Intervention de Charles Lhermitte

Réunion du jeudi 16 mai 2019 à 10h00
Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Charles Lhermitte :

Mon exposé va concerner dans un premier temps la réalité économique du développement des projets, en rappelant tout d'abord certains jalons et étapes.

Aujourd'hui, le développement d'un parc éolien prend entre cinq et quinze ans dans les cas extrêmes et se décompose, dans la durée, en différentes phases. La première est une étape de prospection, d'identification et de qualification des sites, qui permettra par la suite la concrétisation des premiers contacts avec les élus et les propriétaires des terrains sur lesquels est pressentie l'installation d'éoliennes. Ce premier temps dure un an, un an et demi, voire deux ans.

La deuxième étape, beaucoup plus longue, est constituée d'une douzaine d'études techniques et environnementales indépendantes. Conduites sur le site, ces études permettent de joindre à la demande d'autorisation environnementale unique les études d'impact aujourd'hui analysées par les services de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL). Le dossier pourra ensuite être déposé, instruit et s'accompagnera en fin de période d'instruction d'une enquête publique dans laquelle les riverains du potentiel parc éolien auront la possibilité de s'exprimer auprès du commissaire enquêteur.

Il convient de noter que pendant toute cette période d'étude et de développement, est mené également auprès des riverains un processus de concertation, sous forme soit de permanence, soit de constitution de comité local de suivi. Ces dispositifs permettent d'adapter l'implantation des éoliennes en tenant compte des préoccupations locales qui n'auraient pas été appréhendées ou qui doivent être appréhendées dans le cadre des études d'impact.

Comme vous le savez, un certain nombre de projets font aujourd'hui face à des recours : recours de tiers sur autorisation ou recours administratifs portés par certains de nos adhérents face à des refus d'autorisation délivrés par les préfets. Ces contentieux font que la durée de développement de ces projets se rallonge de trois, cinq, voire sept ans. Vous n'êtes pas sans savoir par ailleurs que, dans le cadre des préconisations du groupe de travail constitué par M. Lecornu, un niveau de juridiction a été supprimé pour essayer de simplifier et raccourcir ces périodes de contentieux.

Une fois sorti des contentieux, on aboutit, si le projet est autorisé et purgé, à une période de construction qui dure 10 à 12 mois environ, puis une phase d'exploitation, qui durait précédemment un minimum de 15 ans et aujourd'hui 20 ans au moins. Rien ne nous interdit toutefois de poursuivre l'exploitation d'un parc éolien au-delà de la durée du contrat d'achat signé.

Je souhaiterais revenir brièvement sur la notion d'acceptabilité. Olivier Pérot a cité dans son exposé les résultats de l'étude Harris. Il est vrai que nous disposons aujourd'hui d'un recul sur les parcs éoliens installés dès 2001, 2002 et 2004. Nous sommes même actuellement dans une période de renouvellement, de repowering de certaines installations. Ce temps de recul est nécessaire et suffisant pour appréhender l'acceptation de ces parcs éoliens. On note aujourd'hui que les collectivités qui accueillent des parcs éoliens depuis plus d'une dizaine d'années sont fortement volontaires pour que soient mis en place des repowerings, lesquels permettent d'ailleurs dans la plupart des cas d'améliorer les impacts produits par la première génération d'éoliennes construites en 2001 ou 2002.

En termes de relation avec les élus, il faut savoir que 10 % du chiffre d'affaires du parc éolien aujourd'hui constituent des retombées locales directes. Ces 10 % correspondent pour trois quarts à de la fiscalité, via l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER), la cotisation foncière des entreprises (CFE), la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et autres taxes foncières. Un quart environ revient sous forme de revenus locatifs, puisqu'il s'agit dans la quasi-totalité des cas de baux emphytéotiques, pour des occupations temporaires : des loyers sont versés aux propriétaires des terrains et, lorsqu'il s'agit du monde agricole, aux propriétaires et aux exploitants.

La construction du parc éolien génère également de l'activité économique en phase d'exploitation et de construction. La priorité est donnée aux entreprises locales pour tous les lots de voirie et réseaux divers (VRD), génie civil, câblier, fibre optique, fourniture de postes, construction de mâts. La plupart du temps, les éoliennes qui nous sont fournies par les turbiniers nous laissent la possibilité d'acquérir des mâts fabriqués en France, en acier ou en béton. La majorité des entreprises qui aujourd'hui construisent et exploitent des parcs éoliens disposent ainsi d'un réseau d'entreprises locales leur permettant de mener à bien les projets. 18 000 emplois sont concernés en France.

En termes de retombées économiques et fiscales, le chiffre de 168 millions d'euros a été évoqué précédemment. Nous vous fournirons dans une note un exemple concret, sur un parc éolien type, d'une machine, qui génère 12,8 millions d'euros de fiscalité au cours de son contrat d'achat. Il s'agit actuellement de l'un des principaux critères en discussion avec les élus. En effet, vous n'êtes pas sans savoir que lors de la suppression de la taxe professionnelle, bon nombre de communes se sont retrouvées extrêmement frustrées de devoir accueillir des installations de production d'EnR sans en obtenir de retombées fiscales directes. Depuis le 1er janvier 2019, la situation a été rétablie, puisque pour les parcs éoliens entrant en service à partir de cette date, les collectivités d'accueil percevront à nouveau directement 20 % de l'IFER, qui auparavant était dédiée au bloc communal, donc transitait par la communauté de communes. Il faut savoir par ailleurs que l'IFER représente environ 70 % de la fiscalité dans son ensemble.

Concernant les relations avec les élus et l'acceptabilité des parcs, FEE s'est aujourd'hui engagée à diffuser auprès de ses adhérents un guide des bonnes pratiques. France énergie éolienne regroupe des développeurs de parcs éoliens qui ne conservent pas forcément les actifs, des turbiniers, des exploitants de parcs éoliens. Ce guide a été diffusé auprès de l'ensemble des adhérents, que nous incitons à développer plus en amont les phases de concertation, afin que riverains et collectivités participent au processus de définition des implantations des parcs éoliens. C'est extrêmement important. Aujourd'hui, les démarches d'opposition aux parcs éoliens sont d'une certaine manière héritées des pratiques du passé.

En matière environnementale, il me semble important d'évoquer la réversibilité de l'éolien, en battant en brèche quelques idées reçues, notamment sur le démontage d'un parc et la question du repowering. J'ai pu visionner certaines des auditions que vous avez réalisées ces derniers jours et ai été très surpris que soit évoqué le cas d'un devis de démantèlement, qui a été subtilisé à mon entreprise de manière frauduleuse puis mis en ligne par le site de la préfecture. Or le devis de démantèlement émis par la société Cardem concerne un sinistre d'une éolienne endommagée par le feu, qui ne pouvait de ce fait être démantelée par les moyens conventionnels et qu'il a fallu cisailler avec des explosifs entre une ligne à haute tension et une conduite de gaz. Le préfet des Ardennes, avec lequel j'ai étroitement travaillé à l'époque, nous avait demandé de recourir à des méthodes extrêmement conservatrices, qui ont fait que le devis était environ sept à huit fois supérieur à celui d'un démantèlement classique. Je tenais à le préciser et suis à votre disposition pour vous présenter le devis dans ses moindres détails.

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