euros et quatre-vingt-six centimes par mégawattheure pour les centrales au sol et le coût du soutien public n'est plus que de 6,67 euros par mégawattheure, soit un coût annuel de 867 700 euros pour cent mégawatts. J'insiste sur ce point : les centrales au sol, par rapport au prix de marché, ne bénéficient que d'un très faible soutien public. Et non seulement elles vont coûter de moins en moins cher, mais elles feront un jour gagner de l'argent à l'État.
Je vous arrête tout de suite si vous songez à supprimer les aides publiques ! Elles sont fondamentales, le prix de marché n'étant ni constant ni bien connu. En garantissant un prix, l'État favorise énormément la diminution des coûts.
Le prix moyen de marché pour les centrales en toiture, qui ont emporté les derniers appels d'offres, est de 84,65 euros par mégawattheure, le coût du soutien public pour chaque mégawatt est de 32,46 euros par mégawattheure, soit un coût annuel de 3 732 000 euros pour cent mégawatts.
Cependant, les centrales au sol génèrent des recettes fiscales récurrentes pour la collectivité, pour un montant total de 1 400 000 euros par an pour cent mégawatts : imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER), taxe foncière, cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), cotisation foncière des entreprises (CFE) et impôt sur les sociétés.
Ce qui signifie que, sur la base du prix de marché actuel, les centrales au sol qui ont emporté les derniers appels d'offres génèrent un bénéfice pour la collectivité de 500 000 euros par an.
Il s'agit là d'un changement de paradigme. La compétitivité du solaire a progressivement permis de coûter moins cher et, aujourd'hui, d'être dans une phase plus positive.
Nous l'expliquons de façon plus explicite encore, avec le tableau suivant. Le soutien de l'État est de garantir un prix donné au producteur. En contrepartie, celui-ci se doit de mettre sur le marché chaque kilowattheure produit.
Cependant le prix de marché évolue chaque jour. Si, entre 2017 et 2018, l'État a perdu de manière permanente de l'argent, à certaines périodes, de l'argent lui a été reversé ; et plus nous avancerons dans le temps, plus les versements seront importants. En effet, les centrales solaires au sol produisent une électricité à un prix fixe sur vingt ans, dont le niveau est d'ores et déjà, sur certaines périodes, inférieur au prix du marché.
N'en déduisez pas, là aussi, que nous puissions nous passer des appels d'offres. Une énergie s'amortit sur vingt ans, nous avons donc besoin de visibilité. Si nous étions sur un marché classique, sans garantie de l'État, le coût financier serait plus que doublé. Sans visibilité, chacun prendrait plus de précautions – les banques, les investisseurs, etc. C'est bien grâce à cette garantie de l'État, que les investisseurs et les financiers se sentent en sécurité et acceptent des taux extrêmement bas. Ce qui explique la compétitivité du solaire.
Aujourd'hui, quand l'État investit dans le solaire, il ne s'agit plus d'une aide, mais bien d'un investissement, puisqu'il bénéficiera d'un retour – les courbes le montrent déjà.
Cependant, le solaire est l'énergie la moins chère de toutes les énergies ; si le prix de marché était plus bas, beaucoup d'autres énergies seraient en difficulté. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y aura pas de moments de crise – parfois le marché est négatif. Les prévisions présentées par la PPE indiquent une augmentation régulière du prix de marché.
Nous pouvons en parler durant des heures, peu de personnes peuvent réellement deviner quel sera le prix de marché futur.
Venons-en aux coûts globaux des énergies renouvelables (EnR), et en particulier, au coût du solaire. L'essentiel des charges de service public consacrées au soutien des EnR correspond à des contrats déjà engagés, dont le poids va décroître dans les années à venir. S'agissant du solaire, c'est bien ce coût historique que nous sommes en train de payer, et non pas les nouvelles centrales.
Par ailleurs, les spécificités du contexte français conduisent à des prix de l'électricité solaire plus élevés qu'ailleurs, notamment en Allemagne. Bien entendu, certaines d'entre elles sont tout à fait logiques, notamment dans le cadre de la transition énergétique.
