Intervention de Jean-Marc Jancovici

Réunion du jeudi 16 mai 2019 à 16h15
Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Jean-Marc Jancovici, ingénieur, consultant en énergie :

. Tout à fait.

Cet effet résulte aussi du fait qu'on ne demande pas aux producteurs de rendre leurs kilowattheures pilotables. On leur propose de fournir du kilowattheure quand le vent souffle, alors qu'on demande aux centrales classiques de fournir du kilowattheure quand on a besoin d'allumer la lumière. Jusqu'à présent, le réseau s'est développé avec des sources pilotables : le train de 8 heures part à 8 heures et pas quand il y a du vent ; la commission se réunit à 16 h 15 et pas quand il y a du vent ; vos enfants font leurs devoirs en hiver quand ils ont leurs devoirs à faire, et pas quand il y a du vent ; votre réfrigérateur fonctionne pleinement au mois d'août, et pas quand il y a du vent ; vous faites votre lessive le week-end et pas quand il y a du vent. C'est ainsi qu'a été conçu le système électrique. Un peu d'effacement est possible, mais pas tant que cela et une partie résulte du déclenchement de groupes électrogènes par des industriels.

Si vous voulez remplacer une source pilotable par de l'éolien ou du solaire en conservant la même organisation du système, sans mettre plus de coût à la charge des consommateurs d'électricité ou de ceux qui font fonctionner le réseau, c'est-à-dire, sans demander au consommateur d'investir dans des batteries et au réseau d'investir dans des moyens de stockage, vous devez, soit demander aux fournisseurs d'électricité non pilotable de prendre en charge des moyens de stockage pour rendre l'électricité de nouveau pilotable, mais dans ces conditions, il est évident qu'on ne peut produire à 60 euros le mégawattheure mais trois à six fois plus cher, soit vous gardez vos capacités pilotages en back-up, exactement comme cela s'est produit en Allemagne. Mon pari, c'est que si on développe l'éolien et le solaire en France, on ne baissera pas significativement la puissance nucléaire ; on baissera le facteur de charge mais pas la puissance installée. Il convient de comparer le coût complet de l'éolien et du solaire au coût du combustible évité dans le moyen pilotable dont vous ne vous servez pas quand il y a du vent ou du soleil.

En résumé, vous gardez le moyen pilotable dont vous avez besoin pour que le train de 8 heures parte à 8 heures le jour où il n'y a ni vent ni soleil et vous ne vous en servez pas quand il y en a. Vous économisez ainsi la part variable de production. Dans une centrale à gaz, celle-ci représente 60 % du coût du kilowattheure, et il faut acheter le gaz entre 40 et 60 euros. Dans une centrale à charbon, c'est beaucoup plus bas et, dans une centrale nucléaire, le montant du combustible économisé est d'environ un euro le mégawattheure, soit à peu près rien. Les arrêts de tranche ne modifient pas la programmation. Vous enfournez un peu moins d'uranium au début mais l'effet est minime. Si vous arrêtez les centrales nucléaires quand il y a du vent et du soleil, pour que le vent et le soleil deviennent compétitifs en France, leur coût de production doit être inférieur à quelques euros le mégawattheure. Là où il n'y a que du gaz, c'est à 50 euros, là où il y a du charbon, à 20 euros ; là où il y a du nucléaire ou des barrages, c'est à « zéro plus », c'est-à-dire jamais.

Quand la presse répète que le coût de l'éolien est inférieur au coût du nouveau nucléaire, elle compare des choux et des carottes, c'est-à-dire une source pilotable et une source non pilotable. L'électricité étant un électron en mouvement, elle ne se stocke pas en tant que telle, sauf dans les supraconducteurs. Il faut la transformer pour la « stocker ». Il faut la transformer en eau remontée en altitude, dans des barrages réversibles, ou en composés chimiques, dans les batteries. Dans un réseau, la production et la consommation s'équilibrent à tout instant et la fréquence est stable. Des modes de production non pilotables ne peuvent être comparés qu'avec des combustibles économisés tout en ayant gardé des moyens pilotables. On ne peut donc considérer que la part variable économisée. C'est la raison pour laquelle, quand on ajoute au système à coûts fixes qu'est le nucléaire, que l'on devra garder, un autre système à coûts fixes comme l'éolien ou le solaire, la facture globale augmente à mesure de la quantité d'éolien et de solaire ajoutée dans le système, car il n'y a pas substitution mais superposition.

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