. Le coût environnemental ne s'évalue pas en euro mais nuisance par nuisance. J'y reviendrai.
Je finirai par l'exemple de l'Allemagne. Un graphique montre l'évolution des capacités installées en éolien et en solaire en Allemagne. Ils sont passés de pas grand-chose dans les années 2000 à plus de 100 gigawatts. Si le raisonnement tenu en France selon lequel cela chasserait du nucléaire et des capacités pilotables est avéré, on devrait voir les capacités pilotables allemandes diminuer sur la même période. Les Allemands devraient avoir aujourd'hui, en combiné, moins de charbon, de nucléaire et de gaz et d'hydroélectricité qu'en 2002. Or ils en ont la même quantité. Ils ont moins de nucléaire et plus de gaz. Ils n'ont pas réduit leur consommation électrique. Les moyens pilotables – pétrole, charbon, gaz, hydroélectricité – avaient produit quasiment 500 térawattheures d'électricité en 2003 et ils en ont produit moins de 400 en 2019. Les Allemands ont gardé leurs centrales pilotables, un peu changé la nature du parc – un peu moins de nucléaire, un peu plus de gaz – et ils les font moins tourner, puisque le facteur de charge a baissé de plus de 20 %. Et comme les lois de Kirchhoff de conservation de l'énergie s'appliquent pareillement en France, je suis prêt à parier que si en France, on développe l'éolien et le solaire, on ne supprimera pas les capacités nucléaires, on s'en servira moins. Ce faisant, on cumulera d'un seul coup tous les inconvénients, puisqu'on dépensera de l'argent dans des énergies renouvelables sans effet sur les émissions de gaz à effet de serre du pays. On augmentera les importations, car en passant d'un mégawattheure nucléaire à un mégawattheure solaire ou éolien, on passe d'un à vingt ou trente euros d'importation par mégawattheure, ce qui crée de l'emploi dans la filière mais en détruit globalement, et on augmentera le risque nucléaire, puisqu'on devra garder un parc qui gagnera moins d'argent si le prix du mégawattheure reste le même, puisqu'on s'en servira moins. Comme le système nucléaire est à coût fixe, en gardant un système à coût fixe auquel on donne moins d'argent, la probabilité que les risques soient mieux gérés n'est pas très élevée.
Par conséquent, à mon sens, développer en France les énergies renouvelables électriques ne présente pas le moindre intérêt sur aucun plan. Les seules bonnes énergies renouvelables dont on doit s'occuper en France, ce sont les énergies renouvelables chaleur. Les énergies renouvelables électriques n'ont strictement aucun intérêt, sauf pour les antinucléaires. C'est la raison historique pour laquelle on s'y est attaqué. Au moment du Grenelle Environnement, Nicolas Sarkozy ayant dit qu'on ne toucherait pas au nucléaire, les antinucléaires ont menacé de revenir par la fenêtre, on a accepté de parler tout de même d'énergies renouvelables. On a ainsi décidé de développer l'éolien et le solaire, c'est-à-dire les énergies concurrentes du nucléaire, auxquelles on a consacré des milliards d'euros. À l'époque, cette structuration n'a pas été décidée pour une raison d'ordre climatique mais sous l'influence des antinucléaires.
Je finirai sur un petit quizz. Sur ce graphique, une courbe traduit la quantité de CO2 émise par quantité d'énergie primaire, soit la totalité du mix énergétique en Allemagne. Comme je suis taquin, j'ai masqué l'abscisse et les années. Dites-moi de quand date le début des 22 % d'émissions de CO2. Eh bien, cela date du début de la flèche et c'est invisible sur la tendance. Autrement dit, ce que les Allemands ont fait ne change pas la tendance de la décarbonation de leur mix énergétique primaire, qui était déjà à l'œuvre, lentement mais déjà à l'œuvre. Cette blague leur a déjà coûté – ils s'en moquent puisqu'ils ont un solde exportateur de 10 % sur le PIB – quelques centaines de milliards d'euros investis. Ils n'ont pas fini de les payer mais c'est la valeur à neuf de ce qu'ils ont installé. Pour la même quantité d'argent en euro 2017, et même pour moitié moins si l'on fait l'impasse sur la reconstruction à neuf, vous mesurez l'effet discernable du programme nucléaire sur le contenu carbone du mix énergétique français.