Il est, en effet, sans doute très intéressant, par contraste, de comparer l'algorithme APB, celui permettant d'identifier les bénéficiaires de greffons, et l'algorithme de l'impôt sur le revenu.
Peut-être peut-on partir, pour ce faire, de la définition de l'algorithme : « ensemble fini et non ambigu d'opérations qui s'enchaînent pour aboutir à un résultat ». En ce sens, le calcul de l'impôt sur le revenu est un algorithme, au même titre qu'APB.
Mais, au-delà de ce point commun, il existe des différences très importantes avec les deux algorithmes dont il vient d'être question. Dans le cas d'APB, et du choix de bénéficiaires de greffons, l'objectif est de définir un attributaire, un bénéficiaire d'une décision, au regard d'un ensemble de concurrents. Selon le jour où l'algorithme fonctionne, et où la décision est prise, celle-ci peut être différente, parce que le nombre et les caractéristiques des concurrents ont pu varier, si bien que le résultat n'est pas unique dans le temps. Dans le cas du calcul de l'impôt sur le revenu, la situation est totalement différente, puisque le résultat ne dépend absolument pas de la concurrence de bénéficiaires potentiels. Il s'agit là d'une différence majeure, qui conditionne la façon dont le ministère de l'action et des comptes publics envisage la publicité et la transparence de l'algorithme, objectifs que nous partageons totalement, parce qu'ils fondent la confiance que les usagers ont à l'égard de notre action. La transparence est absolument essentielle, mais on ne peut la concevoir de la même façon pour ce qui nous concerne et pour APB.
Une autre différence majeure tient au fait qu'APB crée du droit, et en comble en quelque sorte les vides. Pour ce qui est du calcul de l'impôt sur le revenu, nous « collons », au contraire, de façon extrêmement précise au droit ; et quand il existe des interstices dans la loi fiscale, nous recourons à la doctrine fiscale, systématiquement écrite lorsqu'elle est nécessaire, publiée au Bulletin officiel des finances publiques en ligne, opposable et susceptible d'être attaquée par les particuliers qui auraient à s'en plaindre. Il existe une convergence aussi étroite et poussée que possible entre l'algorithme et la loi.
Nous avons également vu qu'il était possible, dans le cadre d'APB, de définir une stratégie, pour maximiser son résultat, et de déployer une tactique d'appréhension de l'algorithme. Dans le cas de l'impôt sur le revenu, il n'est absolument pas possible d'utiliser une stratégie de ce type sans frauder, ce qui relève d'un autre registre.
La quatrième différence tient au fait que, dans APB, sous réserve des travaux qui vont être faits, l'algorithme n'est pas forcément bien documenté. La prise de connaissance littérale, explicite, lisible et claire de son contenu, et des règles, n'est pas disponible. Au contraire, dans le cas du calcul de l'impôt sur le revenu, une documentation extrêmement abondante est disponible, sous plusieurs formes. Si, comme nous y invite et le prescrit la loi pour une République numérique, nous devons, demain, faire un effort de transcription de l'algorithme, en langage compréhensible et clair pour un usager, nous n'aboutirons pas à un résultat différent de ce que notre documentation propose aujourd'hui. Au regard de cet objectif essentiel de transparence de l'algorithme, une part importante du travail est déjà accomplie.
Nous devons aujourd'hui mettre en oeuvre les prescriptions de la loi pour une République numérique, qui nous enjoignent à juste titre d'être totalement transparents sur nos algorithmes. Nous nous attachons ainsi, en collaboration avec Etalab, à faire le lien entre l'information donnée à l'usager pendant le process déclaratif, ou lorsqu'il reçoit sa notification, sur le fait que le résultat présenté est le fruit d'un algorithme, et l'élément de documentation correspondant à l'explicitation de cet algorithme, consultable à tout moment en ligne pendant le processus de déclaration.
Voici, en quelques mots, notre vision de cette problématique, pour ce qui concerne les caractéristiques de notre algorithme.