Intervention de Sébastien Lecornu

Séance en hémicycle du mardi 18 juillet 2017 à 21h30
Ordonnances relatives à l'élaboration des décisions ayant une incidence sur l'environnement — Discussion générale

Sébastien Lecornu, secrétaire d'état auprès du ministre d'état, ministre de la transition écologique et solidaire :

Je vous remercie pour vos encouragements en matière de co-construction. Certains parmi vous ont souligné qu'il était peut-être un peu iconoclaste de se servir d'une ordonnance pour transposer et pour introduire les différents dispositifs que nous étudions ce soir dans le droit français. La réalité, c'est que le mécanisme des ordonnances a permis d'obtenir un véritable consensus entre différents partenaires – les organisations non gouvernementales, le monde économique, les élus locaux, les parlementaires – sur les textes que nous vous proposons ce soir.

Vous avez également insisté, monsieur Pancher, qui n'êtes toujours pas là, sur la dématérialisation en disant qu'elle va dans le bon sens. Je souscris également à ces propos mais je tiens à répéter ce que j'ai dit lors de la discussion générale : la CNDP gardera la capacité de réintroduire le format papier si, notamment pour des raisons sociales ou dans certains territoires ruraux, le besoin s'en faisait sentir.

Monsieur le député Bouillon, représenté par le ministre Guillaume Garot, que je salue, a eu raison de rappeler, avec son groupe et comme le député Sermier, que la Charte de l'environnement et la convention d'Aarhus prévoient l'intégration dans le droit positif d'éléments de participation citoyenne. C'est précisément ce que nous faisons ce soir : nous créons du droit positif concret, opérationnel pour nos concitoyens, à des fins de participation à des projets pouvant porter une atteinte particulière à l'environnement.

Vous nous demandez, avec votre groupe, monsieur Garot, de définir la notion de « participation publique ». C'est intéressant d'un point de vue juridique : il s'agit, au-delà de l'opportunité politique, de proposer une écriture juridique de cette notion – j'y reviendrai lors de l'examen des amendements. Avec cette ordonnance, nous commençons à inscrire dans le droit positif des éléments de définition de cette notion.

Je m'interroge aussi sur la question de savoir si cette ordonnance est le bon véhicule pour y parvenir. Cette question se pose également à propos de la « clause balai » – j'y reviendrai dans quelques instants en réponse à M. le député Wulfranc – : cette ordonnance est-elle le bon véhicule pour changer le droit, l'écriture de l'amendement recelant beaucoup d'incertitudes ? Je n'en suis pas certain.

Enfin, vous le savez, nous avons lancé un atelier pour réfléchir aux moyens de transformer le Conseil national pour la transition écologique, le CNTE, de façon à l'intégrer dans nos procédures de participation.

Pour résumer en une phrase la position de votre groupe, madame la députée Mathilde Panot, cela ne va pas assez loin. C'est votre droit et je respecte votre position. Néanmoins, l'avancée de ce soir est concrète, inédite, unique, opérationnelle. Ce droit-là, ça fait longtemps qu'on en parle, qu'il fait l'objet de déclarations, de promesses, et voilà que ce soir, mine de rien, nous le traduisons en droit positif opérationnel.

Vous vous inquiétez beaucoup que la fixation de seuils n'entrave le recours à la CNDP, ôtant à ce droit toute effectivité réelle. Vous me permettrez de considérer que l'instauration de seuils permet au contraire de véritables débats. Je ne voudrais pas que vous ayez mal compris le propos que j'ai tenu en commission – je n'ose croire que vous l'ayez caricaturé – : ce n'est pas parce qu'il manque des agents à la CNDP que nous fixons des seuils, d'autant que les moyens de la CNDP ont été augmentés. Je vous l'ai d'ailleurs expliqué en commission, madame la députée. J'ai même expliqué qu'on avait augmenté le nombre de garants, qu'on les avait formés. Je vous ai déjà répondu sur tous ces points.

Si on fixe des seuils, c'est aussi, tout simplement, pour organiser un peu le débat. Sans vouloir offenser quelque conviction que ce soit, un bon débat est un débat qui a lieu dans l'ordre. Ici même, dans le temple de la démocratie, il y a un règlement intérieur : on ne prend pas la parole n'importe comment, la prise de parole est organisée et cela n'empêche pas la démocratie de fonctionner. Nos concitoyens nous en voudraient beaucoup si tout cela devait se dérouler dans le bazar, ouvrant la possibilité de recours abusifs.

