. Monsieur le président, Madame la rapporteure, Mesdames les députées, nous tenons tout d'abord à vous remercier pour cette audition et pour permettre à Wpd offshore France d'être entendu dans le cadre des travaux de cette commission.
Pour me présenter rapidement au-delà de ce qui a pu être évoqué par M. le président, je travaille depuis 15 ans dans le secteur de l'énergie. J'ai rejoint Wpd offshore France en 2010 en tant que directeur général.
Notre société fait partie du groupe Wpd créé en 1996, producteur indépendant d'électricité renouvelable. Le groupe a pour principale activité de développer, financer, construire et opérer des parcs éoliens, terrestres, maritimes et photovoltaïques. Au total, le groupe a installé et raccordé 4 450 MW répartis dans 21 pays.
La société Wpd offshore France est créée en 2007. Nos équipes et nos domaines d'intervention portent sur les projets éoliens en mer au large des côtes françaises. En 2012, suite à nos travaux sur les territoires concernés, nous avons été désignés co-lauréats avec nos partenaires pour les parcs Courseulles-sur-Mer et Fécamp. Ces parcs sont aujourd'hui encore sous recours ; nous visons une mise en service en 2022-2023. À terme, les deux parcs totaliseront une puissance de 948 MW, soit la consommation électrique d'1,47 million de foyers.
Nous participons au troisième appel d'offres au large des côtes dunkerquoises et sommes dans l'attente de résultats imminents. Nous poursuivons de plus notre développement sur les façades Atlantique et Méditerranée.
Nous nous sommes engagés à co-développer nos projets avec des acteurs des territoires ; nous entretenons depuis dix ans des bonnes relations avec ces différents acteurs : les comités des pêches, les associations environnementales et les acteurs socioéconomiques.
Je souhaite prendre un exemple de cette coopération avec les territoires sur le projet de Courseulles-sur-Mer en ex-Basse-Normandie. La zone d'appel d'offres avait été définie par l'État en partie sur un gisement-clé de coquilles Saint-Jacques. Nous avons pris le parti, au moment la réponse à l'appel d'offres, de supprimer une partie de la zone d'appel d'offres et de réduire notre projet. C'est pour cette raison que lorsqu'on regarde la liste des projets attribués en appel d'offres, ils font tous 500 MW sauf Courseulles, qui en fait 450 car 50 MW se trouvaient dans cette zone importante de coquilles Saint-Jacques. Cette démarche nous a permis d'avoir un projet qui a fait l'adhésion avec les territoires et notamment les pêcheurs.
Notre engagement consiste à définir des projets éoliens en mer avec les territoires. Pour la suite de mon propos, de manière à fournir à la commission un point de vue global sur l'éolien en mer et à répondre à certaines des questions que vous avez pu soulever, Monsieur le président, je donnerai un point de contexte européen et français et je finirai par les enjeux économiques industriels et environnementaux de l'éolien en mer, qui figurent également dans le titre de votre commission.
Pour ce qui est du contexte de l'éolien en mer, il nous semble tout d'abord important de se pencher sur la situation en Europe, marquée par un fort dynamisme qui contraste avec la situation française. Nous entendons parfois que l'éolien en mer doit faire ses preuves, que c'est une technologie nouvelle. Il faut rappeler que le premier parc éolien en mer a été installé il y a bientôt 30 ans au Danemark. Il s'agit du parc de Vindeby, composé de onze éoliennes, qui a été depuis intégralement démonté.
Depuis 1991, des développements technologiques considérables ont été accomplis. On compte actuellement plus de 4 500 éoliennes dans 11 pays européens, ce qui fait de l'éolien en mer aujourd'hui une source de production d'électricité maîtrisée dans son cycle complet (démontage compris) et une des plus compétitives.
Si nous prenons uniquement l'année 2018, 2,6 gigawatts de capacité offshore ont été raccordés en Europe, portant l'éolien en mer en Europe à 18,5 gigawatts installés. Si nous regardons le trio de tête, la première position est occupée par le Royaume-Uni avec 2 000 éoliennes installées, ce qui représente une puissance installée de 8,1 GW. L'Allemagne se place en deuxième position avec 1 300 éoliennes et le Danemark en troisième position avec 500 éoliennes installées offshore.
Cette dynamique n'est pas seulement européenne mais mondiale. Citons par exemple les États-Unis, qui ont attribué 17 concessions, atteignant un potentiel de 21 GW, et la Chine, qui a d'ores et déjà mis en service plus de 4,5 GW.