Nous avons décomposé le prix de l'électricité d'un projet de centrale solaire au sol, qui est de 56,8 euros. Sont compris dans ce prix les éléments suivants : d'abord, le critère carbone, qui a une raison d'être dans le cadre de la transition énergétique.
Ensuite, la S3RENR. La France a choisi de faire supporter aux EnR tous les coûts de l'amélioration et d'adaptation au réseau, contrairement à d'autres pays européens, où le coût est pris en charge par la collectivité. Les fournisseurs sont inquiets, une explosion de ce poste étant prévue dans les dix années qui viennent.
Enfin, l'IFER, un impôt qui a été décidé il y a une dizaine d'années, et justifié par la volonté de bien ancrer les EnR dans les territoires. Il s'agit en réalité d'un impôt qui pèse très lourd dans le solaire, puisque son taux est le même pour une centrale qui produit le mégawattheure à 400 euros que pour une centrale qui le produit à quatre ou cinq euros.
Le taux d'IFER payé par les producteurs d'énergies solaires et éoliennes est le double du nucléaire et du thermique, alors que le solaire produit, en nombre d'heures, moins que toutes les autres énergies. Par ailleurs, il nous semble que l'IFER devrait faire l'objet d'un débat afin de s'assurer qu'il est fléché correctement, les communes rurales, dans lesquelles sont implantées les centrales, n'en bénéficiant quasiment pas – contrairement aux intercommunalités, agglomérations et départements.
Sans toutes ces spécificités, le prix moyen passerait de 56,8 à 45,8 euros, soit une différence significative. Il ne s'agit pas pour nous de contester ces décisions, ce sont des choix réglementaires, politiques. Je vous demande simplement de les prendre en compte, lorsque vous procédez à des comparaisons, notamment avec d'autres pays européens.
Dans cette première partie, nous nous sommes efforcés de vous expliquer le coût financier du solaire pour la collectivité ; un coût qui devient extrêmement réduit – quasi nul pour les centrales au sol. Nous avons fait, en termes de compétitivité, l'essentiel du chemin.
Dans un deuxième temps, nous vous présenterons l'activité de la filière et notamment les emplois qui ont été créés et à venir. Les chiffres que nous avons repris dans notre présentation proviennent d'une étude effectuée, en liaison avec notre syndicat, par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) et la société Care&Consult. Elle vise à mettre en perspective les emplois qui seront créés, en application de la PPE – à horizon 2023.
Dans un premier temps, suite au moratoire, qui a été très violent, l'emploi a fortement diminué – il a été divisé par deux. Ce qui démontre, encore une fois, que lorsqu'on coupe la visibilité économique d'une activité, les conséquences en termes d'emplois sont dramatiques. Puis, dès qu'il a été remis de la visibilité sur le solaire, nous avons recommencé à recruter – et cela s'accélère. Le nombre d'emplois va quasiment doubler entre 2016 et 2023 – plus 10 000 emplois –, et nous estimons être capables d'en créer 20 000 supplémentaires d'ici à 2028. Le nombre d'emplois indirects est important, et il est parfois difficile de les mesurer.
Notre troisième partie tend à vous présenter quelques idées reçues sur l'énergie solaire photovoltaïque, ce que j'appelle le « péché originel » du solaire. Cette énergie a connu un engouement incroyable dans les années 2009-2010, mais a fait l'objet d'un moratoire. Certaines idées reçues se sont développées ; si certaines, à l'époque, étaient vraies, ce n'est plus le cas aujourd'hui. Nous souhaitons donc revenir sur les principales.
Premièrement : « tous les panneaux solaires viennent de Chine » et coûtent extrêmement cher. S'il est vrai que le Chine est le premier producteur mondial de panneaux solaires, elle produit avant tout pour ses propres besoins. Un panneau est composé de différents éléments – cellules, plaquettes, cadre… Les plaquettes proviennent principalement de Norvège et en partie de la France. Il s'agit de la partie la plus énergétivore, la plus importante si nous voulons baisser notre empreinte carbone. Or la Norvège, grâce à ses barrages a une empreinte carbone extrêmement faible.
Les cellules, quant à elles, proviennent en majorité de Corée du Sud. Enfin, le montage, l'addition de toutes les cellules, est une étape importante mais méprisée, alors que c'est à ce moment-là qu'il est possible de faire des économies et de l'ergonomie. Les modules sont principalement assemblés en France, il faut le souligner.