En effet, là où vous pensez peut-être rendre service, des intérêts contraires pourraient détourner cette capacité à saisir la CNDP pour retarder de vrais bons projets écologiques. Un parlementaire a rappelé que certains de ces projets participent à la transition écologique et se heurtent à l'opposition de groupes d'intérêts que vous connaissez. C'est parce que nous sommes là pour raisonner en droit et pas seulement en opportunité politique que je me suis permis de rappeler ces arguments.

Vous avez par ailleurs, avec d'autres, évoqué l'examen au cas par cas. Je ne voudrais pas qu'on considère cet examen comme une procédure de valeur inférieure, la procédure « du pauvre » – pardonnez-moi l'expression. Ce n'est pas le cas en droit. En tant que membre du Gouvernement – et je suis certain que les parlementaires partageront ce souci –, je pense en outre que cela serait profondément irrespectueux à l'égard des fonctionnaires de l'État qui instruisent ces dossiers dans les DREAL – directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement –, les DRIEE – directions régionales et interdépartementales de l'environnement et de l'énergie –, et les DEAL – directions de l'environnement, de l'aménagement et du logement – dans les départements d'outre-mer. Croyez-moi, madame la députée, ils le font avec beaucoup de célérité et de sérieux.

Ce n'est pas parce qu'un examen est au cas par cas – je le dis aussi pour vous, monsieur le député Wulfranc – qu'il s'agit d'une autorisation environnementale au rabais. Si vous avez constaté un tel cas dans votre circonscription, ça m'intéresserait de le connaître. Je tenais à le dire afin de ne pas laisser prospérer au sein de la représentation nationale l'idée que le « cas par cas » n'est pas une bonne étude.

Vous avez enfin pointé un ou deux dysfonctionnements de la CNDP : c'est justement ce qui justifie ces ordonnances, madame la députée ! Le texte que vous adopterez ce soir permettra de répondre à cela. Je le répète, une fois ces dispositifs évalués, même par le Parlement– car une évaluation ne ment pas –, on pourra en reparler.

Monsieur le député Wulfranc, j'ai noté la référence purement normande au contournement routier : les députés normands l'apprécieront.

Vous parlez de la « clause balai », monsieur le député. Cette clause est intelligente, intellectuellement intéressante, pour moi en tout cas. Cependant l'introduire ce soir dans cette ordonnance, dont ce n'est pas l'objet principal, créerait une véritable incertitude juridique, étant donné surtout la manière dont est rédigé votre amendement.

L'introduction d'une telle clause pourrait laisser supposer qu'on en aurait fini avec toute nomenclature précise des risques environnementaux. Dans la tradition juridique française, la définition de seuils et de risques ciblés, soit par le pouvoir législatif, soit par le pouvoir réglementaire, apporte des garanties en matière de préservation et de protection de notre environnement. Nous pourrons en rediscuter, et la commission pourrait en débattre – mais cela ne me regarde pas. En tout cas, le Gouvernement prendra sa part à ce débat et s'efforcera de le faire avancer.

Vous avez évoqué les vices de forme, monsieur le député. Je rappelle qu'une loi de simplification de 2011, telle que le Parlement a l'habitude d'en voter, dispose que les vices de forme n'affectent pas la légalité de la procédure dès lors qu'ils n'ont aucun impact sur le fond. Par conséquent, et dans la continuité du vote du Parlement, je ne souhaite pas que l'on revienne sur des efforts de simplification que le Gouvernement a fait approuver par le Parlement sous le quinquennat précédent.

Je vous remercie pour vos propos, monsieur le député Djebbari. Nous vous devons, au rapporteur et à vous-même ainsi qu'à la bienveillance de sa présidente, les avancées importantes adoptées en commission, que cela soit en matière de seuils – dix millions ou cinq millions, ce n'est pas la même chose –, de délais, afin notamment de les aligner avec ceux du code de l'urbanisme, de modalités ou de clarification. Merci pour vos propos et surtout pour votre action.

Merci, monsieur le député Sermier, pour les voeux républicains de réussite que vous avez adressés aux membres du Gouvernement : je reconnais là votre état d'esprit constructif, en quelque sorte, sur les questions environnementales en tout cas !

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