Pour nous recentrer sur la France dans ce point de contexte, il est important de rappeler que nous disposons du deuxième espace maritime européen. Nous pourrions donc nous attendre à être un des pays leaders dans cette technologie, ce qui n'est malheureusement pas le cas. Nous ne comptons aujourd'hui aucun parc éolien en mer installé. Pourtant, l'État français a décidé dès 2009, il y a dix ans déjà, de se lancer dans le développement de cette technologie et de cette filière. Le Ministre a alors demandé au préfet coordinateur de faire un zonage sur les différentes façades maritimes pour aboutir à des zones d'implantation pour les deux phases d'appel d'offres :
- première phase en juillet 2011 ;
- premier appel d'offres sur 5 sites. Fécamp, Courseulles-sur-Mer, Saint-Brieuc, Saint-Nazaire sont les 4 projets attribués en 2011.
La fourchette de prix communiquée alors sur ce premier train d'appel d'offres était de 180 à 200€/MWh en raccordement. À titre de comparaison, le parc de West of Duddon Sands en Angleterre, lors de cette même année 2011, a été attribué à 177€/MWh.
En mars 2013, deux nouveaux secteurs ont été soumis à l'appel d'offres et retenus au large du Tréport et des îles d'Yeu et de Noirmoutier. Ces deux séquences d'appel d'offres devraient permettre à la France de combler une part de son retard avec l'installation d'environ 350 éoliennes d'ici 2024. À titre de comparaison, le parc anglais que nous évoquions précédemment a été mis en service en octobre 2014, soit dix ans de décalage entre les deux, que nous expliquons par deux facteurs principaux :
- le cadre réglementaire, qui partait de loin, les procédures administratives complexes pour un projet, le projet de Fécamp par exemple, pour lequel nous avons dû traiter 15 procédures administratives, et un délai d'instruction qui a dépassé deux ans.
- la longueur des procédures contentieuses engagées sur ces différents projets.
Aujourd'hui, nous attendons les résultats de la troisième séquence d'appel d'offres pour un projet au large de Dunkerque auquel Wpd participe au sein d'une alliance avec Vattenfall et la Caisse des dépôts et consignations. Ce nouvel appel d'offres, enrichi des retours d'expérience des premiers, a été conduit avec une nouvelle méthodologie appelée le dialogue concurrentiel. L'objectif était de prendre le temps de définir avec le territoire le meilleur secteur d'implantation au large du Dunkerquois et de co-construire avec les candidats un cahier des charges ayant pour principal critère le prix. Nous avons pu lire ces derniers jours dans la presse un tarif moyen évoqué de 51€/MWh. Nous verrons les résultats dans les prochaines semaines mais cela montre qu'en France aussi, on arrive à prouver la compétitivité de l'éolien en mer.
Cela nous amène inévitablement au sujet essentiel pour l'avenir de la filière française : la programmation pluriannuelle de l'énergie. Vous l'avez évoqué, la PPE doit fixer les ambitions de la France pour les différentes filières énergétiques et notamment les énergies renouvelables. Nous tenons tout d'abord à saluer l'ambition de multiplier par 4 la puissance installée pour le renouvelable électrique. Cependant, au regard de la baisse des coûts de l'éolien en mer observée partout en Europe et des résultats attendus sur Dunkerque, il est incompréhensible de notre point de vue que la France ne mise pas plus sur le potentiel de cette filière pour atteindre ses objectifs en matière de transition énergétique.
Notre ambition pour la France est de la voir revenir sur le podium européen d'ici 2035. Les différentes évolutions depuis les premiers appels d'offres nous portent à être optimistes sur la tenue de cet objectif, qui nécessiterait de lancer 1 à 2 GW d'appel d'offres par an sur la prochaine décennie.
Je vous propose maintenant d'évoquer les trois enjeux soulignés par votre commission pour l'éolien en mer en France.
Il y a tout d'abord l'enjeu économique : il est important de rappeler que l'éolien en mer est une source d'énergie efficace qui produit beaucoup d'électricité. De par les vents constants et les vents forts sur le maritime, un parc de 500 MW en France produit l'équivalent de la consommation électrique d'un département.
Quant au coût de l'électricité produite, les progrès technologiques de cette filière et sa maturité ont fait chuter les prix. En dix ans, la puissance unitaire des éoliennes en mer a été multipliée par 3 et sur cette même période, les tarifs ont été divisés par 3. À ce jour, les tarifs constatés en Europe pour l'éolien en mer se situent dans une fourchette de 50 à 70€/MWh hors raccordement, ce qui positionne l'éolien en mer parmi les énergies renouvelables les plus compétitives. La barre symbolique des 50 euros a même été franchie par le Suédois Vattenfall en 2017 sur un appel d'offres danois.
