Intervention de Jean-Marc Jancovici

Réunion du jeudi 16 mai 2019 à 16h15
Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Jean-Marc Jancovici, ingénieur, consultant en énergie :

. Je lis dans les petites lignes les conditions limites. Par exemple, il faut regarder de très près la part des importations. J'ai montré tout à l'heure que si les pays suivent la même évolution que la nôtre, il n'est pas sûr qu'ils aient de l'électricité à exporter quand nous en avons besoin. Je ne sais pas si ce bouclage a été fait ou pas.

Autre exemple, dans le scénario 60 % et 100 % EnR de l'ADEME, une des hypothèses retenues est que 60 % de la consommation du pays est effaçable. Si on vous le demande gentiment, est-ce que vous ne ferez pas votre lessive, débrancherez votre frigo, n'emprunterez pas l'ascenseur, ne prendrez pas le train, et si vous êtes industriel, est-ce que vous arrêterez les machines, sans investissement à la charge du consommateur ? J'ai quelques doutes. On y trouve donc des conditions limites qui sont des hypothèses. Mais on peut postuler une hypothèse totalement invraisemblable. Je peux très bien imaginer ce que je ferais si j'étais capable de voler. Je peux écrire un livre de deux cents pages sur le sujet. Mais si je voulais transposer cela dans le monde réel, vous seriez en droit de challenger l'hypothèse de départ. Il faut réaliser un long et fastidieux travail de revue des hypothèses ou des conditions limites, ce que la presse n'a absolument pas le temps de faire. Je n'ai pas lu toute la production de tous ces gens. J'ai bien regardé le scénario 100 % EnR de l'ADEME. Il n'a pour moi aucune vraisemblance, il est tautologique. Il est dit d'entrée : « supposons que les EnR ne vaillent pas cher, que les coûts de réseaux ne soient pas significatifs, que le consommateur puisse s'ajuster sans investissement aux fluctuations de la production ». Il n'est pas très difficile d'écrire ce genre de propos.

Je ne pense pas que M. Carenco ait fait de longues études sur la physique de l'électricité. Il dit ce qu'il sait. Je vous ai parlé de physique, dont découle la partie économique. Je ne vous ai surtout pas parlé de politique. Je ne vous ai pas dit : parce qu'on a déclaré qu'on allait le faire, on va le faire. J'ai montré quelques évolutions historiques, celles de l'Allemagne et de l'Espagne, qui n'accréditent aucunement les hypothèses considérées comme vraisemblables de certains discours publics français, notamment celui prétendant qu'on peut réduire la capacité nucléaire en augmentant les EnR électriques. J'ai trouvé l'argument inverse en observant l'évolution des pays qui nous entourent. À chaque fois que je le fais remarquer à des tenants de ce point de vue, ils n'ont aucun argumentaire construit à opposer, de nature à prouver qu'ils sont plus intelligents que les autres.

Passer à 50 % de nucléaire en installant partout des éoliennes et des panneaux solaires ne pose pas de problème technique, ce qui peut expliquer la réponse de M. Brottes. On peut conserver les centrales nucléaires dont on se servira moins, ajouter des éoliennes et des panneaux solaires, faire monter en puissance le réseau pour compenser l'évolution, mais à la question est de savoir ce que cela apporterait, ma réponse est : « rien ».

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.