Intervention de Jean-Marc Jancovici

Réunion du jeudi 16 mai 2019 à 16h15
Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Jean-Marc Jancovici, ingénieur, consultant en énergie :

. Aujourd'hui l'agriculture en consomme à peu près autant que le tertiaire, c'est-à-dire les locaux professionnels. Elle n'est pas totalement dépétrolisée et a également une importante dépendance aval au pétrole, puisqu'entre le tiers et la moitié des camions transportent ce qui se mange. On note donc une dépendance massive au pétrole de l'alimentation des villes. Si l'on supprimait le pétrole la nuit prochaine, les deux tiers des Parisiens mourraient de faim. Le pays est donc dépendant du pétrole, notamment pour la survie à court terme, c'est-à-dire l'alimentation, comme dans tous les pays urbanisés de l'OCDE. Si on s'intéresse au CO2, on s'intéresse d'abord au pétrole, et si on s'intéresse d'abord au pétrole, on s'intéresse d'abord aux transports.

Vous constatez également que la quantité de pétrole utilisée en France a commencé à diminuer depuis le début des années 2000. Cela ne doit absolument rien à la politique de la France en matière de climat mais cela doit tout au fait que la mer du Nord a franchi son pic de production en 2000, que le monde a franchi son pic de production sur le conventionnel en 2008 et que la capacité de la France à importer plus de pétrole, quand bien même elle le voudrait, est extrêmement limitée. Même si on se moque du climat, l'avenir du pays s'écrira avec de moins en moins de pétrole. Nous avons été un peu réalimentés, ces dernières années, par le boom des shale oil aux États-Unis, mais cela ne durera pas. Il serait intéressant de créer une commission d'enquête ou une mission d'information pour clarifier les idées sur notre approvisionnement pétrolier futur.

Nous utilisons aussi du gaz, d'abord pour les bâtiments. Plus de 50 % du gaz utilisé en France sont consacrés au chauffage, un gros tiers à l'industrie et 10 % à 15 % à des usages chaleur et électricité, dont environ la moitié pour l'électricité. Si on veut s'intéresser au gaz et au pétrole en France, on doit s'intéresser aux transports et aux bâtiments.

Enfin, nous utilisons du charbon pour la sidérurgie, à raison d'une moitié, pour l'électricité et un peu pour l'industrie, à raison de l'autre moitié. Par conséquent, paradoxalement, avant de s'intéresser aux centrales à charbon, il faudrait s'intéresser aux hauts-fourneaux. Dans l'est de la France, tant qu'à mettre des gens sur le carreau, il conviendrait de se demander s'il vaut mieux fermer Florange ou s'il vaut mieux fermer Fessenheim.

Nous avons maintenant des énergies renouvelables en France, à hauteur de 240 millions de tonnes d'équivalent pétrole pour l'ensemble de la consommation française. Les deux premières en France comme dans le monde sont le bois et l'hydroélectricité. Suivent une multiplicité d'autres parfois en croissance rapide mais qui représentent encore aujourd'hui des valeurs absolues marginales. Dans les moins marginales, on relève le biodiesel, une énergie partiellement renouvelable, puisqu'on y retrouve les intrants fossiles que sont l'énergie de motorisation des tracteurs et le gaz servant à la fabrication des engrais azotés. Si l'on ajoute le changement d'affectation des terres, c'est-à-dire la déforestation au profit de cultures destinées à l'approvisionnement énergétique, le bilan carbone est pire que si on utilisait du pétrole ! Le résultat de l'équation sur les carburants d'origine agricole dépend beaucoup du point de savoir si on a valorisé des terres qui ne servaient à rien ou si on a dû prendre sur des écosystèmes, directement ou indirectement, car si on prend sur les cultures alimentaires, ces dernières peuvent prendre elles-mêmes sur la forêt.

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