Intervention de Ludovic Pajot

Séance en hémicycle du mardi 18 juillet 2017 à 21h30
Ordonnances relatives à l'élaboration des décisions ayant une incidence sur l'environnement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLudovic Pajot :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, « Comment faire de la politique autrement ? Une idée pour changer la politique. » Voilà peu de temps encore, les comités En marche rivalisaient d'idées en tout genre pour capter l'attention des Français. Emmanuel Macron, tel Jupiter, prédisait une révolution En marche, censée tout rénover sur son passage, avec la présomptueuse ambition de faire souffler un vent nouveau de démocratie. Force est de constater que les premières orientations du quinquennat sont loin de répondre à cette exigence de réel changement. L'espoir était immense. La déception n'en sera que plus terrible pour nos concitoyens.

Le projet de loi de ratification des ordonnances du 3 août 2016 que vous nous soumettez aujourd'hui est révélateur de cet état d'esprit. Ce texte a trait aux règles applicables à l'évaluation environnementale des projets, plans et programmes, ainsi qu'à la participation du public à l'élaboration de certaines décisions susceptibles d'avoir une incidence sur l'environnement.

Comme souvent dans l'exposé des motifs des projets de lois, l'objectif affiché peut apparaître louable, avec notamment un renforcement de la consultation des collectivités territoriales et de leurs groupements divers, une concertation sur les projets, une meilleure association du public au processus de décision ou une modernisation des enquêtes publiques, mais ne dit-on pas également que l'enfer est pavé de bonnes intentions ? L'avenir nous le dira très certainement, et peut être plus tôt que nous ne le pensons – ou, plus précisément, que vous ne semblez le penser.

De fait, ce projet de loi soulève une double difficulté. La première tient au principe même du recours aux ordonnances. Comment imaginer, en effet, que l'on puisse se prononcer sur des dispositifs ayant vocation, par exemple, à permettre une meilleure association du public au processus de décision si, en même temps – pour reprendre une expression chère au Président de la République –, vous privez la représentation nationale d'un véritable débat sur ces sujets ? Il y a au minimum une incohérence dans votre démarche, sinon une intention pernicieuse de vouloir, sous couvert d'efficacité, faire adopter des textes au mépris du droit le plus élémentaire des députés : le pouvoir de débattre avant de se prononcer sur la loi.

La seconde difficulté tient à la nature des textes que vous nous demandez de ratifier. L'une des ordonnances que vous nous présentez n'est, de l'aveu même de l'exposé des motifs du projet de loi de ratification, rien d'autre qu'une réponse à un avis de la Commission européenne qui estimait que la liste des plans et programmes soumis à l'évaluation environnementale n'était pas conforme au droit communautaire. Par surcroît, cette ordonnance constitue également la transposition d'une directive relative à l'évaluation environnementale des projets.

Nous touchons là au problème de fond auquel nous sommes, en notre qualité de parlementaires, confrontés depuis bien trop longtemps : outre la privation d'un débat auquel nous avons droit par nature, le caractère quasi-systématique de lois de transposition de directives communautaires que revêtent certains textes pose la double question de notre souveraineté législative et du rôle assigné aux parlementaires.

En effet, la primauté du droit communautaire sur notre droit national est en elle-même une anomalie, sur laquelle il conviendrait de revenir sans tarder. Représentants du peuple français, nous en sommes réduits, avec cette hiérarchie des normes inique, non plus à légiférer dans l'intérêt du peuple, comme notre fonction nous le commande, mais à donner notre aval à des retranscriptions de textes abscons rédigés par d'obscurs fonctionnaires européens sans aucune légitimité, car non élus. Trouvez-vous légitime que notre pays ne dispose pratiquement plus d'aucune marge de manoeuvre quant à sa législation et soit soumis aux desiderata de la Commission de Bruxelles ? La France est une grande nation, libre, majeure, qui mérite mieux que cette mise sous tutelle permanente et insupportable.

Ce mécanisme délétère pose également la question du rôle assigné aux parlementaires. Les Français nous ont confié un mandat pour les représenter, et pour élaborer et voter la loi. Ils n'ont pas souhaité élire des députés chargés seulement de se prononcer sur de pâles copies de réglementations européennes. Le Palais-Bourbon, fruit d'une belle et longue histoire, mérite mieux que le statut de simple chambre d'enregistrement auquel vous le soumettez depuis bien trop longtemps.

« On ne refera pas la France par les élites, on la refera par la base », écrivait Bernanos. Il est grand temps de redonner au politique ses lettres de noblesse. Souffrez que la souveraineté nationale puisse enfin, comme le prévoit notre Constitution, s'exprimer réellement par la voix de ses représentants élus. La démocratie réelle ne s'exercera pleinement qu'à cette condition. Soyez assurés de notre détermination à défendre sans faiblesse ce principe fondamental.

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