La compétitivité de cette filière devrait se confirmer pour la France dans les prochaines semaines avec l'appel d'offres de Dunkerque. Les futurs projets seront donc neutres pour les finances publiques au regard du prix de l'électricité. Dans ce contexte, il nous semble important, dans les appels d'offres en cours et à venir, de privilégier l'optimum économique, territorial et environnemental plutôt que des offres uniquement centrées sur le prix, et de considérer l'ensemble de ces trois volets.
Le deuxième enjeu est un enjeu industriel. Il nous paraît important de rappeler que lors des deux premières procédures d'appel d'offres, la qualité du projet industriel et social comptait pour 40 % de la note globale (procédures de 2011 et de 2013). Ce critère a largement porté ses fruits car nous comptons déjà en France deux usines dédiées à la production d'éoliennes en mer : une à Saint-Nazaire et l'autre à Cherbourg. Deux autres doivent être construites au Havre ; les permis de construire ont été déposés il y a quelques semaines.
L'impact industriel de notre filière est positif. À ce jour, l'Observatoire des énergies de la mer, qui publie chaque année le référencement des emplois créés sur la filière, a identifié plus de 2 200 emplois directs créés sur la filière alors qu'aucun parc n'est installé. Ce sont bien sûr les phases de construction puis de maintenance qui généreront la plus forte activité sur cette filière, notamment dans les ports à proximité des sites concernés.
Citons enfin les emplois créés par les composants autres que les éoliennes comme les fondations, les câbles et les sous-stations électriques. En termes de sous-stations électriques, on peut prendre l'exemple de STX à Saint-Nazaire, dont le cœur de métier (la construction navale, la construction de paquebots) a été diversifié par une nouvelle usine de sous-stations offshore et ils ont d'ores et déjà gagné trois contrats qu'ils ont honorés dans trois pays européens, donc à l'export.
En revanche, au regard de cette dynamique industrielle, les retards pris sur le développement des parcs français, notamment dû à la longueur des procédures contentieuses, mettent en péril cette dynamique.
Enfin, s'agissant des enjeux environnementaux, il existe un retour d'expérience significatif grâce aux 4 500 éoliennes déjà installées en mer en Europe ; significatif dans le temps avec plus de 25 années de suivis environnementaux et significatif dans la diversité des espèces observées grâce à la multitude d'implantations géographiques des parcs existants en mer Baltique, en mer du Nord, en mer d'Irlande ou encore en Manche. Je ne vais pas détailler l'ensemble des compartiments écologiques mais citer trois exemples représentatifs.
Le premier concerne le compartiment oiseaux, avec le risque de collision pour les oiseaux. Une étude récente a été publiée il y a moins de six mois, menée au Royaume-Uni dans le cadre du programme ORJIP. Pendant 22 mois d'observation sur un parc d'une centaine d'éoliennes, 600 000 vidéos ont été prises pour observer la co-activité entre éolien et oiseaux. Sur 12 000 vidéos identifiant la présence de l'oiseau maritime, six collisions ont été observées, ce qui montre une cohabitation véritable entre les oiseaux et les parcs éoliens en mer.
Le deuxième compartiment porte sur les mammifères marins. Le gouvernement danois a investi plusieurs dizaines de millions de couronnes pour assurer le suivi des mammifères marins (phoques, marsouins et dauphins). Toutes les études de ces suivis démontrent qu'après une fuite du site pendant la période de construction, ces mammifères recolonisent les milieux, ce qui a permis de confirmer un programme ambitieux pour l'éolien en mer au Danemark.
Dernier compartiment : la ressource halieutique (les poissons). Les suivis scientifiques menés démontrent qu'il n'y a pas d'effet négatif sur les populations, au contraire. C'est ce qu'on appelle un « effet de récif », qui créé une dynamique positive pour la biodiversité locale.
L'éolien en mer est un moyen de production avec un impact limité sur l'environnement et une occupation limitée de l'espace maritime.
En France, l'ambition de la filière à 2035 de 15 GW d'éolien en mer installé représente moins de 1 % de l'espace maritime métropolitain.
Pour conclure, Monsieur le président, Madame la rapporteure, Mesdames les députés, nous insisterons sur deux points :
- le très fort soutien des Français au développement de notre énergie. En effet, lors du débat public organisé dans le cadre de la PPE, dont les conclusions ont été rendues publiques en août 2018, l'éolien en mer a été plébiscité par les Français, qui ont placé cette énergie en tête des énergies renouvelables électriques à développer ;
- la compétitivité de cette filière. La neutralité pour les finances publiques des futurs projets doit encourager le Gouvernement à donner à notre filière toute sa place dans une PPE ambitieuse pour les énergies renouvelables.