Je tiens en préambule à rappeler que nous avons tous deux siégé au comité de pilotage Admission Post Bac, Mme Vouille depuis 2012 jusqu'à cette année, en tant que vice-présidente de la Conférence universitaire en réseaux des responsables d'orientation et d'insertion professionnelle des étudiants, et moi de 2009 à 2016, en qualité de représentant des présidents d'université, puisque j'ai occupé ce poste à l'université Lyon 1, où j'étais en charge de la formation. C'est à ce titre que j'interviens aujourd'hui, et non au regard de mes fonctions actuelles à la Direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle (DGESIP).
Nous allons tout d'abord vous présenter un bilan, avant d'évoquer les perspectives et les points d'alerte. La mise en place d'APB a essentiellement apporté des changements favorables, en termes d'unicité de procédure, avec un calendrier unique et une centralisation des demandes. Auparavant, un élève pouvait en effet envoyer cinquante dossiers, à cinquante adresses et selon cinquante calendriers différents.
Ce dispositif a également favorisé l'anticipation des choix d'orientation, puisque le lycéen a été amené, plus qu'auparavant, à y réfléchir, et été sensibilisé, notamment au cours de la procédure, à la nécessité de formuler un voeu non sélectif, la fameuse « pastille verte ».
Ceci a, en outre, globalement, amélioré la lisibilité de l'offre de formation.
Ce dispositif a donc présenté des points forts et apporté des plus values, tout d'abord pour l'établissement. Cette procédure permettait, en effet, de disposer d'un tableau de bord, d'un outil d'anticipation des inscriptions, et de statistiques sur les candidats demandant à intégrer l'établissement : leur provenance, leur profil, etc. Ceci a donc clairement amélioré le pilotage. APB présentait également la souplesse suffisante pour permettre d'augmenter les capacités d'accueil au cours de la procédure, et de pratiquer du surbooking maîtrisé, à partir d'une connaissance estimée du taux de désistement, acquise au fil des années. APB avait donc conduit, globalement, à une fluidification des affectations, nonobstant les problèmes de places ayant surgi cette année.
Par ailleurs, cette procédure a permis d'instituer un principe d'équité entre les candidats et les formations. Ceci a par exemple donné davantage de visibilité à de « petites » formations, insuffisamment connues des lycéens, et méritant de l'être davantage. Cette procédure a ainsi permis à toutes les formations d'exister au même niveau, et ce même si certains « grands » établissements s'en sont parfois offusqués.
Enfin, il ne faut pas oublier que 80 % des candidats ont reçu une proposition d'affectation lors de la première phase, dont la moitié environ concernant leur premier voeu. On peut donc dire que le système, au départ tout du moins, ne fonctionnait pas si mal que cela.
Toutefois, nous avons noté des points faibles, des dérives et quelques défauts de base réglementaire pour les affectations, même si cela ne concerne évidemment pas tous les établissements. Parmi ces éléments, soulignons notamment la communication de l'affectation pendant les épreuves du bac, source de stress pour les lycéens, mais aussi le fait que cet outil soit adapté aux néo-inscriptions, mais clairement pas aux réorientations, dont l'introduction dans le système a constitué, à nos yeux, une complication, voire une erreur.
Nous avons également considéré que ce dispositif était, dans les faits, source d'iniquité selon les académies. La gestion du système, conçu pour être égalitaire et transparent, a varié selon les académies, en termes par exemple de définition des capacités d'accueil, de sectorisation, de l'affichage ou pas de licences à prérequis, ou des formations en apprentissage. Tout ceci était laissé à la discrétion du recteur ; or deux recteurs d'académies voisines pouvaient parfaitement ne pas tenir le même raisonnement.
Quelques évolutions ont été apportées, que je qualifierai d'erratiques. Elles concernent notamment l'entrée des réorientations, qui n'a pas nécessairement fait l'objet des concertations suffisantes. Ceci représentait quelque 150 000 candidats, que nous parvenions à gérer auparavant, mais qu'il nous a été difficile de gérer dans le cadre d'APB. Il en va de même pour les voeux groupés, voire pour l'apparition de la « pastille verte », qui ne sont pas nécessairement des points négatifs, mais n'ont pas été réellement concertés.
Une autre difficulté a résidé, à mon sens, dans le fait que le comité de pilotage ne « pilotait » pas vraiment, certaines décisions venant d'ailleurs, sans que l'on sache vraiment d'où, et n'était pas toujours très écouté. Ainsi, la Conférence des présidents d'université, que je représentais, avait demandé la diminution du nombre de voeux, qu'elle a eu du mal à obtenir, ce nombre passant finalement de 36 à 24, alors que la requête initiale était de 12. Nous arrivons aujourd'hui à 10, ce qui semble une évolution favorable. Je rappelle que le nombre moyen de voeux formulés par les jeunes est de l'ordre de 6,6.
Par ailleurs, nous avons constaté quelques contournements des règles de bonne conduite, de façon marginale, par quelques établissements qui, par exemple, contactaient parfois directement les candidats pour les influencer dans leur réponse.