Deuxièmement : « un panneau solaire permet d'économiser moins de CO2 qu'il n'en a été produit lors de sa fabrication ». Le temps de retour énergétique d'un panneau solaire est inférieur à trois ans et son temps de retour carbone en France se situe entre un et cinq ans.
Par ailleurs, selon la PPE, l'accroissement des capacités EnR – passer de 2 % à 10 % – ne nécessite pas de back-up. Et c'est le réseau de transport de l'électricité (RTE) qui l'affirme.
Troisièmement : « l'intermittence de l'énergie solaire la rend peu intéressante, car elle ne produit que 15 % du temps ». Dans la réalité, un panneau solaire produit de l'électricité 47 % du temps. L'énergie solaire est, certes, variable, mais prédictible. Sa gestion ne pose aucun problème, et peut être incluse dans la distribution jusqu'à 10 % sans back-up.
L'énergie solaire contribue à une transition énergétique harmonieuse, puisqu'elle coche à peu près toutes les cases demandées : retombée sur l'emploi ; retombée pour les collectivités, les centrales étant construites sur des communes rurales ; coût du soutien porté par le consommateur ; bénéfices environnementaux ; occupation des sols ; revalorisation du patrimoine terrien et immobilier ; participation des populations aux enjeux énergie-climat.
Concernant l'occupation des sols, l'enjeu pour les années à venir est de passer de huit gigawatts à quarante. Nous aurons besoin pour ce faire, selon la PPE, de deux mille hectares par an ; c'est à la fois peu et beaucoup. C'est la raison pour laquelle, nous privilégierons les terrains artificialisés. D'ailleurs, 73 % des lauréats des appels d'offres proposaient des terrains artificialisés.
Quels sont les enjeux pour atteindre les objectifs, de façon harmonieuse, et quels sont les points qui doivent être réglés pour y arriver ? J'en citerai trois. D'abord, les permis de construire, un système qui fonctionne mal en France.
Ensuite, la symbiose avec l'agriculture : comment pouvons-nous être un allié pour les agriculteurs, leur faire bénéficier d'un revenu, sans perturber l'agriculture – notamment sans utiliser les terres agricoles ?
Enfin, le respect de la concurrence. Le photovoltaïque, qui était jusque-là une activité de petites et moyennes entreprises (PME) et d'entreprises de petite taille (ETI), voient arriver les grands groupes – ce que nous pouvons considérer comme une marque de reconnaissance. De sorte que nous serons vigilants quant à ce que tous les acteurs puissent répondre de manière transparente et homogène aux appels d'offres.
En effet, les acteurs doivent, en général, répondre à un premier appel d'offres qui leur permet d'acquérir des terrains, avant de répondre à celui de la Commission de régulation de l'énergie (CRE). Si, par exemple, les terrains de l'armée étaient attribués à un ou deux opérateurs seulement, nous taperons sur la table pour évoquer le non-respect de la concurrence.
Quel futur pour le solaire ? D'abord, nous ne devons pas, pendant une dizaine d'années, être obnubilés par l'intermittence, puisque 10 % peuvent être absorbés par le réseau. Mais si nous ne faisons rien d'ici à 2028, alors nous aurons un problème. Nous devons donc absolument anticiper, sachant que le coût du solaire va continuer à baisser et que nous ne voyons aucune raison pour que l'appétence de la population pour cette énergie diminue.
Différentes questions doivent être réglées pour mettre fin à l'intermittence. D'abord, la digitalisation permettra que les usages de l'utilisation de l'électricité cadrent avec les moments de production solaire. Cela peut se faire chez soi, mais également à une plus grande échelle – au niveau des entreprises, et au niveau national. Une digitalisation que nous devons prévoir dès aujourd'hui, car elle prendra du temps.
Ensuite, la question du stockage. Électricité de France (EDF) a déjà annoncé que deux gigawatts de capacité supplémentaire peuvent être envisagés. Par ailleurs, il existe différentes façons de stocker : la batterie, mais également, chez soi, dans notre ballon d'eau chaude ou notre voiture.