Monsieur le président, madame et messieurs les députés, afin de tenter de répondre à votre question relative à la décarbonation de l'énergie, je planterai le décor du paysage énergétique en France, en m'appuyant sur la projection d'un PowerPoint.
Le premier diagramme représente la consommation d'énergie finale en France, c'est-à-dire l'énergie payée par le consommateur final. C'est une énergie qui franchit le compteur d'un particulier, d'une industrie, d'une administration ou d'une association et qui alimente une machine. Si cette machine se trouve dans le secteur industriel, elle figure dans la colonne « industrie », si elle sert à transporter, elle figure dans la colonne « transport », si elle est dans un bâtiment de travail ou personnel, elle figure dans la colonne « tertiaire ou résidentiel », et si elle est dans les champs, elle figure dans la colonne « agriculture ». L'échelle est graduée en milliards de kilowattheures, c'est-à-dire en térawattheures.
En pointant l'énergie qui alimente une machine et dont la source primaire est issue des combustibles fossiles, vous constatez que le nucléaire, qui mobilise 95 % de l'espace médiatique sur le sujet, représente une fraction minoritaire de l'énergie finale. Il représente donc, comme le disent certains, 95 % du débat pour très loin de 95 % de la situation de départ. En France, l'essentiel des vecteurs énergétiques qui alimentent une machine est issu des énergies fossiles, comme dans les autres pays de l'OCDE. La grosse différence, c'est que si notre électricité est largement décarbonée, notre énergie finale ne l'est pas beaucoup moins qu'ailleurs.
Un autre diagramme explique pourquoi une large partie de l'argent est consacrée à des modes de production qui ne décarbonent pas le mix français, alors même qu'on parle de transition climatique. Quand on demande aux Français si le nucléaire contribue un peu ou beaucoup aux émissions de gaz à effet de serre, 80 % environ répondent oui. Par conséquent, 80 % de vos électeurs pensent que casser en deux un noyau d'uranium équivaut à oxyder un atome de carbone. C'est sans doute une faillite médiatique. C'est, en tout cas, une source de confusion importante qui peut expliquer, pour beaucoup de gens, que, pour lutter contre le changement climatique, il est logique de réduire la part du nucléaire. Le chiffre a tendance à augmenter et l'opinion est plus développée dans la fraction de population la plus sensible aux questions d'environnement, c'est-à-dire les femmes et les jeunes.
La page suivante montre la part du mix énergétique constituée d'énergie sans carbone, c'est-à-dire l'énergie primaire prélevée dans l'environnement, dans les pays ayant les cinquante ou soixante mix les plus décarbonés de la planète. Le pays qui arrive en tête, l'Islande, est marginal par sa population. Suivent des pays très richement dotés en montagne : la Norvège, la Suède et la Suisse. La France est le premier des pays un peu plats et le premier pays du G20 en termes de décarbonation de son mix actuel. Autrement dit, si nous n'avions pas le nucléaire, nous n'en aurions qu'une faible part. Si nous avions consacré, à l'instar des Allemands, des centaines de milliards d'euros aux éoliennes, nous serions péniblement au niveau de l'Allemagne et de la Belgique, des pays plats et sans possibilité d'alimenter des barrages de montagne. Si on considère la part du décarboné dans le mix, il est discutable que la France est en retard sur l'Allemagne.
Un diagramme décompose en séries historiques les émissions de CO2 au cours des cinquante dernières années. Le maximum historique des émissions domestiques en France est enregistré au moment des chocs pétroliers. Depuis, ces émissions ont tendance à baisser, ce qui suscite une question intéressante, voire un peu douloureuse pour le « métier » que vous faites : comment faire la part des choses entre des évolutions qui ne doivent strictement rien à des décisions politiques et des évolutions redevables à l'intelligence de la législation du pays ?
Ce diagramme montre également que l'essentiel des émissions de CO2 en France provient d'abord du pétrole, puis du gaz, puis du charbon. Si l'on veut s'attaquer à la question climat dans le secteur énergétique, nos problèmes sont, en numéro un, le pétrole, en numéro deux le gaz, et en numéro trois le charbon. Le nucléaire n'apparaît pas sur ce diagramme, pas plus que l'hydroélectricité, si l'on raisonne du point de vue du climat.
Intéressons-nous donc au pétrole, au gaz et au charbon.
Concernant le pétrole utilisé en France, ne prêtez pas attention à la discontinuité entre résidentiel et tertiaire, qui reflète un artefact statistique, une partie de la consommation ayant basculé brutalement d'une catégorie à l'autre. La somme des deux, qui représente les bâtiments, est plus intéressante. Au moment des chocs pétroliers, il y avait beaucoup de pétrole dans les bâtiments avec le chauffage au fioul. Une large partie a disparu ou a été remplacée par du gaz et de l'électricité. Il y avait du pétrole dans les transports et ce segment a énormément augmenté. Il y avait du pétrole dans l'industrie, notamment pour les usages chaleur où, là aussi, il a été pour beaucoup remplacé par du gaz, voire du charbon.